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La carotte et le bas taux

Si les banques vacillent, nos sociétés s’écroulent. L’homme moderne ne «survit» pas longtemps sans compte en banque ni carte de crédit, ses quelques piécettes et billets en poche ne pouvant que retarder l’inévitable retour à l’état de nature économique, bref, au troc et au jardin potager.

Cette logique aux allures d’épée de Damoclès a été si bien intégrée dans les mentalités que la crise de 2008 n’a pas réussi à l’ébrécher. Les banques représentent toujours les fondements de notre système économique. On voit donc mal les instances européennes aller contre les intérêts des banques, même lorsque ces intérêts sont contraires à ceux des particuliers – et c’est bien là une source d’une malheureuse défiance croissante vis-à-vis des banques et de l’Europe.

Pourtant, le 21 décembre dernier, surprise : la Cour de justice de l’Union européenne a tiré un boulet que des banques espagnoles vont avoir du mal à digérer. Il vise les «clauses planchers». Début 2000, profitant de la bulle immobilière espagnole, des banques ont produit une pelletée de crédits immobiliers à taux variable. Or une partie des contrats comportait une clause très discrète fixant un taux minimum entre 2 et 3% : la clause plancher. Quand l’Euribor, le taux de référence, a commencé à partir de 2009 à descendre en dessous de ce plancher, des banques se sont donc accaparé les bénéfices de cette baisse, sur le dos des emprunteurs.

La Cour de justice a jugé ces clauses «abusives», car les clients n’en avaient pas connaissance, et condamné les banques à rembourser le trop-perçu. Sachant qu’entre 1,4 et 2 millions de clients en ont été victimes, la facture s’élèvera au bas mot à 4 milliards d’euros.

Voici donc les mêmes banques, paniquées, qui implorent désormais le gouvernement espagnol de limiter au maximum ce remboursement. Et beaucoup jugent ce scénario réaliste, car cette facture salée, couplée à la mauvaise conjoncture, serait fatale à nombre de banques… donc aux Espagnols.

Cette sempiternelle menace nous rappelle que plus que le bâton, certaines banques savent manier la carotte. Mais d’une façon plus vulgaire que ne le veut l’expression consacrée…

Romain Van Dyck