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Pédophilie : nouvelles révélations impliquant la hiérarchie de l’Église catholique


"Cash Investigation" n'épargne pas le pape François, réputé pour sa politique de "tolérance zéro" à l'égard de la pédophilie. (illustration AFP)

Un livre, une émission « Cash Investigation » : après l’affaire de Lyon qui a abîmé l’image du cardinal Barbarin, la gestion par l’Église catholique de prêtres mis en cause pour pédophilie est l’objet de nouvelles accusations, en France et jusqu’au Vatican.

Avec moins de 0,5% de prêtres accusés d’abus sexuels sur mineurs, la France semble moins touchée que les États-Unis, où les accusations de pédophilie ont visé 4% des prêtres entre 1950 et 2002, et l’Australie où ces soupçons en ont concerné 7% entre 1950 et 2010. Mais trois journalistes indépendants associés au site d’information Mediapart, Daphné Gastaldi, Mathieu Martinière et Mathieu Périsse, jugent ces chiffres émanant de la Conférence des évêques de France (CEF) « succincts ». Ils ont mené une « contre-enquête avec un angle nouveau : celui des agresseurs couverts par l’Église ».

Des chiffres qui dessinent selon eux un « Spotlight à la française », du nom du film oscarisé sur l’énorme scandale révélé par la cellule d’investigation du Boston Globe au début des années 2000. Selon leurs recoupements, 32 agresseurs actuellement en vie et ayant fait 339 victimes ont été couverts par 25 évêques, dont certains sont aujourd’hui en retraite voire décédés. Leur enquête, développée dans un livre publié mercredi (Église, la mécanique du silence, éditions JC Lattès), a été menée en partenariat avec « Cash Investigation ». L’émission de France 2 diffuse mardi à 20h55 un film documentaire de Mathieu Boudot intitulé « Pédophilie dans l’Église : le poids du silence », fruit d’une enquête de près d’un an.

L’équipe d’Élise Lucet évoque un « système » d’ « exfiltrations internationales » de prêtres ou religieux pour éviter le scandale. Même si elle dit n’avoir pas eu « accès à toutes les données », elle a établi une cartographie faisant état de 95 mutations depuis 1990, à l’échelle mondiale, de clercs pour lesquels 802 victimes ont été recensées.

« Cash Investigation » n’épargne pas le pape François, réputé pour sa politique de « tolérance zéro » à l’égard de la pédophilie. Avec des conditionnels, l’émission glisse que Jorge Bergoglio, alors archevêque de Buenos Aires, « aurait tenté de faire innocenter un prêtre jugé pour pédophilie », le père Julio César Grassi, en transmettant à la justice une contre-enquête à décharge avant son procès en appel en 2010. L’accusation donne lieu dans le documentaire à un dialogue assez surréaliste entre Élise Lucet et le pape, lors d’une audience générale place Saint-Pierre à Rome. « Dans le cas Grassi, avez-vous tenté d’influencer la justice argentine ? », lui demande la journaliste. Le pontife, manifestement surpris, fronce le nez et répond : « Pas du tout ».

Selon l’émission, 18 prêtres condamnés pour agressions sexuelles sur mineurs ou viols en France « sont toujours en activité au sein de l’institution catholique ». L’enquête se penche notamment sur un cas lyonnais méconnu jusqu’alors, celui du « père Didier », condamné dans les années 90 après avoir fait une dizaine de victimes, et toujours actif en paroisse au moment où il est interviewé, en 2016.

Aujourd’hui « il habite à Lyon, mais est sans ministère et sans autorisation de célébrer en public », a assuré lundi l’entourage du cardinal Philippe Barbarin, archevêque de Lyon. Recherché par la justice canadienne depuis 1998, le père Joannes Rivoire vit lui dans le diocèse de Strasbourg, selon les enquêteurs de Mediapart et « Cash Investigation », qui se sont aussi intéressés à des frères du Sacré-Coeur et de Saint-Jean exfiltrés d’Afrique vers l’Europe après des soupçons d’abus sexuels. La CEF a refusé d’envoyer un représentant au débat qui doit suivre le documentaire, jugeant que cette « mécanique du scandale vendeur » cherche « l’accusation de l’Église » bien « plus que l’attention aux victimes ».

Le Quotidien/AFP