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France : trois ans de prison ferme pour l’ex-ministre Jérôme Cahuzac


Jérôme Cahuzac. (photo AFP)

L’ancien ministre du Budget Jérôme Cahuzac, qui avait des comptes cachés à l’étranger, a été condamné jeudi à Paris à trois ans de prison ferme, sans aménagement de peine, pour fraude fiscale et blanchiment.

Quatre ans après avoir déclenché le plus retentissant scandale de la présidence Hollande, l’ancien héraut de la lutte contre l’évasion fiscale s’est également vu infliger une peine de cinq ans d’inéligibilité. Il va faire appel de ce jugement, a annoncé son avocat Jean Veil.

À l’énoncé de la peine, Jérôme Cahuzac, 64 ans, est resté immobile, comme écrasé par ce jugement, qui a sanctionné « une volonté constante, réitérée et renforcée de dissimiler ses avoirs » et correspond en tout point aux réquisitions du ministère public.

Le tribunal a sanctionné une « faute pénale d’une exceptionnelle gravité », de la part d’un homme qui « incarnait la politique fiscale de la France » et s’est « enraciné dans la fraude », a expliqué le président de la 32e chambre correctionnelle, Peimane Ghaleh-Marzban.

Son ex-épouse Patricia, « vingt ans d’ancrage dans la fraude », a été condamnée à deux ans de prison ferme.

Relevant « l’automaticité et la fluidité avec lesquelles les choses se mettent en place » quand Jérôme Cahuzac demande plus de discrétion et donc le transfert de ses avoirs de Suisse vers Singapour, le tribunal a lourdement sanctionné la banque genevoise Reyl, son patron François Reyl et un ancien avocat chargé du montage financier, Philippe Houman.

L’établissement a été condamné à l’amende maximale pour blanchiment, 1,875 million d’euros, mais a échappé à une interdiction d’exercer toute activité bancaire en France, requise par le parquet. François Reyl, désigné comme « l’ordonnateur, le metteur en scène de la dissimulation », et Philippe Houman, « le support nécessaire au montage », ont été condamnés à un an de prison avec sursis et 375.000 euros d’amende.

Les explications du jugement, au moins autant que l’énoncé des peines, ont laissé K.O. le banc des prévenus. Jérôme Cahuzac ne s’est même pas levé, comme il est d’usage, quand la cour s’est retirée.

« Part d’ombre »

Ce jugement de plus de 200 pages constitue la première grande victoire du jeune parquet national financier (PNF), créé après l’affaire Cahuzac.

Le scandale Cahuzac restera comme le premier accroc à la « République exemplaire » voulue par François Hollande: depuis, la France a renforcé ses outils contre la fraude, avec la création d’une Haute autorité pour la transparence de la vie publique, un statut pour les lanceurs d’alerte, une agence anticorruption.

C’est aussi l’histoire de la chute d’un homme qui avait « une part d’ombre ». Un chirurgien de talent saisi du virus de la politique, un ministre brillant, selon collaborateurs et élus de tous bords. Mais aussi, comme l’a crûment mis en lumière le procès, un fraudeur au nom de code « Birdie » qui se fait remettre dans la rue des liasses de billets provenant de ses comptes cachés.

Quand, en décembre 2012, Médiapart révèle que le ministre du Budget a un compte en Suisse, Jérôme Cahuzac nie et s’enferre dans le mensonge. Il finira par démissionner le 19 mars 2013, puis avouer le 2 avril.

Le procès a mis à nu les secrets bancaires d’un couple dans la tourmente. Dans les années 90, il fallait placer l’argent qui coulait à flot de la florissante clinique d’implants capillaires gérée par les époux.

Leur patrimoine global dissimulé est estimé à 3,5 millions d’euros. L’argent s’est retrouvé à hauteur de 600.000 euros sur le compte suisse de Jérôme Cahuzac, transféré en 2009 de la banque genevoise Reyl vers la Julius Baer de Singapour, à hauteur de 2,7 millions d’euros sur le compte de l’île de Man géré par Patricia Cahuzac, et pour près de 240.000 euros de chèques versés sur les comptes de la mère de l’ex-chirurgien.

Quatre ans après le séisme, Jérôme Cahuzac, avait avancé l’explication surprise d’un financement politique, affirmant que le premier compte ouvert à l’Union des banques suisses (UBS) en 1992 était destiné à financer le courant de feu Michel Rocard. Une « hypothèse du trésor » sèchement écartée par le tribunal, qui s’est interrogé sur l’atteinte portée à l’image d’un ancien Premier ministre.

Le Quotidien / AFP