BILAN DE LA SAISON Grégoire Munster, qui a achevé sa saison par une 5e place au Japon, estime qu’il mérite d’être en WRC l’an prochain.
Vous terminez par une 5e place au Japon. Comment s’est passée cette course ?
Grégoire Munster : Jusqu’à présent, notre matin du vendredi au Chili avait été notre meilleure perf en termes d’écart depuis le début de la saison. Au Japon, le vendredi, avec Adrien (Fourmaux), on n’était pas dans le rythme. On était perdus dans les réglages. Mais on a bien bossé, on a essayé différents trucs et, la nuit, on a pris une décision pour commencer la journée de samedi. Et il s’avère qu’on avait les bons réglages.
La fenêtre d’exploitation de la voiture était bien meilleure, dès le début, on s’est sentis à l’aise. On fait deuxièmes de la première spéciale, troisièmes de la 3e. On a vraiment très, très bien démarré. Sur l’ensemble de la journée, je ne suis qu’à quatre secondes et sept dixièmes d’Adrien, je n’ai jamais été aussi proche. Et par rapport à Thierry Neuville, qui vient d’être sacré champion du monde, je perds seulement 26 centièmes au km.
C’est le mieux qu’on ait fait jusqu’à présent. Le samedi, les écarts étaient faits. Donc, le dimanche, on a décidé de prendre une direction qu’on n’avait jamais empruntée jusque-là, mais on s’est dit « autant essayer ». Au final, ça ne s’est pas avéré payant, mais au moins on le sait maintenant.
Quel bilan tirez-vous de cette dernière épreuve de la saison ?
On fait un deuxième top 5 consécutif pour terminer la saison. C’est plutôt bien. À côté de cela, on a montré une bonne pointe de vitesse le samedi. On n’est pas passés loin de notre premier scratch, c’est positif aussi. On n’a pas fait d’erreurs, on n’a pas connu de pépins. On a essayé des choses, on a bien rebondi avec les réglages.
Chez Ford, on a une philosophie de partage des informations. Chaque pilote a son ingénieur et, au-dessus, il y a un ingénieur plus expérimenté qui supervise les deux autres. Et les trois échangent leurs informations. Avec Adrien, on s’est très vite rendu compte que c’était bénéfique pour tous les deux. Que ça tirait l’équipe vers le haut.
On a marqué autant de points sur les trois derniers rallyes que sur les dix premiers
Après une première partie de saison compliquée, vous finissez très fort. Et comme par hasard, ça correspond à votre changement d’approche des rallyes. Pouvez-vous nous en parler ?
C’est vrai qu’on a marqué autant de points sur les trois derniers rallyes que sur les dix premiers. Avant, même inconsciemment, je me mettais une pression. Tu es stressé, tu ne manges pas, tu ne dors pas. En fait, tu prends moins de plaisir.
Alors que tu as envie d’être là, c’est ce dont tu as rêvé toute ta vie et maintenant que tu y es, c’est ton boulot. Et tu te dis « je fais ceci, merci ça marche pas ». Tu commences à faire une fixette sur des choses qui ne fonctionnent pas. Ce n’est pas à 100 % comme tu l’imaginais. Mais en fait, il faut voir le verre à moitié plein plutôt que celui à moitié vide. Essayer d’avancer et travailler avec ça.
Comment avez-vous fait ?
Après la Grèce (NDLR : où il a abandonné), j’ai discuté avec l’équipe. J’étais entre deux états d’esprit. D’un côté, on me dit que la première moitié de la saison, je fais calme et j’apprends. Mais une fois que j’arrive sur des rallyes que je connais, je dois montrer de quoi je suis capable.
En Grèce, j’ai fait de très bons temps mais une faute : je sors de la route et c’est terminé. Ça coûte une quatrième place. Après, on me dit que je n’avais qu’à terminer. Et là je ne comprends pas. D’un côté, on me demande de faire des temps et de prendre des points, car quatrième, ça fait bien sur un CV. Et de l’autre, on me dit que je n’ai pas besoin de prendre autant de risques.
Alors je suis allé voir Malcolm (NDLR : Wilson, le patron de l’équipe). Il m’a écouté et il m’a dit que j’étais dans la même situation qu’Adrien il y a quelques années quand il a commencé en Rally 1. Et que, depuis, il fonctionne avec un coach mental qui lui permet d’être guidé. Donc, j’ai demandé à Adrien qui était son coach mental et on a commencé à travailler ensemble. J’ai suivi les conseils du patron! Avec lui, on a trouvé une base plus saine. Ce n’est pas uniquement du coaching mental, on fait beaucoup d’exercices, beaucoup d’entraînement visuel, pour favoriser l’attention. Les lunettes pour le jetlag, ça vient de lui aussi.
Cette saison n’aura servi à rien si on ne sait pas construire dessus l’année prochaine
Vous terminez votre saison de rookie en huitième position. Ça correspond à vos attentes?
Bien sûr, j’aurais voulu faire mieux évidemment. Surtout quand on voit ce qu’on a réussi à faire sur les trois dernières courses. J’ai 46 points. Mais même si j’en avais eu 70 ou 80, je serais quand même 8e. On savait très bien qu’on ne jouait pas le championnat pilotes. Le but était de se montrer dans des spéciales. D’essayer d’être réguliers et d’afficher des performances sur toutes les surfaces. Et c’est ce qu’on a réussi à faire. Maintenant, le gros point négatif, c’est mon début de saison.
Toutes les petites erreurs qui coûtent très cher. Ce n’est pas comme si je sortais et que j’explosais la voiture, hormis en Finlande où j’ai fait un tonneau. Mais à Monte-Carlo, je me pose dans un trou, au Portugal, pareil, en Grèce pareil. C’étaient des sorties à deux balles. Tu négocies un mauvais virage, tu es un peu trop optimiste sur une trajectoire et c’est fini. Chaque fois, ça mettait le résultat à la poubelle. En Grèce, j’aurais fait 4, en Finlande 5.
J’aurais préféré avoir cinq top 5 plutôt que trois en fin d’année. Maintenant, si je compare avec les débuts d’Adrien, il a pulvérisé quatre ou cinq caisses. Tänak, en arrivant en WRC, il a fait n’importe quoi, ils l’ont remis en WRC 2 et, trois ans plus tard, il était champion du monde. Et ce qui est positif, c’est toute la fin de saison où on a réussi à inverser la tendance. À être réguliers tout en affichant de la performance.
On n’était pas cinquièmes en traînant. On a travaillé avec les ingénieurs, on a su réagir. On a réussi à changer les réglages et ça a fonctionné, chose qu’on n’aurait jamais pu faire à Monte-Carlo ou en Croatie, car on n’avait pas l’expérience requise.
Justement, vous avez évolué par rapport au début de saison. Maintenant qu’elle est terminée, quel est votre état d’esprit concernant votre avenir en WRC ?
Je pense qu’on a montré qu’on méritait une deuxième chance. Sur des rallyes où on avait déjà l’expérience, on était beaucoup plus compétitifs, et tout cela, c’était très prometteur. Et, d’une certaine manière, cette saison n’aura servi à rien si on ne sait pas construire là-dessus l’année prochaine.
J’ai discuté avec Ford, ils m’ont dit qu’il y avait une volonté de continuer. Mais qu’il y avait pas mal de points qui devaient encore être discutés. En tout cas, notre intention, c’est de continuer avec Ford. Maintenant, mon sort n’est pas trop entre mes mains. Ce n’est pas chouette, mais je ne peux pas y faire grand-chose. Mais ma fin de saison me permet d’avoir le droit d’espérer de continuer.
Un retour en Rallye 2, ce serait envisageable ?
Moi, je veux juste rouler. Mais le haut niveau, c’est le haut niveau. Mentalement, physiquement, visuellement, les virages qui approchent… D’office je veux rouler et ça ne pourra que m’aider à devenir meilleur. Et tant qu’à faire, je préfère le faire aux côtés des voitures et des pilotes les plus rapides au monde.
Quand serez-vous fixé ?
L’an passé, c’était vers le 10 décembre. Donc, je me base là-dessus, mais je n’ai pas plus d’idées que cela. On verra bien.

Le classement final
1. Thierry Neuville/Martijn Wydaeghe (BEL/Hyundai) 242 points (champion); 2. Elfyn Evans/Scott Martin (GBR/Toyota) 210; 3. Ott Tänak/Martin Järveoja (EST/Hyundai) 200; 4. Sébastien Ogier/Vincent Landais (FRA/Toyota) 191 (*); 5. Adrien Fourmaux/Alexandre Coria (FRA/M-Sport Ford) 162; 6. Takamoto Katsuta/Aaron Johnston (JAP-IRL/Toyota) 116; 7. Kalle Rovanperä/Jonne Halttunen (FIN/Toyota) 114 (*); 8. Grégoire Munster/Louis Louka (LUX/BEL/M-Sport Ford) 46…
(*) ne disputaient pas la saison complète du championnat