Bob Jungels n’est a priori pas leader protégé de l’équipe Deceuninck-Quick Step. Mais le coureur luxembourgeois devrait pouvoir tirer son épingle du jeu.
C’est le cœur infiniment plus léger, l’esprit totalement libéré que Bob Jungels va se lancer ce samedi dans son 3e Tour de France. Son avenir est tracé puisque, à compter de 2021, il sera lié pour deux ans avec AG2R-Citroën où un projet d’envergure l’a attiré. Ces derniers temps, ce n’était pas le moindre de ses soucis.
Le temps et le confinement aidant, Bob Jungels a mûri lentement le sentiment qu’il était temps pour lui de s’émanciper de l’équipe Deceuninck-Quick Step. Pas simple lorsqu’en cinq ans, on a brillé sous ces couleurs. Le choix de rejoindre à la fin de l’année AG2R-Citroën se résume ainsi : en plus des classiques, il entend retrouver un rôle de leader dans les courses par étapes et «une certaine liberté d’action».
Nous n’en sommes pas encore là. Et sa présence dans le groupe de Patrick Lefevere pour cette édition 2020 du Tour de France témoigne que le contrat de confiance entre les deux hommes tient encore. Bob Jungels a également besoin de ce Tour de France pour réussir sa campagne de classiques et, pourquoi pas, pour enrichir d’une ligne ou deux, son palmarès. Et Patrick Lefevere a besoin des qualités du coureur luxembourgeois pour fortifier son groupe mené par Sam Bennett en ce qui concerne les arrivées au sprint et par Julian Alaphilippe pour les étapes escarpées.
Sa troisième participation
Bob Jungels s’inscrit sur ce schéma, ce qui lui laissera à l’évidence quelques opportunités en cours de route… «Je ne vise pas le classement général. Je ne vais pas prendre le départ en pensant à ça. Après, on ne sait jamais ce qui se passe, mais a priori, ce sera pour des étapes. On sait que Julian (Alaphilippe) et Sam (Bennett) ont cet objectif, mais j’ai aussi des ambitions», explique ainsi le coureur luxembourgeois.
De ses deux expériences précédentes sur le Tour de France, Bob Jungels (27 ans) a eu de quoi tirer quelques précieux enseignements. En 2015, pour sa dernière saison avec Trek Factory Racing, alors que Bauke Mollema est bombardé leader, il termine la dernière semaine en boulet de canon. Le coureur, qui a alors 22 ans, épate la galerie par sa fraîcheur. Dans la 18e étape remportée par Romain Bardet, il se trouve dans l’échappée au long cours qui a pris corps entre Gap et Saint-Jean-de-Maurienne. Il termine alors quatrième après s’être longtemps démené, menant le groupe plus qu’à son tour.
S’il bifurquera, les deux saisons suivantes, avec un certain succès, vers le Giro (il terminera sixième en 2016 et huitième en 2017 avec le gain d’une étape) où il prendra de surcroît le maillot blanc de meilleur jeune, Bob Jungels retournera en 2018 sur le Tour pour prendre une onzième place au classement final.
Il confirme alors qu’il s’attendait à mieux, mais Bob Jungels sait aussi au fond de lui, qu’il n’est pas facile pour un coureur appartenant à l’équipe belge de penser à lui. Car ce n’est pas la priorité. On lui demande d’abord d’assurer la bonne mise en marche du train de sprinteurs.
Ce sera toujours le cas cette année. Mais le coureur luxembourgeois a pris de la bouteille et effectivement, comme Julian Alaphilippe d’ailleurs, il n’a pas suivi une préparation pour viser le classement général, mais plutôt des étapes.
En bonne forme
Mais qui sait ce qui pourrait bien se passer si au détour d’une ou l’autre étape, l’intéressé bénéficie d’un bon de sortie? Il n’est pas annoncé parmi les favoris. Moins en tout cas qu’une bonne vingtaine d’autres noms. Or son passé montre ses aptitudes. Et l’histoire du Tour regorge de ces situations où des coureurs, non destinés de prime abord à la course au maillot jaune, se piquent au jeu et bousculent l’échiquier.
Ce qui vaut pour Bob Jungels vaut bien sûr pour Julian Alaphilippe. Mais il sera un peu plus compliqué au Français de faire croire qu’il ne revendique rien après une édition 2019 époustouflante où il aura tenu en haleine une bonne partie du pays, rappelant ainsi l’épisode Thomas Voeckler sur le Tour de France 2011.
Bien sûr, nous n’en sommes pas là, mais dans ce Tour de France qu’on devine rempli de rebondissements, beaucoup de choses peuvent se passer au-delà du duel attendu entre Ineos et Jumbo.
Une certitude pour finir, il arrive en bonne forme. «Je vois une bonne évolution. Au niveau de l’entraînement, j’étais là où je devais être. C’est clairement le rythme de course qui m’a manqué pour un meilleur résultat dans le Dauphiné. Mais je ne m’inquiète pas trop, je pense que beaucoup seront fatigués après deux semaines de Tour de France…»
Denis Bastien