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Les Francofolies persistent et signent au Luxembourg


Georges Mischo, Gérard Pont, Loïc Clairet et Pim Knaff en sont convaincus : cette fois, c'est la bonne ! (photo Claude Lenert)

Après une édition «test» en 2018 bâclée, les Francofolies eschoises reviennent en juin 2020 pour un festival «considérablement» remanié.

«Quand les Francofolies sont arrivées ici, c’était comme un ovni !», soutient Pim Knaff, échevin d’Esch-sur-Alzette. Il ne croit pas si bien dire quand on se replonge, le cœur gros, dans le «balbutiant» premier volet proposé en 2018. Une édition dite «test» (ou «Warm up», c’est selon) qui s’est avérée être un véritable fiasco, avec une tête d’affiche passée à la trappe (Shaka Ponk), une seconde sans voix (Julien Clerc) et un dernier concert, gratuit, dédié aux musiciens luxembourgeois sur une place de l’Hôtel-de-ville sonnant définitivement creux.

Bref, comme entrée en matière, on fait difficilement pire, au point que le précédent organisateur, Jean-Serge Kuhn, le directeur de la société KDTS, spécialisée dans l’événementiel, ne décolère toujours pas. Jeudi, du côté des locaux de 4U, à Esch-sur-Alzette, l’intention était alors claire : éviter de revenir sur ce démarrage laborieux pour mieux se projeter vers juin de l’année prochaine, voire 2022 et les nombreuses promesses de la future année culturelle.

Ça tombe plutôt bien puisque le contrat qui lie la ville et le festival de La Rochelle – qui compte déjà six autres antennes délocalisées – doit s’étaler sur cinq ans. «Il y a deux ans, tout a été trop vite», confirme Gérard Pont, le grand manitou de l’évènement célébrant la francophonie – mieux, la francophilie ! –, posant là les bases d’un nouveau départ même si le discours, rodé depuis 1985, année de création du festival, reste identique : «Les Francofolies ne sont pas un lieu où l’on vient consommer. On y vient pour découvrir, apprendre, partager, s’émouvoir…»

Le Gaalgebierg comme l’Auvergne

Pour ce faire, comme le précise Pim Knaff, il a fallu «améliorer beaucoup de choses». Déjà, «s’entourer de professionnels», comme Loïc Clairet, le nouveau coordinateur général de l’évènement, mais également mettre la main à la poche. Pour preuve, les quelque 1,3 million débloqués par la commune pour ce lifting à tous les étages. «C’est une augmentation considérable du budget lié à la culture», dit-il, précisant qu’il espère évidemment un retour sur investissement à travers le «tourisme» et d’autres «impacts économiques».

En outre, la synergie des acteurs locaux, considérée comme vitale et déjà défendue en 2018, est reconduite avec l’apparition d’un nouveau partenaire dans la bataille (la Kulturfabrik), rejoignant ainsi la Rockhal et le Théâtre d’Esch. «Cet évènement doit s’inscrire au cœur de la ville», martèle ainsi l’élu.

Enfin, comme la majorité des concerts auront lieu au Gaalgebierg – «en prenant de la hauteur, ça me fait penser à l’Auvergne», ose même Loïc Clairet –, les Francofolies «made in Luxembourg» auront des airs «écoresponsables» avec, entre autres, des fournisseurs locaux, des générateurs «basse consommation» et des assiettes et couverts non jetables. De quoi répondre oui à Véronique Sanson, tête d’affiche, quand elle se demande, dans son plus grand tube, si «cet amour aura un lendemain».

Grégory Cimatti

En bref

Dates : du 12 au 14 juin
Lieux : parc Gaalgebierg (deux scènes dont une gratuite), Kulturfabrik, Théâtre d’Esch et ville
Affiche (en cours d’élaboration) Samedi : Izia / Yuzmv / Ryvage / Chaild ; dimanche : Arno / Mayra Andrade / Véronique Sanson
Tickets : samedi 50 euros (debout) / 63 (assis) ; dimanche 54 euros (debout) / 70 (assis)

«Un projet culturel, politique, éducatif…»

Gérard Pont, patron des Francofolies de La Rochelle.

Il est difficile de parler de la prochaine édition sans parler de la version « Warm up » de 2018. Qu’en avez-vous pensé ?

Déjà, cette expression, « Warm up », me déplaît au plus haut point car je défends la langue française. Mais soit… Disons que quand tout va trop vite, ça ne peut pas marcher! Un projet comme celui des Francofolies ne tient la route que sur la longueur. Une histoire comme celle-ci, prometteuse, doit se construire sur le temps. Il faut que le bouche-à-oreille opère, que les gens aient confiance et suivent. Aujourd’hui, le projet correspond – en mieux même – à ce que l’on se devait d’espérer. C’est exactement ce que l’on fait déjà à La Rochelle et ailleurs. Gageons qu’il tiendra ses promesses et trouvera son public. Les raisons d’y croire sont là. À la Réunion, le festival est passé, en quatre ans, de 3 000 à 10 000 personnes par jour. Soyons donc patients.

Au Luxembourg, la proposition musicale est extrêmement riche. Pour preuve, on trouve à l’affiche, pour 2020, des artistes déjà passés par le pays. Dans ce sens, comment les Francofolies comptent-elles se démarquer ?

Déjà, il n’y a pas beaucoup de festivals au Luxembourg et, de surcroît, celui-ci correspond à nos valeurs : ce n’est pas un rendez-vous où l’on va consommer des concerts, mis bout à bout, mais plutôt quelque chose qui favorise les rencontres, notamment à travers une palette de propositions, qui vont du cinéma au théâtre en passant par les débats. Après, la programmation est cohérente, particulièrement à travers son soutien aux jeunes talents.

Annoncer que le festival peut attirer plus de 10 000 personnes sur deux jours, c’est un sacré challenge, non ?

Oui, c’est un défi, mais ça n’a rien d’impossible. Moi, j’ai envie que ça devienne un lieu de sortie, de vie, à portée de toutes les bourses. Une manifestation où l’on se rend pour passer du bon temps et écouter de la chanson. C’est ça, finalement, un festival. C’est un projet culturel, politique, éducatif… Ça me rappelle une anecdote : durant la Seconde Guerre mondiale, un des conseilleurs de Winston Churchill lui aurait dit : «Pour gagner la guerre, pourquoi n’enlève-t-on pas le budget consacré à la Culture pour le rebasculer dans l’armement ?» Ce à quoi l’homme d’État aurait répondu : «Mais s’il n’y a plus de culture, à quoi bon faire la guerre ?»

Quand des communes, à l’instar de celle d’Esch-sur-Alzette, comprennent que la culture est avant tout l’art de vivre ensemble, c’est déjà un grand pas. Moi, je suis de Bretagne, une véritable terre de festivals. On n’a jamais eu de pétrole ni d’importantes industries, mais c’est bien grâce à la culture que l’on est devenu l’une des régions les plus dynamiques de France. Ça se médite, non ?