Le portrait qui se dessine de Khalid Masood, l’auteur de l’attentat de Londres, est celui d’un loup solitaire passé par la case prison, comme un certain nombre de jihadistes ayant frappé en Europe avant lui.
Son âge, 52 ans, interpelle aussi les analystes car selon Shashank Joshi, chercheur au RUSI, un centre de réflexion londonien spécialisé dans les questions de défense et de sécurité, « seule une minorité se radicalise après 30 ans ».
Adrian Russell Ajao, alias Adrian Elms, alias Khalid Masood, est né dans le Kent (sud-est de l’Angleterre) le jour de Noël 1964.
Selon l’un de ses amis d’enfance cité par le tabloïd The Sun samedi, il s’est converti à l’islam lors de son premier séjour en prison en 2000. Un rapport du Centre international d’étude de la radicalisation et de la violence politique (ICSR, Londres) affirme que les prisons européennes sont devenues une « pépinière » pour les réseaux jihadistes. « Nous observons des radicalisations de plus en plus rapides en prison. Avoir été incarcéré pour des crimes violents facilite le passage à l’extrémisme violent », souligne le directeur du ICSR et co-auteur du rapport, Peter Neumann.
Professeur d’anglais en Arabie
Khalid Masood a effectué deux séjours d’un an chacun en Arabie saoudite, entre novembre 2005 et novembre 2006 puis entre avril 2008 et avril 2009, où il était professeur d’anglais, a indiqué dans un communiqué l’ambassade saoudienne à Londres, ajoutant qu’il s’y était également rendu en 2015 pour le pèlerinage à La Mecque.
Selon l’ambassade, Masood n’était pas connu des services de sécurité saoudiens et n’avait pas de casier judiciaire dans le royaume. L’homme qui a semé la terreur mercredi près du Parlement britannique, faisant quatre morts et au moins cinquante blessés, a été abattu par la police.
Daech a revendiqué l’attaque. Mais la formulation de son communiqué semble indiquer qu’il ne l’a pas préparée ou coordonnée. Masood a agi « en réponse à l’appel à frapper les pays de la coalition », a déclaré Amaq, l’agence de propagande du groupe jihadiste.
« Je pense qu’il a été inspiré par Daech davantage qu’il n’a été l’un de ses soldats », estime Sara Khan, directrice de l’organisation non gouvernementale de lutte contre l’extrémisme Inspire. « Mais il est clair qu’il avait des idées extrémistes », a-t-elle ajouté.
En revanche, Masood « correspond au profil des sympathisants de l’EI, qui passent d’une activité criminelle au terrorisme », souligne Lina Khatib, responsable du département Moyen-Orient et Afrique du Nord au centre de réflexion londonien Chatham House.
« Beaucoup d’assaillants semblent être connus de la police non pas pour avoir été suspectés d’activité terroriste, mais pour des activités criminelles », ajoute l’analyste.
Une voiture et un couteau
Scotland Yard a confirmé que Masood avait été condamné pour la première fois en 1983, puis à plusieurs reprises ensuite pour « agressions » et « possession d’armes » notamment, la dernière fois en décembre 2003.
Mais rien ne laissait penser qu’il était engagé dans des activités jihadistes, a ajouté la police londonienne, même si son nom est apparu dans une enquête liée à la violence extrémiste, à titre marginal, comme l’a indiqué la Première ministre Theresa May.
« Il est très difficile de repérer qui peut se transformer en terroriste », juge James de Waal, un ancien diplomate qui travaille avec Chatham House.
Qu’un homme de plus de 50 ans puisse se transformer en jihadiste a toutefois étonné au Royaume-Uni. « Il avait 52 ans, le double de la moyenne », relève Jason Burke, auteur de plusieurs ouvrages sur les réseaux islamistes, soulignant que l’âge moyen des auteurs d’attentats a au contraire « reculé ces dernières années ».
« Ce que nous savons, c’est qu’il n’y a pas de profil type, ce qui complique d’autant la tâche des forces de sécurité », déclare Sara Khan. Tout comme les moyens dérisoires employés par Masood : une voiture pour foncer sur les passants sur le pont de Westminster, un couteau de cuisine pour tuer le policier posté devant le Parlement.
Le Quotidien/AFP