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Le boom des grandes surfaces


Le Luxembourg aiguise plus que jamais les appétits commerciaux et connaît un net regain de projets, allant des grands complexes aux magasins de proximité.

Les projets phares du Royal Hamilius et d’Auchan Cloche d’or ne sont que des arbres qui cachent la forêt. C’est bien simple : au ministère de l’Économie, qui délivre les autorisations pour les surfaces supérieures à 400 m2, on n’a jamais vu passer autant de projets en 2014 que depuis quinze ans. Soit quelque 40 000 m2 supplémentaires, déjà ou bientôt réalisés, avec comme seul « gros » projet celui d’un nouvel Auchan à Differdange, aux côtés de l’extension du City Concorde, la création d’un Gamm Vert à Ingeldorf, d’un Lidl à Beggen, d’un Mango près de la gare, ou encore de nouveaux centres commerciaux à Echternach et Remerschen. « Il y avait eu un coup de frein en 2009 avec la crise.

Les investisseurs ont préféré attendre. Mais on assiste désormais à un vrai rattrapage, avec notamment une recrudescence très nette des supermarchés », observe Christian Schüller, président de la Commission d’équipement commercial et chef de la direction générale PME et entrepreneuriat. « On a l’impression d’une montée en flèche, mais il s’agit en effet d’un rattrapage, les projets étaient dans les tiroirs », acquiesce Thierry Nothum, directeur de la Confédération luxembourgeoise du commerce (CLC).

Plutôt que d’un boom des grandes surfaces, Christian Schüller préfère parler d’un « développement dynamique en phase avec celui de l’économie et de la population ». Le fort pouvoir d’achat des Luxembourgeois n’a guère été entamé avec la crise et la croissance démographique se poursuit à un rythme soutenu de « 13 000 nouveaux résidents par an depuis cinq ans, 20 000 si l’on compte les frontaliers ».

Mais à cet essor d’accompagnement, il faut ajouter le phénomène toujours en cours d’arrivée de nouvelles enseignes. Colruyt, Monoprix et Carrefour (lire ci-dessous) n’en sont que des exemples. « Ces dernières années ont vu le développement d’un tissu commercial analogue à celui des autres pays, où toutes les formes, concepts et gammes sont représentés. Il n’y a plus de petit marché et tous les débouchés, même modestes, sont intéressants, ne serait-ce qu’en termes de présence symbolique d’une grande enseigne dans un pays multiculturel comme le Luxembourg et sa capitale européenne », analyse Christian Schüller.

« Un laboratoire pour les nouvelles enseignes »

Thierry Nothum confirme : « Vu sa taille, le Luxembourg n’était pas intéressant jusqu’ici. Les gros morceaux avant les miettes. Les parts de marché deviennent de plus en plus petites en Europe. Avec un certain retard, le pays entre dans la ligne de mire de certaines enseignes. C’est un beau laboratoire pour elles. »

Poussés par la tendance du « temps court », les supermarchés de proximité et les services « drive » ont particulièrement le vent en poupe, tout comme les discounters, désormais « anoblis », ou encore les enseignes de textile et de bricolage et jardinage. Ainsi, en dépit d’un foncier rare et cher, le Grand-Duché n’a sans doute jamais autant aiguisé les appétits des grands groupes de distribution, en parallèle d’une fièvre commerciale analogue derrière ses trois frontières.

Le premier effet est de renforcer la concurrence : « Elle est indéniable aujourd’hui et ne peut que profiter au consommateur. Elle est d’ailleurs souhaitable puisque le prix moyen du panier luxembourgeois n’est pas inférieur à celui de nos voisins (NDLR : égal à la Belgique et supérieur à la France), malgré une TVA de 3 % qui s’applique sur les deux tiers des produits de ce panier », commente Christian Schüller, qui voit dans le rôle du ministère celui « d’accompagner le mouvement ».

Selon lui, « les Luxembourgeois dépensent beaucoup à l’étranger dans le commerce de détail. C’est de bonne guerre, mais le solde reste largement en notre faveur. » Et d’estimer qu’un projet comme celui d’Auchan à Differdange permettra de retenir encore plus les dépenses des frontaliers français.

Saturation entre l’offre et la demande ?

Quant à une éventuelle saturation au Grand-Duché, qui affiche déjà la plus forte densité commerciale d’Europe, avec plus d’un million de mètres carrés dédiés à la vente, Christian Schüller n’y croit pas : « Les enseignes ne construisent pas un centre commercial s’il n’y a pas une demande. Personne ne peut dire s’il y a saturation ou pas. La saturation d’aujourd’hui, c’est le manque de demain. »

À la CLC, Thierry Nothum se montre beaucoup moins confiant. Selon lui, on assiste ces dernières années à « une surenchère commerciale dans la Grande Région », qui crée un risque de « surcapacité » et annonce peut-être des lendemains qui déchantent, avec de possibles friches et fermetures. « Il est certain que le gâteau va être coupé en plus petites parts ces prochaines années. La concurrence est une bonne chose, mais c’est une affaire de dosage », prévient Thierry Nothum, qui en appelle aux politiques pour anticiper l’appréhension d’un tel scénario. Avant qu’il ne soit trop tard.

De notre journaliste Sylvain Amiotte

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