Le Centre d’égalité de traitement (CET), c’est une petite équipe qui lutte contre les discriminations relevées au quotidien. Ses moyens sont faibles, trop, selon son président.
Sur les 115 cas de discriminations que le CET a pu traiter en 2016, près de 57 % ont été résolus. Cela signifie que le CET a donné un service de conseil et d’orientation et qu’il a aussi parfois résolu directement le problème. Sans compter que 25 % des dossiers finissent par un désistement du requérant.
Les bilans du CET restent, bon an mal an, sans grandes surprises. Les statistiques restent sensiblement les mêmes, les recommandations aussi. À se demander qui se soucie du Centre d’égalité de traitement, qui a fêté l’an dernier ses dix ans d’existence légale et ses huit ans d’existence réelle. Il a déjà fallu deux ans au gouvernement pour livrer l’arrêté grand-ducal marquant l’acte de naissance du CET prévu par la loi de 2006.
Avec une enveloppe annuelle de 87 000 euros pris sur le budget du ministère de la Famille et de l’Intégration, le CET tourne avec deux effectifs à temps plein et un collège composé de cinq membres, présidé par Mario Huberty. C’est maigre, il faut le reconnaître.
Alors le CET fait ce qu’il peut quand on vient sonner à sa porte. Depuis 2014, des malvoyants se plaignent de l’accessibilité du site de la Chambre des députés et notamment l’impossibilité pour eux de signer une pétition électronique puisqu’il faut utiliser un captcha pour la validation. «Rien n’a encore bougé dans ce dossier», a déclaré jeudi Patrick Hurst, membre du collège du CET et concerné par le problème.
On s’adresse encore à lui quand l’administration publique et certains ministères ont la fâcheuse tendance à n’utiliser que le nom du conjoint (marié ou pacsé) pour désigner leur partenaire ou épouse. Le CET demande instamment que seul le nom de naissance soit utilisé dans les documents officiels. Le Premier ministre, Xavier Bettel, a promis d’intervenir.
«Le parquet devrait pouvoir s’autosaisir»
Une toilette publique pour handicapés verrouillée le matin? On le signale au CET. Une différence de prix selon le sexe à l’entrée d’un club ? Idem. Vous avez déjà remarqué sans doute la petite mention qui accompagne une offre d’emploi demandant au candidat de joindre une lettre manuscrite, là aussi c’est discriminatoire et le CET est aussitôt saisi par des plaignants.
Dans tous ces cas et pour tous les autres, le CET envoie des courriers et attend des réponses. Parfois ça marche, pas toujours. Les demandes d’explication sont ignorées et quand il y a des promesses, elles sont rarement tenues. La petite équipe du CET étoffe son chapitre des «recommandations non réalisées des années précédentes» avec les nouvelles qui s’y ajoutent. Le Centre demande ainsi un pouvoir d’enquête renforcé afin de contraindre ses interlocuteurs à collaborer ou au moins à lui répondre.
Il réclame encore un accès facilité à la jurisprudence en matière d’égalité de traitement, non seulement pour ses travaux, mais pour l’ensemble de la population qui serait ainsi sensibilisée aux faits discriminatoires. Justement, en parlant des affaires, elles n’ont pas toutes la chance d’aboutir. Le CET constate toujours que des plaintes sont classées sans suite par le parquet et suppose qu’un manque de moyens en est à l’origine. Un renforcement des effectifs serait le bienvenu d’autant que «beaucoup d’actes restent impunis» et surtout «sur internet», explique Nathalie Morgenthaler, chargée de direction.
Le CET lui-même n’a pas le pouvoir d’ester en justice. Encore une vieille requête qui s’accompagne d’une fin de non-recevoir. «Le parquet devrait pouvoir s’autosaisir car les victimes n’ont pas toutes le courage ou les moyens de se défendre», explique la chargée de direction. Pendant ce temps, sur la Toile, les injures et les discriminations vont bon train sous couvert de l’anonymat, bien souvent.
Dernière revendication en date : l’introduction de la nationalité comme motif de discrimination. Le gouvernement avait la possibilité de le faire en transposant une directive européenne, mais il ne l’a pas fait en dépit d’une demande formelle du CET.
Le Centre d’égalité de traitement finira-il par avoir plus de poids en rejoignant la maison des droits de l’homme qui abritera toutes les organisations qui lui sont dédiées ? Elle l’espère. Mais elle attend depuis 2009 alors que l’État peine à lui trouver un toit. Un immeuble est prévu route d’Arlon, mais le premier coup de pelle n’a pas encore été donné.
Geneviève Montaigu