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LuxLeaks : retour aux sources


M. Deltour, 29 ans, est un ancien collaborateur du cabinet d'audit luxembourgeois PwC, qu'il avait quitté en 2010 après avoir copié sur le serveur informatique des centaines d'actes fiscaux confidentiels entre l'administration fiscale luxembourgeoise et des multinationales. (photo DR)

Inculpé par la justice grand-ducale, Antoine Deltour, le lanceur d’alerte à l’origine de l’affaire LuxLeaks, participera à une conférence-débat à Luxembourg, jeudi prochain.

Depuis la publication de son nom et son inculpation par la justice luxembourgeoise en décembre, Antoine Deltour, 28 ans, dose sa communication. Une première interview dans Libération, puis sur Canal+, avant deux entretiens accordés à des médias étrangers. Rien au Luxembourg, où son avocat William Bourdon lui aurait recommandé la plus grande discrétion.

Et pour cause : l’ancien auditeur de PriceWaterhouseCoopers Luxembourg est poursuivi ici pour « vol domestique, violation du secret professionnel, violation de secrets d’affaires, blanchiment et accès frauduleux à un système de traitement automatisé de données ». Il risque ainsi jusqu’à cinq ans de prison et 1,25 million d’euros d’amende, pour avoir copié des centaines de «rulings», ces accords de l’administration des Contributions directes qui ont permis à des centaines de multinationales de pratiquer évasion et optimisation fiscales (payant in fine moins de 1% d’impôts).

Des documents qu’il a confiés à un journaliste de France 2 en 2012 (pour l’émission Cash Investigation), et que s’est ensuite procuré – pas auprès de lui assure-t-il – le consortium de journalistes à l’origine de LuxLeaks.

Antoine Deltour et son avocat savent bien que la notion de « lanceur d’alerte » – statut qu’ils revendiquent pour justifier ce « vol » de données – n’est pas encore très populaire au Grand-Duché. Surtout lorsque les révélations qui en découlent sont susceptibles d’écorner l’image du pays. Ainsi, parmi la classe politique nationale, seul l’ex-député Justin Turpel (déi Lénk) soutient ouvertement le jeune homme.

Même parmi les rangs de la population, l’affaire LuxLeaks avait d’abord suscité l’indignation sur la forme (le « vol » de données), bien plus que sur le fond (la révélation de ristournes fiscales géantes validées par l’État luxembourgeois, sur des bénéfices générés dans d’autres pays). Or dans la position d’un lanceur d’alerte, c’est justement la fin (la défense de l’intérêt général) qui justifie les moyens.

Sylvain Amiotte

Conférence-débat, jeudi 16 avril à 19h, au CarréRotondes