Les «Panama Papers» et leur cortège de révélations embarrassantes depuis dimanche poussent les grands pays à afficher leur volonté de combattre l’opacité fiscale, et surtout de mettre au pas le mouton noir, le Panama, qui n’entend pas se laisser faire.
«Malheureusement, le Panama est un peu trop habitué à faire des allers-retours, à faire le gentil, puis à faire le méchant» dans les instances internationales chargées de lutter contre l’évasion fiscale et le blanchiment d’argent, a déclaré mercredi le ministre français des Finances, Michel Sapin, à l’antenne de la radio française Europe 1.
«Ceci ne peut plus durer», a-t-il ajouté. Et les choses pourraient commencer à bouger rapidement, le sujet devant être abordé dès la semaine prochaine dans le cadre d’une réunion du G20. En attendant, la France a décidé mardi de réinscrire le pays latino-américain sur sa liste des paradis fiscaux, et demande à l’OCDE, le groupe des pays avancés qui pilote la lutte contre l’optimisation fiscale au niveau mondial, de lui emboîter le pas.
«Il ne faut pas que l’on soit tout seuls. Il faut que ce soit un mouvement général», a insisté Michel Sapin. Depuis dimanche, les membres du Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ) déballent les pratiques financières et fiscales à tout le moins opaques de personnalités, chefs d’État, entrepreneurs, sportifs, banques… tout un éventail de clients du cabinet d’avocats panaméen Mossack Fonseca, spécialisé dans la domiciliation offshore d’entreprises.
« Ternir la réputation du Panama »
Très vite, l’OCDE a rappelé qu’elle considérait que le Panama était à contre-courant de la tendance mondiale vers plus de transparence fiscale entre les pays. Le Panama «n’a pas accepté de se joindre à l’échange automatique d’informations (entre pays, le nouveau standard fiscal international mis en place par l’OCDE), ni aucune autre initiative», a rappelé mardi soir à Berlin le secrétaire général de l’OCDE, Angel Gurria.
«A chaque fois qu’on s’occupe du Panama, nous recevons des lettres furieuses de leurs avocats», a-t-il ajouté. Face à la tempête des «Panama Papers», ce ne sont plus les avocats du pays qui montent au créneau, mais son gouvernement, qui s’en est pris à l’OCDE et à la France.
«De toute évidence, (vous) utilisez l’information émanant du récent rapport diffusé par les médias internationaux pour déformer les faits et ternir la réputation du pays», a dénoncé le vice-ministre panaméen des Affaires étrangères, Luis Miguel Hincapié, dans un courrier à l’OCDE. Le Panama accuse le chef de l’OCDE d’avoir pour dessein «de contraindre à l’adoption de la norme de l’OCDE pour l’échange automatique d’informations». Le pays menace aussi la France de représailles: «au Panama, il existe une loi qui prévoit des mesures de rétorsion contre les pays qui incluraient le Panama sur les listes grises», a averti devant la presse le directeur de cabinet de la présidence, Alvaro Aleman.
G20 Finances
Mais la pression risque de s’accroître. Les Etats-Unis, première économie mondiale et historiquement liés au Panama (ils étaient propriétaires du canal jusqu’en 1999), sont également mobilisés. «La question de l’évasion fiscale est un énorme problème», a déclaré mardi Barack Obama, en réclamant un durcissement des législations en vigueur et un renforcement de la coopération internationale. Les Etats-Unis combattent aussi ce phénomène sur le front intérieur: ils viennent d’adopter de nouvelles mesures pour freiner l’exil fiscal des multinationales américaines qui fuient l’impôt en transférant leur siège à l’étranger à la faveur de rachats d’entreprises.
Des décisions qui pourraient faire échouer un projet de méga-fusion dans le secteur pharmaceutique, entre Pfizer, le fabricant du Viagra, et Allergan, celui du Botox. Dès la semaine prochaine, le sujet sera mis sur la table lors d’une réunion des ministres des Finances du G20 à Washington, organisée en marge des réunions de printemps du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale, a-t-on appris de source française. Il sera aussi à l’ordre du jour d’une réunion des ministres des Finances européens à Amsterdam fin avril.
De même, les inspecteurs des impôts des pays de l’OCDE ont prévu de se réunir d’urgence pour parler spécifiquement du Panama.
Le Quotidien/AFP