La garde à vue de Murielle Bolle, pour « complicité d’assassinat » dans l’affaire Grégory, a pris fin ce jeudi matin. Voilà près de 33 ans que cette femme, dont personne n’a oublié les traits d’adolescente, déchaîne les passions.
Témoin-clé. Un rôle qui la place au centre de l’affaire depuis le début. C’est elle qui déclenchera, sans en mesurer les conséquences, le premier des nombreux rebondissements du mystère entourant l’assassinat de Grégory. C’est elle aussi qui l’épaissira un peu plus. « La Murielle », comme on dit en Lorraine, est pourtant discrète. Fuyant la lumière et les flashs qui l’ont tant aveuglée à l’époque.
Bouffée toute crue
La France découvre son visage maculé de tâches de rousseur début novembre 84, deux semaines après qu’on ait retrouvé le corps du garçonnet de 4 ans jeté pieds et poings liés dans les eaux froides de la Vologne. Dans ce décor glaçant de l’automne vosgien apparaît Murielle Bolle. Les yeux rougis, l’allure gauche, elle bredouille face aux journalistes qui la pressent. « Mon beau-frère il est innocent », répète-t-elle machinalement.
Sous sa tignasse fournie, engoncée dans un blouson trop large, l’ado mal fagotée vient de se rétracter. La veille encore, cette fille de 15 ans désignait Bernard Laroche comme le coupable. Celui qui a enlevé l’enfant pour l’amener en voiture sur les bords de la Vologne. La soirée a tout changé, tout fait basculer. Le juge Lambert venait de révéler ses confidences devant les caméras. Livrée à la meute médiatique, abandonnée à la vindicte populaire, elle se fait bouffer toute crue.
Les voisins des Bolle raconteront que la gamine a pris une raclée avant de passer la nuit dans une grange attenante à la maison familiale. « La Murielle », elle, explique son revirement par la peur du gendarme : « Il a levé la voix ». Chez les Bolle, on a plutôt tendance à lever la main. Lorsque le clan se présente au tribunal, encadrant l’adolescente venue changer sa version des faits, la mère hargneuse assène un coup de sac à main au photographe qui les mitraille. Les frères, bourrus, clope au bec, veulent en découdre. Non, la nuit n’a visiblement pas porté conseil à Murielle. Les heures ont à l’évidence été sombres et pleines de larmes.
On la retrouve en novembre 1993, au procès de Jean-Marie Villemin, le père de Grégory qui a abattu Laroche en mars 1985. « Ça fait neuf ans que j’attends de m’expliquer », lâche Murielle assaillie, comme toujours, par une horde de médias. Elle n’a pas beaucoup changé, mais elle a sans doute bien morflé. La jeune femme, charpentée, n’était pour autant pas taillée pour supporter la démesure d’une affaire hors norme. On la présente comme « mère de deux enfants, chômeuse ». Sacrifiée sur l’autel du jugement et des regards inquisiteurs, elle disparaît des écrans, des photos de famille. Ne reste que cette image de menteuse.
Une étrange « confession »
On ne la reverra plus… jusqu’à ce matin du 28 juin 2017, quand les gendarmes viennent la chercher en prolongement de sa garde à vue entamée il y a 33 ans. Elle est cueillie à Granges-sur-Vologne, où elle s’est enracinée. Terrée dans le silence et l’anonymat. On l’aperçoit dans le jardin de son pavillon. Murielle Bolle semble trimballer ses 48 ans comme on traîne trois décennies d’errances. Aujourd’hui elle travaille, nous dit-on.
Son nom a, dans le même temps, surgi des pages d’un registre exhumé de l’église de Lépanges. Signant un étrange message daté de 2008 : « C’est bien Bernard L. qui a tué Grégory. J’étais avec lui. » Murielle, qui tait sa vérité depuis cette terrible nuit de novembre 84, s’est-elle délivrée d’un effroyable secret ? À moins que l’ombre des corbeaux ne plane encore sur cette étonnante « confession ».
Et qu’a-t-elle bien pu raconter durant son audition ? « Elle répond aux questions », assurait son avocat mercredi. Une chose est sûre : entre ces murs sourds de la gendarmerie de Saint-Étienne-lès-Remiremont, la gosse bridée et sous emprise d’alors est désormais une femme libre de tout dire.
Alexandra Parachini