Des lycées bloqués en attendant les manifestations à Paris et dans plusieurs villes: la fronde contre le projet de réforme du droit du travail se traduit mercredi dans la rue, au cours d’une journée marquée aussi par des perturbations dans les transports.
« C’est la première journée de mobilisation », a relevé sur RTL le numéro un de FO, Jean-Claude Mailly, rappelant qu’il y a déjà « une deuxième date fixée, le 31 » mars, par sept syndicats appelant au retrait du texte. Une manifestation est prévue place de la République à Paris à 14 heures à l’appel d’organisations de jeunesse (Unef, Fidl notamment), soutenues par des organisations politiques de la jeunesse de gauche et des syndicats (CGT, FO, FSU…).
Dès le matin, une douzaine de lycées ont été bloqués à Paris et quatre autres à Marseille, selon l’UNL. D’autres rassemblements sont fixés devant le Medef à Paris à 12H30 et en régions. « Il va y avoir du monde dans les rues », a prédit le patron de la CGT, Philippe Martinez, sur France Inter. Le front syndical est néanmoins fissuré: les syndicats « réformistes » (CFDT, CFE-CGC, CFTC, Unsa) et la Fage (étudiants) préfèrent des rassemblements distincts le 12 mars. Plutôt qu’un retrait du texte, ils demandent « de profondes modifications », comme l’a répété le patron de la CFDT, Laurent Berger, sur RMC.
« Faire converger les luttes »
Hasard du calendrier, la SNCF et la RATP sont aussi en grève pour des motifs internes, liés aux conditions de travail et aux salaires. Mais Gilbert Garrel, numéro un de la CGT cheminots, appelle à « faire converger toutes les luttes ». A la SNCF, seul un train sur trois circulait en moyenne. Le trafic était en revanche quasiment normal à la RATP sauf sur le RER B.
À la station Châtelet à Paris, Sylvie, 48 ans, partie d’Essonne pour aller travailler à Saint-Denis, s’est levée deux heures plus tôt que d’habitude et redoute « la difficulté à monter dans les trains » en fin de journée. La gare de Lyon Part-Dieu en revanche n’enregistrait pas d’affluence particulière, malgré la présence d’un train sur quatre seulement sur les TER, notamment vers Saint-Etienne ou Grenoble.
Plus de 300 agents de la RATP en grève ont investi le hall du siège dans la matinée avec sifflets et pétards pour réclamer une hausse générale des salaires. La contestation contre la loi Travail se cristallise sur la réforme du licenciement économique et le plafonnement des indemnités prud’homales en cas de licenciement abusif. Deux mesures perçues comme des concessions au patronat, et qui font craindre une hausse des licenciements.
La jeunesse « trahie »
Pour les organisations étudiantes, les jeunes, déjà durement confrontés à la précarité, en seraient les principales victimes. Le projet « trahit la jeunesse », estime William Martinet, président de l’Unef, premier syndicat étudiant. Beaucoup évoquent la révolte contre le CPE, il y a dix ans, qui avait fait plier l’exécutif sur ce contrat « première embauche » destiné aux moins de 26 ans assorti d’une période d’essai particulièrement longue.
François Hollande a joué l’apaisement mardi soir, expliquant que sa responsabilité était de « prendre toutes les décisions qui permettront aux jeunes d’avoir plus de stabilité dans l’emploi ». Pour la ministre du Travail Myriam El Khomri, les mesures lèveront la « peur de l’embauche » en CDI chez les employeurs en leur donnant davantage de « prévisibilité », et feront diminuer les contrats précaires.
Face à la bronca, avec notamment une pétition revendiquant plus d’1,2 million de signataires, le gouvernement a reporté au 24 mars la présentation du projet. Manuel Valls poursuit les concertations avec les partenaires sociaux avant une réunion plénière de « restitution » lundi prochain. Mais il lui faut aussi convaincre au PS, car beaucoup de députés socialistes ont menacé de ne pas voter le texte en l’état. Le gouvernement est face à une profonde division de la gauche, déjà alimentée par le débat sur la déchéance de nationalité.
« Si ce projet passe, je pense qu’on aura malheureusement fracturé la gauche », craignait mercredi Benjamin Lucas, président du Mouvement des Jeunes Socialistes qui s’oppose au texte. Le Premier ministre a promis des « améliorations », mais ses marges de manoeuvres semblent étroites entre des syndicats, dont « aucun (n’est) d’accord avec la loi », résume Philippe Martinez, et le patron du Medef, Pierre Gattaz, pour lequel un retrait du texte serait « dramatique pour le pays ».
Le Quotidien / AFP