« Le jour de la course, il faut qu’on se sente imbattable. Bref, qu’on soit un monstre, limite plus humain, et bien sûr il y a plus de copains qui tiennent… », glisse Hakim Bagy, 2h11’06 au marathon de Paris en 2001. Mais avant de se sentir ainsi, il y a tout un cheminement et une masse de travail à accomplir… Histoire de bien préparer son affaire.
Le doute. Avec les blessures, c’est l’ennemi n°1 du coureur. Anne Santy (43 ans, Run in Metz), qui courra le marathon de Metz ce dimanche, affiche en ce doux après-midi de septembre, au Convivium de Norroy-le-Veneur, un grand sourire. Mais derrière cette apparence, on devine très vite un besoin de se rassurer. D’être rassurée. Non pas qu’elle appréhende la distance, elle l’a déjà bouclée à Metz, Rome, Amsterdam… Non pas qu’elle ait une perte de motivation. Juste il lui faut sentir qu’elle est sur le bon chemin, la bonne voie, la bonne direction. Car la veille de notre rencontre, trop fatiguée, elle a zappé une séance de sa prépa.
« Quand ça t’arrive, ça fait jamais plaisir. Ça te fait toujours un peu cogiter, psychoter, flipper même. Heureusement que dans ces moments-là, il y a les tiens », dit celle qui peut compter sur le soutien sans faille de son fils Stan (13 ans) et de son compagnon David Loison… Et sur les Metz Running Class auxquelles elle a participé avec sa copine Sandy. Dans l’espoir de récolter des réponses, des astuces, des bons plans pour arriver au top le jour J. Et réaliser l’objectif qu’elle s’est fixé : 3h35. Soit 5’05 au kilomètre pendant 42,195 km pour les puristes. Une trentaine d’autres runners ont également répondu à l’appel. Certes ils n’ont pas les mêmes projets ni les mêmes ambitions, mais en revanche la même passion : celle de courir.
Dominique Boussat, 96 marathons au compteur, et Hakim Bagy, champion de France de la discipline en 1999, étaient là pour les aiguiller. «Car que ce soit sur internet ou dans la presse spécialisée, il y a pléthore de références, de termes et de notions utilisés. Bref, un trop-plein d’information. Et résultat, on a parfois tendance à s’y perdre. Donc on va aborder les choses sans utiliser de gros mots (sic), en parlant simplement… », promettent-ils d’emblée.
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Comment se prépare-t-on en course à pied?
Après avoir évoqué brièvement les 2 allures de base (l’endurance fondamentale, jusqu’à 70-75% de la FCmax ou autour de 65-70% de la VMA, et le seuil anaérobie ou endurance active, 75 à 90% de la FCmax, entre 75 et 88 % de la VMA), Dominique Boussat, tel un vieux professeur, se lève et griffonne quelques annotations sur le paperboard.
Grosso modo, il y a quatre phases pour préparer un objectif en course à pied :
1) Une phase de préparation générale. C’est le développement des qualités de base (l’endurance fondamentale – footing, vélo, randonnée, etc. – la VMA, le renforcement musculaire et la PPG). Sa durée varie considérablement en fonction du niveau d’entraînement de la personne. Pour un novice qui veut courir un marathon, ça correspond à deux sorties de course par semaine pendant au moins un an auparavant, alors que cela peut être 4 à 8 semaines en revanche en cas de reprise de l’entraînement après une coupure, en préparation d’une nouvelle saison pour quelqu’un d’entraîné.
Juste avant d’entamer sa phase de préparation spécifique, histoire d’avoir des repères pour son objectif, il faut, au préalable, réaliser un test de FCmax ou de VMA (sur le terrain via un test Cooper, demi-Cooper, de Luc Léger ou Vameval). C’est indispensable. Après, difficile de dire quelle est la meilleure méthode, chacune a ses adeptes. « Pour imager un peu la chose, si on prend le cas d’une voiture, c’est comme si pour la première (FCmax, en se basant sur un pourcentage du pouls sur le cardiofréquencemètre de sa montre) on regarde le compte-tours, et la deuxième (VMA, via l’allure de course au kilomètre) le compteur de vitesse, le tachymètre. Vous comprenez la nuance ?», lance subtilement Dominique Boussat.
2) Une phase de préparation spécifique. (différente en fonction de l’épreuve préparée : 10 km, semi ou marathon). Elle consiste à suivre un plan d’entraînement sur X semaines visant à préparer au mieux son objectif. (ex : sur 8, 10 ou 12 semaines pour un marathon). Donc cela nécessite d’être assidu et rigoureux, mais «il faut vraiment sentir l’entraînement, l’adapter en fonction de son ressenti et de ses capacités du moment, et surtout ne pas oublier la notion de plaisir », souligne Hakim Bagy. Le travail en côtes peut être judicieux à mettre en place car il faut de la puissance musculaire pour finir une telle épreuve. Trois à quatre semaines avant un marathon, effectuer un semi « à fond », avec la fatigue de la prépa dans les jambes, peut être un bon test pour évaluer votre état de forme et réajuster si besoin votre objectif initial. La dernière sortie longue de la prépa ne doit être pas réalisée trop tard (15 jours avant max), histoire de ne pas laisser des séquelles à l’organisme.
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3) Une phase de régénération. C’est-à-dire de repos relatif, ex : en gros, deux semaines avant un marathon, on a coutume de dire qu’il faut « faire du jus », histoire d’arriver le jour J avec une certaine fraîcheur musculaire et mentale et pas « cuit », « crevé » ou « cramé ». Cela équivaut à un peu à lever le pied en réduisant le kilométrage et un peu l’intensité de travail durant cette phase. Une séance de réglage (ex : 6×1 000 m) est intéressante à réaliser 10 jours avant la compétition.
4) Une phase de récupération. Après une compétition qui a causé des micro-déchirures au sein des fibres musculaires, certains préconisent dans un premier temps le repos total pour « cicatriser » (3 jours pour un 10 km, 5 jours pour un semi, 10 jours pour un marathon). Et conseillent ensuite d’embrayer ensuite sur une phase de récupération active (footing, natation en souplesse, vélo sur un terrain plat, marche rapide…). D’autres préfèrent retourner direct à l’entraînement, grisés par la perf qu’ils viennent de réaliser ou au contraire dans l’optique de rebondir au plus vite après un « accident » (abandon, contre-performance…).
En sortant des Metz Running Class, Anne Santy, sourire aux lèvres, semblait satisfaite. «J’ai appris pas mal de choses. Les échanges ont été riches. J’ai d’ailleurs récolté des billes intéressantes comme le timing pour la dernière sortie longue, le fait de bien devoir respecter mon allure sur les 5 premiers kilomètres ou la gestion des ravitaillements. Maintenant, on verra bien le jour J, car un marathon, c’est une aventure à part. Durant la course, on passe par différentes phases, différentes émotions. Mais une chose est sûre, pour arriver au bout, il faudra serrer les dents…»
Ismaël Bouchafra-Hennequin