Samedi dernier, une personne s’est jetée du viaduc surplombant la vallée de la Pétrusse devant des dizaines de témoins, dont des enfants. Des voix s’élèvent pour que la Ville et l’État sécurisent la «passerelle» reliant le quartier Gare au plateau du Saint-Esprit.
Un terrible spectacle s’est déroulé sous les yeux de dizaines de personnes qui se trouvaient, samedi dernier, peu avant 20h, dans la vallée de la Pétrusse. Une personne s’est jetée dans le vide depuis le viaduc reliant le quartier Gare au plateau du Saint-Esprit. Cette chute, d’une hauteur de 45 mètres, s’est terminée à l’entrée du skatepark, à quelques mètres de la fontaine installée pour permettre aux sportifs de se désaltérer et non loin d’une aire de jeux.
« À peine deux heures avant, j’étais en train de faire du skate à cet endroit, lance Dan Gantrel, de l’ASBL Skatepark.lu, sous le choc après avoir appris la nouvelle. J’ai discuté avec des jeunes de 16-17 ans qui avaient tout vu. Ils m’ont dit qu’ils avaient été traumatisés. Ils ont vu quand cette personne a sauté et touché le sol …»
Pendant une douzaine d’années, son association a travaillé dur pour installer un skatepark digne de ce nom dans la capitale. Ce projet dans la vallée de la Pétrusse a commencé à se concrétiser en 2008. Le skatepark, mis en place avec le fort soutien des élus de la capitale, a été inauguré au mois de juillet dernier pour le plus grand plaisir des amateurs de glisse. Son installation s’inscrit aussi dans le souhait de l’hôtel de ville d’augmenter l’attractivité de la vallée, qui est de plus en plus fréquentée. Aujourd’hui, Dan Gantrel est inquiet : il craint que les faits de samedi dernier, d’une violence extrême, recommencent.
«Il faut agir maintenant»
Le responsable associatif avait déjà eu l’occasion d’évoquer avec les autorités ce risque de suicide depuis l’ouvrage d’art lors de la mise en place du skatepark. Il faut dire que le problème est connu des autorités et qu’il y a des précédents dans la capitale. On pense ainsi immédiatement au pont rouge, le pont Grande-Duchesse-Charlotte, qui a été sécurisé pour tenter d’éviter les gestes des désespérés. Le pont bleu (le pont provisoire le long du pont Grand-Duc-Adolphe en rénovation), lui aussi, est affublé de hautes parois sécurisantes. Plus sécurisantes en tout cas que la simple balustrade à hauteur de taille du viaduc entre le quartier Gare et le plateau du Saint-Esprit !
Aujourd’hui, pour Dan Gantrel, il est urgent d’intervenir pour installer des dispositifs contre les suicides sur la «passerelle». « Il faut agir maintenant », martèle-t-il. D’autant plus que la vallée de la Pétrusse est un lieu très fréquenté par les habitants de la capitale. « Je me balade aussi souvent en famille à cet endroit, je n’ai pas envie qu’une personne tombe de la passerelle sur mon enfant», poursuit-il.
Samedi dernier, alertés après ces terribles faits, les sapeurs-pompiers professionnels de la capitale se sont rendus sur les lieux. Il s’agit d’une triste routine pour eux. Ils étaient accompagnés d’un médecin qui a déclaré la personne décédée, comme le veut la procédure. Ensuite, la police grand-ducale a pris le relais et le corps a été évacué. Aucun membre du groupe de support psychologique de la Protection civile n’était, semble-t-il, présent pour prendre en charge les dizaines de témoins choqués. Certains d’entre eux étaient des enfants.
« Un suicide par an c’est déjà un suicide de trop, c’est toujours une grande tragédie pour les familles », explique un soldat du feu professionnel de Luxembourg quand il évoque ce type d’intervention. Les secours de la capitale ne connaissent que trop bien, malheureusement, la vallée de la Pétrusse. Ils peuvent y intervenir jusqu’à deux ou trois fois par semaine concernant des personnes se jetant dans le vide. Ce phénomène a lieu par « période » selon le sapeur-pompier : il peut se passer des semaines sans qu’aucun acte désespéré n’ait lieu… avant que tout s’accélère et que les morts se succèdent. Selon les services de l’État, 81 suicides ont eu lieu au Luxembourg en 2015. Le taux de tentatives de suicide, lui, serait dix à vingt fois plus élevé.
Laurent Duraisin