Un an après son brillant et halluciné Birdman, le réalisateur mexicain Alejandro Gonzalez Inarritu revient avec le mystique The Revenant, une sombre histoire de trappeurs américains pris au piège de leur cupidité.
Au début du XIXe siècle, les Indiens d’Amérique s’arcboutent sur leurs derniers territoires. En plein hiver, un homme est laissé pour mort par ses compagnons d’aventure. Et il a bien l’intention de se venger.
Inspiré de faits réels, le nouveau film d’Alejandro Gonzalez Inarritu est un virage à 180 degrés, après Birdman. Aux espaces confinés d’un théâtre de Broadway succèdent les grandes étendues américaines, vierges et inexplorées de The Revenant. Mais comme dans Birdman, il choisit de suivre un personnage, celui de Glass, incarné par l’oscarisable Leonardo DiCaprio, décidé à aller au bout de lui-même.
Dès les premières images, le film fait penser au Nouveau Monde, de Terrence Malick, à cette représentation rare et violente de l’Amérique au temps de sa colonisation. Mais il fait surtout penser à Malick par cette caméra en mouvement permanent, comme flottant au milieu des hommes. Et pour cause : le directeur photo de The Revenant n’est autre qu’Emmanuel Lubezki, habituel collaborateur de Malick, qui était encore derrière la caméra sur Knight of Cups. Cela se voit, presque trop, d’autant qu’Inarritu pousse la ressemblance jusqu’à utiliser une voix off.
La scène d’ouverture, l’attaque d’un camp de trappeurs par des Indiens, rappelle ainsi celle de la base japonaise dans La Ligne Rouge, avec cette rivière, fil conducteur des deux films. C’est gênant pour les amateurs de Malick, moins pour ceux qui ne connaissent pas son travail. Car cette caméra virevoltante offre au film une légèreté nécessaire, au milieu de la violence picturale montrée par Inarritu. Le Mexicain aime le sang, on le sait depuis Amours chiennes, et il le prouve à nouveau.
L’Oscar pour Tom Hardy ?
Cette fascination pour l’hémoglobine accouche d’un époustouflant duel entre l’homme et l’ours, mais aussi de scènes longues et inutiles. Film de survie, tourné dans les tripes des personnages, The Revenant traîne en longueur par moment, fascine un peu plus loin, s’égare souvent dans ses magnifiques paysages enneigés. On pense alors à Jeremiah Johnson, de Sydney Pollack, ou à Danse avec les Loups, de Kevin Costner, pour le duel permanent entre l’homme et la nature.
Trop long, imparfait, The Revenant marque pourtant les esprits, avec ses images sublimes mais aussi avec le duel à la vie-à la mort des deux acteurs principaux. DiCaprio, en souffrance rentrée, incarne un mort-vivant inarrêtable. Tom Hardy, secret et machiavélique, intériorise sa violence. On promet au premier un Oscar qui lui échappe, à l’occasion de sa cinquième nomination. Rien n’est moins sûr. Tom Hardy, lui, pourrait aussi obtenir la statuette, et ce serait mérité, pour ce rôle de salaud inoubliable.
Quant à Inarritu, également nommé, il devrait payer les hésitations de ce film, ses métaphores par trop faciles («l’accouchement» de DiCaprio est presque risible) et son plan final d’une prétention sans nom. Un peu plus de modestie, un scénario resserré auraient peut-être porté ce film au pinacle. En l’état, il est un beau récit d’aventure.
Christophe Chohin