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L’ex-ministre Cahuzac jugé pour le mensonge de son compte caché à l’étranger


Costume sombre sur chemise blanche, Jérôme Cahuzac est arrivé seul, poursuivi par une meute de journalistes, à l'ouverture de ce que la presse qualifiait lundi de procès "d'un énorme mensonge" ou du "Pinocchio de Bercy". (photo AFP)

Il était ministre du Budget, pourfendeur de la fraude fiscale: Jérôme Cahuzac, ex-pilier du gouvernement socialiste français devenu un paria, fait face depuis lundi à la justice pour un compte caché à l’étranger, délit pour lequel il risque jusqu’à sept ans de prison.

Disparu de la politique après sa chute et le scandale retentissant qui avait ébranlé en mars 2013 la présidence de François Hollande, c’est un homme « brisé », un « prince déchu », selon les commentaires, qui s’est présenté à la barre du tribunal correctionnel de Paris.

Costume sombre sur chemise blanche, Jérôme Cahuzac est arrivé seul, poursuivi par une meute de journalistes, à l’ouverture de ce que la presse qualifiait lundi de procès « d’un énorme mensonge » ou du « Pinocchio de Bercy », siège du ministère français des Finances. « Je suis actuellement retraité », s’est-il présenté d’une voix neutre devant ses juges.

L’ex-ministre, ancienne étoile montante de la gauche, pourrait échapper temporairement à l’opprobre publique: sa défense entend contester le cumul de sanctions pénales et fiscales. Si le Conseil constitutionnel en est saisi, le procès sera reporté de plusieurs mois. Les débats sont actuellement prévus pour durer jusqu’au 18 février.

Lorsqu’il est mis en cause fin 2012, le chevalier blanc de la lutte contre la fraude fiscale commence par tout nier. « Les yeux dans les yeux » des médias, des députés, du président. Mais les preuves s’accumulent et il passe finalement aux aveux. Acculé à la démission en mars 2013, Jérôme Cahuzac a renoncé à tous ses mandats et quitté la politique.

« Brisé » selon ses proches, ses confidences sont rares, mais le déni n’est jamais loin. « J’ai construit ma vie politique de façon scrupuleusement honnête », affirmait-il en 2014, mais accepter de devenir ministre a été « l’erreur de ma vie ».

L’ex-responsable est jugé avec son épouse Patricia Ménard, dont il est séparé, un banquier suisse, François Reyl, et un avocat basé à Dubaï, Philippe Houman. Il risque une peine allant jusqu’à sept ans de prison et deux millions d’euros d’amende.

Vent de transparence

L’argent dissimulé au fisc par Jérôme Cahuzac provenait d’une clinique spécialisée dans les implants capillaires, que ce chirurgien de formation tenait avec sa femme, mais aussi de revenus tirés d’activités de conseil auprès de laboratoires pharmaceutiques.

Aidés de François Reyl et de Philippe Houman, les époux se sont livrés, entre 1992 et 2013, à des manoeuvres dont le récit, tel qu’il est fait par les enquêteurs, oscille entre roman de gare et manuel de délinquance financière internationale.

Sous le nom de code « Birdie », Jérôme Cahuzac s’est ainsi fait livrer par deux fois 10.000 euros, en espèces, dans une rue de Paris. Lorsque le sacro-saint secret bancaire suisse commence à se fissurer en 2009, les quelque 600.000 euros qu’y détient Jérôme Cahuzac prennent la route de Singapour, en faisant un détour par une société-écran enregistrée aux Seychelles.

L’argent a servi à payer des vacances somptuaires en Corse ou des appartements aux enfants à Londres. Depuis, Patricia Cahuzac a revendu les appartements et s’est acquittée d’un redressement de plus de deux millions. L’ancien ministre a lui aussi régularisé sa situation fiscale.

L’affaire Cahuzac a fait souffler en France un vent de transparence sur la vie publique. Plus de 9.000 décideurs publics, dont les ministres et les parlementaires, ont désormais l’obligation de déclarer leur patrimoine à une commission indépendante.

Cette évolution a permis de démasquer d’autres abus, dont ceux d’un secrétaire d’Etat, en retard pour payer ses impôts et évincé pour cela du gouvernement socialiste.

Treize dossiers ont été transmis à la justice pour des déclarations incomplètes ou mensongères. Parmi eux figurent l’avionneur Serge Dassault, sénateur du parti Les Républicains (LR) de Nicolas Sarkozy, Patrick Balkany, un député LR proche ami de l’ancien président de droite, ou plus récemment les eurodéputés chefs de file de l’extrême droite française, Jean-Marie et Marine Le Pen, accusés d’avoir sous-évalué la valeur de leurs propriétés.

Le Quotidien / AFP