Le Danemark entérine mardi sa réforme controversée du droit des étrangers qui vise à décourager les candidats à l’asile de tenter leur chance dans le pays scandinave, au prix d’entorses aux conventions internationales.
Le Premier ministre libéral Lars Løkke Rasmussen, dont le gouvernement minoritaire est soutenu par les anti-immigrations du Parti populaire danois, assume pleinement la paternité de ce qu’il qualifie de «projet de loi le plus mal compris de l’histoire du Danemark».
Tancé par les Nations unies, l’Union européenne, l’OSCE et les organisations humanitaires, il maintient le cap, fort du soutien de son opinion publique: selon les sondages, l’immigration est la préoccupation n°1 de 70% des Danois.
«Beaucoup de réfugiés affluent à nos frontières, nous sommes soumis à une pression énorme», a plaidé lundi la ministre en charge de l’Immigration, de l’Intégration et du Logement, Inger Støjberg, entendue à Bruxelles par la Commission des libertés civiles du Parlement européen.
Accusé par le Haut-commissariat aux réfugiés des Nations unies (HCR) de nourrir «la peur et la xénophobie», le projet de loi prévoit de confisquer les effets de valeur des migrants, de diminuer leurs droits sociaux, et d’allonger les délais de regroupement familial et d’octroi du permis de séjour permanent.
Si l’indignation des médias étrangers a surtout porté sur la confiscation des biens – le Washington Post, dans une comparaison audacieuse, évoquant la spoliation des juifs pendant la Seconde Guerre mondiale – , les organisations internationales se sont alarmées des restrictions imposées aux conditions de séjour et au regroupement familial.
Copenhague a en effet décidé de porter de un à trois ans le délai avant lequel le regroupement familial est ouvert aux demandeurs d’asile jouissant d’une protection provisoire.
« Un choix impossible »
Selon Amnesty International, ces migrants vont être confrontés à «un choix impossible».
«Soit ils vont entreprendre avec leurs enfants et leurs proches des voyages périlleux, soit ils vont les laisser sur place et connaître une séparation prolongée tandis que les membres de leur famille continuent à souffrir des horreurs de la guerre», estime Gauri van Gulik, directrice adjointe pour l’Europe.
Le vote de mardi au Parlement ne devait être qu’une formalité car pour s’assurer du soutien des sociaux-démocrates, premier parti d’opposition, et de deux petites formations de droite, le gouvernement a consenti des amendements.
Il a augmenté la valeur des biens confiscables – les liquidités des migrants doivent excéder 10 000 couronnes danoises (1 340 euros) et leurs effets personnels 10 000 couronnes au lieu de 3 000 – et permet aux demandeurs d’asile de garder leurs alliances et tout objet de valeur sentimentale.
Dans un courrier du 15 janvier au gouvernement danois, le commissaire aux droits de l’Homme du Conseil de l’Europe, Nils Muiznieks, a estimé que la question du regroupement familial soulevait des questions de «compatibilité» avec la Convention européenne des droits de l’Homme et la Convention des Nations unies relative aux droits de l’enfant.
« Concours de laideur »
Le Danemark bénéfice de clause d’exemption l’exonérant de s’aligner sur la politique d’asile européenne mais il n’en est pas moins tenu aux traités internationaux qu’il a signés et que le Premier ministre danois suggère de modifier à la lumière de la crise migratoire sans précédent que traverse l’Europe.
Si les migrants continuent d’affluer vers l’Europe, «on arrivera à un moment où il faudra discuter (…) pour ajuster les règles du jeu», avait-il expliqué en décembre. Dès son élection en juin, M. Rasmussen avait promis un «ralentissement immédiat» du flux de réfugiés vers le Danemark qui a enregistré un total de 21 000 demandes d’asile en 2015.
Encarts publiés dans la presse arabophone, resserrement des conditions de séjour, baisse des prestations: pour ses contempteurs, Copenhague se livre à un «concours de laideur» destiné à rendre le pays le moins attractif possible aux yeux des prétendants à l’asile.
«Il est incontestable que le ton du débat public autour des réfugiés et des immigrants s’est durci», relève Kashif Ahmad, dirigeant du petit Parti national qui convoite le vote des immigrés. Le pays scandinave souhaite éviter de faire face au même afflux que son voisin suédois qui a rétabli en novembre les contrôles à ses frontières alors qu’il accueillait 10 000 nouveaux arrivants par semaine et ne pouvait plus leur assurer de logement.
Après le vote prévu dans la journée, la réforme sera soumise à la signature de la reine Margrethe II, pour une entrée en vigueur début février.
AFP/M.R.