Vendredi soir, au vernissage de rentrée du Casino, le fantôme de Deborah de Robertis a plané sur les lieux. En effet, l’artiste devait y dévoiler son travail. Mais depuis quelques mois, les relations entre elle et le musée se sont détériorées, au point que l’exposition a été annulée.
L’une crie à la «censure» et porte plainte contre l’établissement, l’autre estime clairement être dans son bon droit et parle d’un problème d’entente. On fait le point.
RAPPEL DE L’HISTOIRE ET DES FAITS
Deborah de Robertis, 31 ans, fait le buzz, en mai 2014, en exposant son sexe – ou plutôt le « trou » ou « l’œil » selon ses termes – sous L’Origine du monde , célèbre tableau de Gustave Courbet, au musée d’Orsay, à Paris. « Avec ce geste, j’ai explosé le cadre du tableau en donnant à voir ce qui est hors du champ du tableau : une voix, un regard, un point de vue », expliquait-elle au Quotidien. Elle qui dit « aborder la nudité du point de vue de celle qui est regardée », à travers un travail qui remet en question les cadres qui cloisonnent notre regard, le rôle des institutions et celui des décideurs dans le milieu de l’art, s’est vue abordée par le Casino, qui lui a ainsi proposé sa première exposition monographique.
Un budget de 70 000 euros est mis sur la table, dont un paiement de 10 000 euros pour produire deux projets vidéo composés de 17 pièces. « Deux jours après la réception des films les plus explicites » de sa proposition, explique-t-elle, le Casino annule son exposition (le 8 juin dernier, pour être exact). Elle s’insurge et crie donc à la « censure », alors que le musée, pour qui le problème remonte aux premières discussions, évoque « un problème de communication » et une « divergence de points de vue ».
DEBORAH DE ROBERTIS
«Je n’aurais jamais pensé que le Casino puisse prendre un artiste, et surtout un individu, à la légère comme cela»
Mercredi, en début d’après-midi, Deborah de Robertis a convoqué la presse à l’Octans Bar pour exprimer toute sa colère et son avis sur un acte de « censure » dans une mise en scène à peine masquée. Sur place, sept tableaux de ses «performances» – à Orsay, donc, mais aussi, dans une salle de conférence ornée de drapeaux européens, à l’exposition Jeff Koons à Paris…
Pour « protéger symboliquement » son travail, quatre gardes du corps, et la soutenir dans cette délicate épreuve, trois militantes féministes, venues en guise de «solidarité» – Fatima-Ezzahra Benomar (porte-parole des «effronté-e-s», Francisca Do Rêgo (comédienne) et Laurette Massant (artiste plasticienne). Visiblement émue, l’artiste luxembourgeoise déroule son texte avec maladresse, mais n’oublie pas d’argumenter, selon une question centrale : « S’agit-il d’une censure du sexe ou, pire, d’une censure qui s’exerce sur le point de vue du sexe féminin dans l’art comme dans le monde? »
Refusant les arguments « faciles » du Casino, elle considère que « l’acte d’annuler l’exposition est politique », réclamant même au ministère de la Culture de « prendre officiellement position ». Pour elle, pas de doute, le musée « ne lui a pas fait confiance ». Pire, elle « n’a pas été prise au sérieux » dans la mise en place de l’exposition : « Je n’aurais jamais pensé que le Casino puisse prendre un artiste, et surtout un individu, à la légère comme cela. (…) J’étais exclue de l’intérieur. J’ai vécu ça comme une autocensure par petits à-coups, pour finalement arriver à une censure totale. »
Toujours selon elle, l’établissement lui a « donné carte blanche sans avoir vu (m)on travail ». « Le Casino a juste vu trois de mes films (…)», ajoute-t-elle. «Trop insuffisant et trop superficiel » pour connaître sa démarche et son travail. « Oui, c’est un vrai problème de profondeur. » Déçue car «( j’ai) fait confiance au Casino, (j’avais) beaucoup d’espoir et (j’étais) fondamentalement prête », Deborah de Robertis a engagé un avocat afin de porter plainte contre le Casino, même si, jusqu’alors, la justice n’a pas encore été saisie.
KEVIN MUHLEN
«Ses accusations et arguments varient en fonction de ce qui l’arrange, mais on est toujours loin de la réalité»
Au Casino, une seule voix s’exprime sur cette affaire : Kevin Muhlen, son directeur artistique, qui s’est «mouillé» pour exposer Deborah de Robertis. Dès fin mai, au croisement d’une rue, ce dernier s’interrogeait déjà : « Pas sûr que l’exposition ait lieu. Les discussions n’avancent pas. C’est… compliqué », avançait-il, prudent. Aujourd’hui, le discours est plus incisif : « C’est facile pour elle de se cacher derrière la censure, et pour mémoire, au Casino, c’est la première fois en 20 ans qu’on annule une exposition. » Pour lui, pas de doute, tout a été bloqué par l’artiste : « Tout ce qu’on a essayé de faire passer, pour la soutenir ou encore prendre en charge une partie de son travail, ne fonctionnait pas. Son indécision était constante et elle n’arrivait pas à trouver une formulation précise à son exposition, à son travail. Ça partait dans tous les sens, un véritable feu d’artifice !»
Un ras-le-bol qui grandit quand l’artiste compte imposer un co-commissaire aux côtés de Bettina Heldenstein. « On a eu le sentiment d’être progressivement mis à l’écart. » Du coup, « on en est restés là », malgré des tentatives d’apaisement : « On était ouverts. On a fait des contre-propositions, mais pour être entendu, il faut être capable de se remettre en question », lâche-t-il, précisant que Deborah de Robertis «s e trompait de combat » et qu’il était « triste » d’en arriver à un tel épilogue. La suite? « On va voir comment l’histoire évolue » via les avocats respectifs. Et la conférence de l’artiste, évoquant une censure : « Plus rien ne me surprend venant de sa part. Ses accusations et arguments varient en fonction de ce qui l’arrange, mais on est toujours loin de la réalité. »
Seule certitude pour Kevin Muhlen : Deborah de Robertis n’exposera plus au Casino : « On ne peut pas faire comme si rien ne s’était passé. On est allés trop loin pour faire machine arrière. Après, je suis content si elle arrive à exposer ailleurs. Je ne suis pas là pour boycotter son travail, mais je ne le représenterai plus. » Reste à savoir comment toute cette affaire va se conclure, surtout que 10 000 euros sont tombés aux oubliettes. Espérons que les deux parties trouvent un terrain d’entente. Ça semble assez mal parti au vu du courriel envoyé par le Casino hier, rappelant que l’artiste avait «sabordé», en avril 2013, du côté de la galerie Exit11, une performance de Jacques Lennep – un des représentants de l’art contemporain en Belgique.
Grégory Cimatti
Melle Deborah,
Le travaille est droit pour tout le monde, majore et de bonne morale, mais, dans la tolérance et la rigueur et sachant que en vie pas seul en ce monde, c’est toute un peuple a divers âges et cultures, je crois que dans ce principes que le geste de mobilisation dans ce pays. Merci.