Après le PDG d’Alstom, le maire de Belfort, c’est au tour des syndicats du constructeur ferroviaire d’être reçus mardi par le gouvernement pour qui sauver l’usine franc-comtoise est devenu un enjeu majeur à huit mois de l’élection présidentielle.
Le secrétaire d’Etat à l’Industrie, Christophe Sirugue, doit recevoir à 14h des représentants des différentes organisations syndicales.
Sermonné jeudi dernier par Bercy, le PDG d’Alstom Henri Poupart-Lafarge recevra parallèlement mardi à 16h00 le maire et une délégation d’élus de France-Comté. Le gouvernement veut lui imposer « une phase de négociation » avant « toute décision définitive » sur l’usine de Belfort. Mais dans un message envoyé mardi aux salariés, il affirme que la pénurie de commandes rend « aujourd’hui impossible (…) un avenir pérenne pour les activités du site de Belfort ».
La décision touche plus de 400 salariés, et trois fois plus d’emplois indirects.
« Tout sera fait pour que le site de Belfort soit pérennisé » pour « plusieurs années », a pourtant assuré François Hollande mardi depuis Bucarest. La veille, le chef de l’Etat avait promis d’aider à « apporter des commandes » au groupe pour maintenir le berceau historique du groupe ferroviaire. Pour le président, le dossier est empoisonné, après la promesse non tenue de maintenir les hauts fourneaux de Florange, au début du quinquennat.
L’annonce, mercredi dernier, du transfert de la production de locomotives de Belfort à Reichshoffen (Bas-Rhin) d’ici à 2018 nourrit les critiques, à droite comme à gauche, sur la faiblesse du gouvernement en matière de politique industrielle.
L’Etat, qui détient 20% des voix au conseil d’administration d’Alstom, affirme toujours avoir été mis devant le fait accompli.
Christophe Sirugue a assuré mardi que l’Etat n’avait pas été « informé du tout » de la volonté d’Alstom d’arrêter la production ferroviaire sur son site de Belfort, ce qu’il a qualifié de « faute » de la part du groupe.
« Invraisemblable » que l’Etat ait « l’air de découvrir le problème », a ironisé mardi Alain Juppé (LR), tandis que Benoît Hamon (PS) évoquait une « chronique de l’impuissance volontaire ».
« Je suis choqué de voir les cris d’orfraie sur le sujet » car Alstom avait « tiré la sonnette d’alarme depuis des années », a renchéri le numéro un du Medef Pierre Gattaz.
L’annonce tombe particulièrement mal pour l’exécutif, à huit mois de l’élection présidentielle. François Hollande, toujours englué dans une impopularité record, voit en effet parasiter son discours sur l’amélioration de la situation économique, le fameux « ça va mieux ».
Face aux critiques de la droite, il a tenté de reporter la faute sur son ex-ministre de l’Economie, Emmanuel Macron, qui soutient qu’il n’a jamais été question de cette fermeture lors de ses discussions avec le groupe.
A Belfort, lundi soir, plusieurs centaines de salariés et habitants ont manifesté pour demander au gouvernement des actes, sans se faire beaucoup d’illusions. « C’est le moment des élections et ils sont tous pareils. Ils vont tous venir faire les beaux, et finalement, ça va fermer quand même », estimait un salarié.
Cinq projets en discussion
Du fait de la spécialisation des usines d’Alstom, les dernières commandes décrochées par le constructeur doivent profiter à d’autres sites.
Le gouvernement va « travailler avec les élus, les organisations syndicales, la direction d’Alstom et l’ensemble de ceux qui, en capacité de passer un certain nombre de commandes en France, peuvent permettre d’assurer le plan de charge qui permettra de sauver les activités ferroviaires d’Alstom à Belfort », a expliqué le ministre de l’Economie, Michel Sapin.
Tous les feux sont maintenant braqués sur le groupe public SNCF, principal client d’Alstom dans l’Hexagone.
Mais le groupe est lourdement endetté et le pari est délicat alors que ces marchés publics font normalement l’objet d’appels d’offres ouverts à des concurrents étrangers souvent moins chers.
Selon le secrétaire d’Etat aux Transports, Alain Vidalies, cinq projets en cours de discussion pourraient sauver le site de Belfort en comblant le « trou de commandes qui va de 2018 à 2022 ». Il a notamment cité une négociation en cours avec la SNCF pour la liaison Paris-Turin-Milan ou encore un appel d’offres de 3,5 milliards d’euros lancé par le Stif (Syndicat des transports d’Ile-de-France, ndlr).
Les syndicats misent aussi sur la 5e génération de TGV, développée par la SNCF et Alstom d’ici fin 2017.
Le Quotidien / AFP