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Langue luxembourgeoise : la pétition phénomène


En seulement cinq jours, la pétition publique numéro 698 déposée par Lucien Welter a largement dépassé le cap des 4 500 signatures nécessaires à la tenue d'un débat à la Chambre des députés. (illustration Editpress/Jean-Claude Ernst)

Ils veulent que leur langue maternelle soit la langue administrative et judiciaire du pays. Sans écarter le français et l’allemand. La pétition cartonne.

Ils étaient déjà près de 9 000 signataires vendredi soir à réclamer l’instauration de la langue luxembourgeoise comme langue administrative. En seulement cinq jours, la pétition publique numéro 698 déposée par Lucien Welter a largement dépassé le cap des 4 500 signatures nécessaires à la tenue d’un débat à la Chambre des députés. Le décompte final, prévu pour le 24 octobre, a toutes les chances de créer la surprise.

C’est aussi la pétition qui crée le plus d’animation sur les réseaux sociaux, Facebook en premier lieu, et la page Nee2015.lu, apparue pendant la campagne référendaire pour s’opposer au droit de vote des étrangers, en est le principal support. «Ce que nous demandons ne fait de mal à personne, ne retire rien à personne», martèle l’administrateur de cette page qui tente de répondre posément à ses interlocuteurs virtuels.

Aux inévitables débordements francophobes, il oppose un honnête argumentaire. Il n’est pas question pour l’auteur de la pétition de condamner l’usage du français et de l’allemand, mais d’y ajouter le luxembourgeois en tant que première langue administrative. Les lois, comme les jugements et toutes les communications officielles, devront être rédigées également et avant tout en luxembourgeois.

La réalité indique que la langue luxembourgeoise ne s’est jamais aussi bien portée. Cependant, les pétitionnaires craignent qu’elle ne dépérisse à l’horizon 2060, quand le pays comptera plus d’un million d’habitants selon les prévisions démographiques.

En face, ceux qui se satisfont de l’usage indistinct des trois langues du Grand-Duché soupçonnent fortement les auteurs de la pétition de faire de l’esprit «antifrançais». Ces derniers s’en défendent, mais reconnaissent que cette langue est difficile. L’allemand leur convient mieux, c’est certain.

Cependant, c’est bel et bien le luxembourgeois que les signataires veulent instaurer comme principale langue véhiculaire. Leur langue maternelle, en somme. Mais ce vœu pieux est difficile à réaliser. Nous avons demandé à une juge du tribunal d’instance de Luxembourg si elle pouvait s’imaginer rédiger des jugements en luxembourgeois. La réponse d’Alexandra Huberty est non.

Impossible à mettre en œuvre ?

«Le luxembourgeois ne pourra jamais être une langue judiciaire, car il n’existe pas de tradition judiciaire en luxembourgeois. Il faudrait inventer un vocabulaire et cela nuirait à la sécurité juridique», estime-t-elle. Elle parle pourtant luxembourgeois aux audiences et livre les jugements oralement en luxembourgeois, du moins elle explique la peine qui a été prononcée. «Je ne vais pas lui dire qu’il bénéficie d’un « sursis probatoire », je vais lui expliquer dans le langage courant ce qu’il a le droit de faire et de ne pas faire pendant une période donnée, pas plus», indique la juge.

Sur le même sujet : [Luxemburgensia] La langue de la désintégration

 

Alexandra Huberty se voit mal écrire en luxembourgeois. «Dans la procédure écrite, l’avocat devra donc conclure en luxembourgeois, mais je doute qu’il l’écrive sans faute. Moi-même je ne le maîtrise pas à la perfection», avoue-t-elle. Surtout, introduire le luxembourgeois comme langue judiciaire ralentirait considérablement la bonne marche de la justice. «Nous sommes à une période où le souci principal est d’améliorer la vitesse de travail, alors on ne va pas commencer avec un couac pareil!», prévient-elle.

Des traducteurs, peut-être ? «Là encore, quel jugement sera valable ? L’original doit l’être, pas la traduction qui peut comporter des erreurs», conclut Alexandra Huberty.

Le débat qui se tiendra à la Chambre sur cette question va certainement déchaîner les passions après avoir enflammé le web.

Geneviève Montaigu

4 plusieurs commentaires

  1. bah, j’ai eu un jour à la maison un employé qui venait me mettre internet et qui ne parlait que le luxo (pas français , ni allemand et encore moins anglais)
    de qui se moque t’on ?

  2. fernando dias sobral

    Dans le contexte judiciaire où l’exigence linguistique est très marquée, je me permets de rapeler une tres interessante légende.

    D’après celle-ci, on soumet un jour à Charles Vl pour signature, une decision en matière de grâce.
    La décision était formulée de la manière suivante:

    « Pardon impossible, qu’il soit exécuté. »

    L’empereur qui s’était levé généreux, décide de déplacer la virgule et signe alors la décision.

    « Pardon, impossible qu’il soit exécuté »

  3. fernando dias sobral

    Bonjour,

    Je partage entièrement l’opinion de Mme le juge Huberty.
    Inclus l’utilisation orale du luxembourgeois devant les tribubaux devrait se limiter à des cas exceptionnels, comme par exemple pour une minorité de personnes âgées, qui sont presque les seuls à ne parler que luxembourgeois.
    Il faut savoir que lorsque, par exemple un greffier prend des notes au plumitif en luxembourgeois, la traduction est tout simplement impossible.
    J’étais confronté à plusieurs reprises avec ce problème en matière pénale, ce qui pose beaucoup de questions s’agissant des exigences du procès équitable.
    Pour ces cas exceptionnels, il faudrait assurer des interprètes pour garantir le contradictoire, le juge pour des raisons d’impartialité ne devant pas faire le traducteur comme il arrive des fois.
    Salutations.
    Fernando DIAS SOBRAL

  4. Ni Goethe, Ni Schiller, Ni Voltaire, Ni Celine ont parlé ou écrit en luxembourgeois. Les seules vraies langues officielles du LUXEMBOURG sont l’allemand et le francais,
    le luxembourgeois, comme le suisse allemand, l’alsacien est un dialecte germanique.