Lancé en juin 2015, la nouvelle adresse du lauréat luxembourgois du Bocuse d’or 2013, Damien Klein, porte le nom mystérieux d’IVI. Ce n’est pas le seule surprise de l’endroit.
Damien Klein aime étonner. Sûr de lui, le jeune chef fait de chacun de ses plats un tableau. Dans sa nouvelle adresse, au centre-ville de Luxembourg, il persiste et signe.
S’il est des choses qui ne changent pas dans le paysage gastronomique local, c’est bien la volonté de Damien Klein d’innover sans cesse, sans regarder derrière lui. À l’IVI, il en a fait son leitmotiv, jusqu’à se réserver un Food Lab où il peut se laisser aller à sa créativité, sous les yeux des clients. Et avec l’aide de ses chefs. Car à l’IVI, pas de commis de cuisine, pas de seconds, mais «que des chefs», dixit le chef des chefs qui ne veut pas «se mettre en avant».
Soit sept cuisiniers à même d’amener un peu de leur personnalité dans des plats très élaborés, comme Ryu, le Japonais, qui partageait les fourneaux le jour de notre passage. Et une adresse qui ne ressemble à aucune autre, qui ne se veut pas «gastronomique» au sens classique du terme.
La nouvelle carte de printemps est à l’image de cette cuisine en mouvement perpétuel, qui mélange folie et sérieux, à la recherche de l’équilibre permanent. C’est risqué, mais c’est forcément passionnant. Damien Klein aime à dresser ses assiettes tel l’architecte culinaire qu’il est. Elles sont parfois tellement complexes qu’on hésite sur ce qui se mange et ce qui décore. Ou quand la gastronomie devient jeu.
Bientôt à Pétange
En entrée, le chef sert ainsi une soupe de prairie, à base de poireau et petits pois, une cuillère comestible faite de parmesan. Dans la soupe, des morceaux de foie gras poêlé et au moment du service, un nuage de fumée pour magnifier le tout. Des débuts complexes qui donnent une idée de ce que sera le Wax, l’autre établissement de Damien Klein, dont l’ouverture à Pétange est prévue au mois de juin. «Une adresse biodynamique», selon le maître des lieux qui n’en dira pas beaucoup plus.
La suite? Un «jardin virtuel», avec pot de terre, brouette et papillon. Dans le pot, une terre à base d’olives noires, dans la brouette, une neige de géranium. Un peu plus loin, un papillon buttermilk qui s’est posé sur des herbes du jardin à côté d’une pomme en gelée de thym, et d’autres détails tout aussi travaillés.
Le poisson ne saurait être simple. Alors, Damien Klein farcit une sole de moules, dans un enroulé du plus bel effet. Il sert le tout avec une salade de la mer, du wakame, servie avec quelques crevettes grises. Et une «coquille virtuelle».
Le pigeon voyageur qui suit est servi dans une enveloppe. Mariné pendant 48 heures, il est juste cuit 40 secondes au micro-ondes. L’hôte n’a plus qu’à décacheter le courrier pour verser la viande dans son assiette. Elle est accompagnée d’une pomme de terre à l’étonnante couleur. Du lichen venu du Grand Nord souligne le tout, pour un goût de toundra bluffant. La forêt est là.
Le dessert est un tiramisu. Enfin, un peu plus que cela car ce tiramisu est une version japonisante de la spécialité italienne, avec du thé genmaicha et du chocolat blanc pour l’accompagner. Une assiette graphique, comme les autres, qui donne aussi beaucoup de plaisir visuel. L’expérience IVI vaut le détour, autour de cette conviviale table du Food Lab. C’est frais, surprenant et coloré, de quoi passer un bon moment pour ceux qui craignent les repas à rallonge et sans âme. Ici, c’est le contraire et c’est une chose précieuse. Et l’Hybrid Bar permet de se faire une idée des folies de Damien Klein… dans un verre à cocktail.
Très bonne table
IVI, 15 rue de Louvigny, Luxembourg
Tél. : 26 26 20 95
Menus : 24 euros (midi, semaine). Carte : 75-100 euros
Food Lab : sur réservation
Hybrid Bar : du mardi au samedi
Christophe Chohin