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Nous sommes Edward

Le documentaire oscarisé « Citizenfour » est à déconseiller aux paranoïaques.

En moins de deux heures, la réalisatrice Laura Poitras, qui était aux côtés d’Edward Snowden au moment où celui-ci a révélé les pratiques d’espionnage de l’administration américaine, illustre la folie sécuritaire. Tout citoyen connecté, quelque part dans le monde, peut à tout moment être espionné.

C’est ce qu’Edward Snowden a dévoilé à un journaliste du Guardian. Posément, celui qui est aujourd’hui réfugié politique en Russie prévient ses interlocuteurs, face caméra, que leur vie va changer s’ils acceptent de collaborer avec lui. Peu à peu, alors que la National Security Agency (NSA) découvre le grand déballage, tous plongent dans un monde régi par un Big Brother omniscient.

1984, ce n’est pas demain, mais c’était hier, en 2013, et le monde n’a pas changé depuis. Le film démonte le système mis en place par les États-Unis, avec l’aide complaisante de leurs alliés. Il montre aussi que le lanceur d’alertes Snowden, comme tous ceux qui se sont risqués à l’exercice, n’a pu compter que sur quelques soutiens au moment où il a parlé au nom de la démocratie.

Il montre surtout que la machine sécuritaire américaine n’a de cesse d’empiéter sur les libertés individuelles. Sous prétexte de protéger des citoyens américains, la plus grande démocratie du monde se comporte comme la pire des dictatures avec ceux des autres pays. La paranoïa d’État comme arme de dissuasion massive n’a aucun sens et n’est qu’une bombe à retardement.

Edward Snowden l’a compris et s’est sacrifié pour dénoncer cette folie. Il risque la prison à perpétuité dans son pays et les services secrets américains feront tout pour l’amener devant un juge. Son nom a pourtant été cité à deux reprises pour le Nobel de la paix, mais il n’a pas été récompensé, contrairement à Barack Obama, président d’une Amérique qui se croit tout permis.

Alors si, au nom de la liberté d’expression, nous sommes tous Charlie, nous sommes aussi, nécessairement, tous Edward.

Christophe Chohin (cchohin@lequotidien.lu)