Plusieurs centaines de Britanniques travaillent dans les institutions européennes à Luxembourg. En cas de Brexit, leur présence pourrait ne plus être justifiée.
L’ambiance est pour le moins tendue dans les couloirs des institutions européennes. En cas de Brexit, les ressortissants britanniques ne savent pas à quelle sauce ils vont être mangés. Et d’ailleurs, personne ne peut prédire ce qu’il se passera en cas de sortie du Royaume-Uni de l’UE.
Une chose est sûre : en cas de Brexit, le Royaume-Uni aura deux ans pour négocier ses conditions de sortie. Évidemment, tout est extrêmement complexe, puisque les Britanniques ont adopté comme les autres États membres des directives européennes qui sont supranationales : « Il faudra réintégrer le droit européen en droit interne, cela prendrait beaucoup de temps », explique May Nalepa, avocate en droit européen aux barreaux de Metz et Luxembourg.
Mais dans les faits, officiellement, « personne ne s’est mouillé pour dire ce qu’il adviendrait des fonctionnaires britanniques. Je pense qu’ils seraient tout simplement rapatriés en tant que fonctionnaire d’État national », continue l’avocate. À l’heure actuelle, personne ne sait ce qu’il arrivera, dans la mesure où l’article 50 du traité de l’Union européenne – «Tout État membre peut décider, conformément à ses règles constitutionnelles, de se retirer de l’Union» – n’a jamais été appliqué.
Rien n’est simple dans cette affaire
En attendant, pour qu’un Brexit ait vraiment lieu, il faut que les Britanniques votent en faveur d’une sortie de l’UE, mais pas seulement. Rien n’est simple dans cette affaire. « Juridiquement, le référendum n’a aucune valeur. Ce sera au gouvernement britannique, le cas échéant, de venir au Conseil européen pour notifier sa sortie. Encore faut-il qu’il y ait une majorité nécessaire pour que cela soit possible », évoque Jean-Noël Louis, avocat belge spécialiste des questions liées aux fonctionnaires européens, plaidant à la Cour de justice de l’Union européenne.
Pour ce dernier, il serait choquant que les fonctionnaires britanniques soient menacés de quitter leur poste : « Si l’on part du principe que ces personnes travaillent pour l’Union et non pas pour leur pays d’origine, alors, que le Royaume-Uni soit membre ou pas ne va pas entacher leur travail. Dire que les fonctionnaires de nationalité britannique doivent quitter les institutions européennes, c’est revenir à l’union des pays prônée par le traité de Lisbonne plutôt qu’à une vraie communauté. »
Si l’on regarde les textes, l’article 28 du statut des fonctionnaires des communautés européennes fixe deux critères notamment pour pouvoir devenir fonctionnaire : «Nul ne peut être nommé fonctionnaire s’il n’est ressortissant d’un des États membres des Communautés, (..) et s’il ne jouit de ses droits civiques.» « Dans les faits, les Britanniques qui ont quitté leur pays perdent leur droit de vote après 15 ans. Donc, si l’on suit les textes à la lettre, les anciens fonctionnaires ne devraient déjà plus l’être », poursuit Jean-Noël Louis.
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Qui dit départ d’un État membre dit réduction de la masse de travail, mais surtout réduction du budget. Mis à part les traducteurs anglophones qui seraient toujours demandés, les Irlandais ne pouvant pas absorber toute la demande, la suppression de postes budgétaires serait une réalité. Mais là encore, les choses ne sont pas aussi simples comme l’explique Jean-Noël Louis : « L’article 41 du statut des fonctionnaires prévoit la réduction du nombre d’emplois dans les institutions, mais en aucun cas des nationalités ne peuvent être visées par ces mesures. » On ne peut donc pas se «débarrasser» du contingent de Britanniques d’un claquement de doigts.
Avec toutes ces incertitudes, les fonctionnaires sont pour le moins à cran. Car même si les Britanniques gardent leur poste, leur carrière risque de subir un sérieux coup de frein : « Ils sont inquiets pour leur avenir, car les nominations de poste sont intimement liées à la nationalité. Ne pas être ressortissant d’un pays membre aussi important que le Royaume-Uni, c’est dire adieu à sa carrière », estime Nicolas Mavraganis, vice-président de l’Union syndicale fédérale chargé de la communication et fonctionnaire de la Commission européenne au Luxembourg.
Par ailleurs, un aspect accessoire de la question du sort des fonctionnaires britanniques des institutions européennes est à souligner. Il est lié à leurs enfants. Quel contrecoup subira l’école européenne en cas de Brexit? « Chaque État membre doit fournir des professeurs détachés de langue maternelle , ajoute le syndicaliste. Les Britanniques envoient donc des professeurs, mais les sections anglophones sont en constante augmentation, donc des chargés de cours payés par l’école européenne sont aussi présents. Mais si l’école paie, c’est parce que l’Union européenne est derrière. Les parents ont peur que la qualité de l’enseignement se dégrade si le Royaume-Uni se retire. »
Audrey Somnard