Les bars de nuit des quais du Tage à Lisbonne se préparent à l’afflux de visiteurs participant au « Web Summit ». Surnommée le « Davos des geeks », cette grand-messe du numérique devrait doper l’économie du Portugal, toujours fragile après avoir frôlé la faillite en 2011.
Plus de 53 000 participants issus de 15 000 entreprises de 165 pays exploreront à partir de lundi la capitale portugaise, nouvelle ville hôte de cette conférence organisée pendant cinq ans à Dublin avant d’être délocalisée à Lisbonne. Ce sommet mondial des nouvelles technologies devrait avoir des retombées directes de 200 millions d’euros sur l’économie du Portugal, dont 50 millions pour l’hôtellerie, selon des estimations du gouvernement.
« L’impact indirect pourrait être encore nettement supérieur, car des centaines de grands investisseurs seront présents au Portugal », prévoit le ministre de l’Économie Manuel Caldeira Cabral. « Ils n’apportent pas seulement de l’argent, mais aussi un savoir-faire sur l’investissement dans les entreprises technologiques, ce qui est rare en Europe. » Outre les 50 millions d’euros pour l’hôtellerie, calculés en fonction de la dépense moyenne par visiteur, un impact du même montant est attendu pour les sous-traitants directs de la conférence. Le secteur des transports en profite aussi, dont la compagnie aérienne nationale TAP, avec des ventes en hausse de 15% pour les vols européens, tout comme les restaurants et les bars de nuit, lieux de rencontres privilégiés des habitués du Web Summit.
Les hôtels complets
« La nuit, nous serons dans les rues de Lisbonne, avec des dizaines de milliers d’entrepreneurs qui échangent des idées et, je l’espère, concluent des affaires. C’est passionnant ! », explique le patron du Web Summit, Paddy Cosgrave, un Irlandais décontracté de 33 ans. Les sorties nocturnes peuvent parfois servir de tremplin pour les start-up. Ainsi Uber, plateforme de réservation de voitures, n’était qu’une petite entreprise californienne inconnue lorsqu’elle a participé en 2011 au Web Summit. « Au cours d’une virée dans les pubs de Dublin, son fondateur a réussi à rencontrer deux investisseurs qui ont injecté deux jours plus tard 50 millions d’euros dans l’entreprise », raconte Paddy Cosgrave.
Les hôtels situés dans l’est de la capitale, à proximité des centres de congrès où aura lieu le Web Summit, affichent complet. « En novembre, le taux d’occupation n’est normalement que de 50% », confie le directeur des ventes de la chaîne hôtelière, Jorge Lopes. S’il reconnaît une augmentation des prix « entre 20 et 25% », la hausse des tarifs a été en moyenne de 68% dans les hôtels lisboètes, selon le site de comparateur Trivago. « Tout le réseau hôtelier en profite, avec des réservations en hausse de 10 à 15%, car avec les accompagnants, le Web Summit représente un univers total de 100.000 personnes », assure José Manuel Esteves, directeur général de l’Association portugaise de l’hôtellerie.
Visibilité internationale pour les start-up
Et la concurrence, la plateforme de location de logements entre particuliers Airbnb, n’est pas en reste, avec 15 000 réservations enregistrées pour le Web Summit, soit des recettes évaluées à 2,8 millions d’euros. « L’offre hôtelière de Lisbonne est bien supérieure à celle de Dublin, et nos infrastructures technologiques sont meilleures. Le Portugal a beaucoup développé sa capacité à organiser des événements, comme l’Exposition universelle en 1998 ou l’Euro de football en 2004 », fait valoir Manuel Caldeira Cabral.
Quant aux start-up portugaises, qui tenteront pendant quatre jours de séduire des investisseurs, « le Web Summit leur donnera une visibilité internationale qui leur permettra une expansion plus rapide ». Frappé en 2011 par une grave crise financière et économique qui a poussé des dizaines de milliers de jeunes diplômés à émigrer, le Portugal est sorti de la récession en 2014, mais la reprise reste encore timide. Selon le ministre, le Web Summit devrait contribuer à « freiner l’émigration, voire inciter au retour de jeunes qualifiés, installés en Angleterre, France et Allemagne ».
Le Quotidien/AFP