La version des deux prévenus qui ressort du dossier a été quelque peu mise à mal par les analyses des traces de sang, jeudi au troisième jour du procès. Il semblerait que le dealer nigérian tué à bord de la Mercedes A170 a bien séjourné à l’arrière du véhicule… avant d’être déposé dans la forêt entre Leudelange et Schléiwenhaff.
«Le sang ne vient pas par hasard.» Dans l’affaire qui occupe la 13e chambre criminelle depuis mardi, on est pour l’instant toujours parti de la version donnée par les prévenus. C’est-à-dire que le dealer nigérian tué par balle ne s’est jamais trouvé à l’arrière du véhicule. Mais l’expert français en criminalistique et morphoanalyse des traces de sang a vu autre chose en analysant les traces de sang. «Le tapis de sol ensanglanté est un indice que la victime a séjourné à l’arrière du véhicule.» Aussi les traces relevées en dessous de la banquette arrière montreraient que quelque chose semble s’être passé à l’arrière du véhicule. «Au moins un coup ou un choc a pu être porté à la victime alors qu’elle se trouvait au sol.»
En faisant parler les traces de sang jeudi après-midi, l’expert a ouvert les portes vers de nouvelles hypothèses. Et en ce troisième jour du procès, il a donc fait prendre au dossier un nouvel angle de lecture.
La question est de savoir qui des deux prévenus, Lee K. (36 ans) ou Alden S. (24 ans), a appuyé sur la détente dans la nuit du 9 au 10 novembre 2016 avant que le corps sans vie de la victime ne soit déposé dans la forêt entre Leudelange et Schléiwenhaff. Tous deux prétendent en effet avoir été au volant au moment du tir… Bref, ils clament leur innocence.
L’analyse du gilet gris et d’un jean de Lee K. saisis dans le coffre de la Mercedes A170 a toutefois permis au spécialiste d’établir que le trentenaire devait être assis à côté de la victime. «S’il se trouvait derrière la victime, cela ne colle pas avec les traces de sang», a-t-il rapidement fait comprendre au tribunal. Le pantalon présenterait notamment une trace bien particulière au niveau de la jambe gauche. Une possible trace de la tête de la victime.
Le porteur du gilet gris et du jean semble donc s’être trouvé derrière le volant au moment de l’évènement violent. Le parquet ne semblait toujours pas convaincu. «S’il avait les mains sur le volant, comment l' »avant » du pull a-t-il pu être souillé?», voulait-il savoir.
«Vous pouvez repenser votre version»
«La position des mains n’interdit pas la souillure de l’avant du pull. L’avant commence aux coutures latérales du vêtement», a précisé l’expert. Cette précision que par l’avant du gilet il entendait les 180 ° entre les deux coutures du vêtement aura quelque peu changé la donne. Ce n’est visiblement pas de cette manière que les magistrats avaient interprété «l’avant» du pull. La présidente a aussitôt ordonné une suspension pour revenir quelques minutes plus tard avec une nouvelle hypothèse : «Est-ce possible que la victime se trouvait sur la banquette arrière? Ce qui expliquerait les traces sur le tapis de sol?»
Pour l’expert, c’est tout à fait aussi possible : «Si la victime se trouvait à l’arrière, le tireur se trouvait aussi à l’arrière.» Ce qui change toutefois les rôles respectifs des prévenus. Car dans ce cas de figure, ce n’est plus Alden S. le tireur mais Lee K. «Et si on avait reculé le siège passager à l’extrême, on arrive aussi à une position de latéralité», a embrayé Me Pim Knaff, l’avocat d’Alden S. Face à ce flot d’hypothèses, Me Rosario Grasso défendant Lee K. a sollicité une nouvelle mesure d’instruction : «Une reconstitution en présence du véhicule.»
Le procureur d’État adjoint David Lentz ne s’y est pas opposé : «Nous sommes ici pour découvrir la vérité.» Et d’ajouter : «Jusqu’à présent, j’avais une autre lecture du dossier. Aujourd’hui, je commence à avoir des doutes…»
Après une nouvelle suspension, la présidente a finalement annoncé avoir décidé de faire droit à la demande de la défense. La reconstitution devrait avoir lieu mercredi. En estimant toutefois : «Cela ne fait pas obstacle à la continuation des débats.» Le procès se poursuit ce vendredi matin. Jeudi, la présidente a d’ores et déjà lancé aux prévenus : «Vous pouvez repenser votre version.»
Fabienne Armborst