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[Tour de France] Franck Schleck : « J’assume mes responsabilités »


"Pour moi, Froome a mis les points sur les i (...) les Sky sont des robocops." (Photo : DR)

Frank Schleck va de mieux en mieux sur ce Tour. Il le confirme, comme il affirme que sa priorité reste de montrer sa loyauté envers son équipe. Le Mondorfois n’a éludé aucune question.

Frank Schleck vient de sortir d’une sieste. Sur les coups de 18h15, le Mondorfois s’est présenté décontracté sur la terrasse de son hôtel. Son discours fut franc et limpide. Cela augure d’un état d’esprit parfait pour les deux prochaines semaines.

Vous avez effectué une très belle montée d’Arcalis, bien que vous ayez été décroché à sept kilomètres du sommet. À cause des conditions météorologiques difficiles ?

Frank Schleck : (rires) J’ai fait mon boulot, je suis resté longtemps dans l’étape auprès de Bauke (Mollema). On se parlait pas mal. Je me suis bien senti. À sept kilomètres de l’arrivée, cela a accéléré, la route était mouillée. Dans un virage en épingle, je me suis mis en danseuse et ma roue arrière a glissé. J’ai déchaussé. J’étais dernier du groupe. Les coureurs devant moi ont été lâché au même moment. J’ai pris ce trou et à un instant, je me suis dit que j’allais monter tranquille, qu’il n’y avait plus rien à faire. Après, j’ai vu les voitures, j’ai commencé à reprendre mon rythme et j’ai perdu environ deux minutes sur le groupe de Froome.

C’est peu en regard de la bagarre sans relâche qui s’était déclenchée devant…

Oui, je suis bien monté. Lundi, j’aurais pu monter plus fort encore. Mais cela ne m’aurait rien apporté de plus.

C’est juste l’une de nos principales interrogations. C’est toujours plus facile de refaire la course après course, mais on peut se dire que c’était une étape que vous auriez pu viser, à condition d’avoir plus de retard au classement général. Qu’en pensez-vous ?

J’aurais dû être dans l’échappée, même avec une dizaine de minutes de retard. Peut-être que je devrais prendre encore plus de temps de retard. Mais je suis le dernier coureur à rester auprès de Bauke. J’ai des responsabilités envers lui, comme envers l’équipe. Je les assume. Je ne peux pas me permettre de perdre du temps. C’est mon boulot, il faut respecter l’équipe. J’aurais eu la liberté d’aller dans l’échappée, mais franchement, dimanche, je n’y serais pas arrivé.

Mais vous n’y avez pas pensé ?

Lorsqu’après le Tour de Suisse, Kim (Andersen) est venu reconnaître l’étape, il m’a appelé en me disant : « J’ai trouvé ton étape, tu vas aller dans l’échappée. » Mais je n’aurais pas pu. Dans le premier col, je n’avais pas la jambe. Il faut que ça s’ouvre. Il me faut une étape dure. Après quatre heures, je peux pousser beaucoup de puissance. Les autres n’y arrivent pas toujours. Et c’est mon grand avantage. Je suis léger, j’ai moins de kilos à monter, c’est un grand plus. Je ne le cache pas, j’avais carte libre pour aller dans cette échappée, mais en début d’étape, lorsque le coup est parti, je n’avais pas les jambes pour y aller. Je suis très honnête et j’assume le fait que je n’étais pas au mieux au début. Après, c’est sûr, il faut changer le plan. Je suis le dernier avec Bauke.

Vous lancer dans une échappée dans une grande étape de montagne peut avoir deux avantages. Vous pouvez viser un succès d’étape et vous pouvez servir de point d’appui pour Mollema si l’échappée est reprise…

Tout à fait. On a vu un très beau Tour de France jusqu’à présent. Je pense que Movistar voulait faire ça dans l’étape de dimanche en mettant un coureur de l’échappée. C’était le scénario auquel je pensais. Il y en avait un autre, une échappée de 20 mecs. C’est comme ça, je n’ai pas pu la prendre.

Il y en aura d’autres, non ?

Je l’espère. On verra de jour en jour. Demain (aujourd’hui), ça commencera par un col et ce sera compliqué même si une échappée se forme puisque la suite n’est pas montagneuse. Mais comme le final ne me convient pas, ça ne sert à rien. Si l’échappée allait au bout, je ferais dixième… Jusqu’à présent, le Tour a été très dur. On a laissé beaucoup de force. Mais je me fais plaisir en montagne, même si je ne ferai pas un top 10, ce qui n’était pas mon objectif. Je sais aussi que je peux avoir un mauvais jour. Il arrivera, mais je n’ai pas la pression. Je peux être libre. Dans le peloton, beaucoup de coureurs me regardent avec beaucoup de respect et cela me fait plaisir de rester avec les 20 meilleurs en montagne.

Ce qu’on remarque c’est que votre forme ne cesse de grimper. C’est votre sensation ?

Oui, il ne faut pas oublier d’où je viens. Ma fracture de la clavicule m’a pris beaucoup de temps, d’entraînement. On pense en pareil cas que tu te reposes à la maison et que tu laisses guérir. Ce n’est pas comme ça que ça se passe. Avant ce Tour, je n’ai eu qu’une course de préparation, le Tour de Suisse. J’espère que je vais continuer à progresser. On verra des autres coureurs qui auront des jours moins bien. Nibali dit qu’il se sent aussi bien qu’au Giro, mais il est moins bien. Les 15 premiers du général, ce sont les meilleurs coureurs au monde en ce moment.

Justement, alors que vous n’étiez pas parti pour faire le classement général, vous êtes 23e et vous pouvez grimper un peu. N’êtes-vous pas tenté de parvenir dans le top 15 ?

(Interrogatif) La question est bien posée, mais qu’est-ce que cela va me ramener?

Nous sommes d’accord, une étape c’est mieux !

Après, je ne vais pas me concentrer sur un top 15. Si ça arrive, oui d’accord. Si on peut faire un top 10, voire un top 5 avec Bauke, il n’y a pas photo. Il faut respecter l’employeur qui nous engage. Personnellement, si je n’ai pas un mauvais jour, je pense que je pourrai faire un top 15.

Surtout que vous allez généralement mieux en troisième semaine…

C’est prématuré de dire ça, mais je pense que oui.

Et une bonne journée dans une échappée sur une étape peut également vous faire remonter, non ?

Si j’y arrive, ce sera dans la dernière semaine. Cela me paraît plus compliqué en deuxième semaine. L’étape du Mont Ventoux, c’est plat et on monte 20 kilomètres. C’est l’étape mythique, je ne pense pas qu’ils lâcheront du lest. D’autant plus que l’approche sera facile à contrôler. Quintana et Froome ne vont pas se laisser faire. Dimanche, avec les deux ascensions du Grand Colombier, on verra… Encore deux, trois jours et on voit les étapes devant soi. Cela va aller très vite maintenant. Les premiers dix jours, c’était long et compliqué. Il reste de belles étapes dans les Alpes. J’aurai d’autres occasions.

Quel souvenir gardez-vous du Mont Ventoux ?

Je me rappelle qu’avec Andy, en 2009, on n’a pas arrêté d’attaquer Lance (Armstrong) et Alberto (Contador) car je me battais pour le podium. Et puis le Ventoux, c’est surtout des souvenirs d’enfance. On venait là en vacances une fois par an, pas loin de là, chez un Luxembourgeois qui a un gîte. On a toujours fait le Ventoux en chrono ou en course. On s’est pas mal amusé sur le Ventoux.

Quel regard portez-vous sur la situation de ce Tour ?

Froome a mis les points sur les i lorsqu’il a attaqué l’autre jour (NDLR : samedi, au sommet de Peyresourde).

C’était ça le message ?

Oui, c’était un sacré message. Il a risqué beaucoup pour gagner une quinzaine de secondes alors que ce n’était pas nécessaire. On peut le voir de deux façons : des mecs comme Indurain, Armstrong, n’auraient jamais pris autant de risque. On pourrait en déduire qu’il n’est pas sûr de lui. Mais je pense le contraire, il sait très bien ce qu’il fait. Toute son équipe est très bien programmée. Ce sont des « robocops » devant. Kiryenka, il roule toute la journée! Froome est très fort, je ne vois personne, mis à part Quintana qui pourrait le battre.

Cela ne vous surprend pas que le top 10 soit si serré ?

D’accord mais qu’avons-nous vu jusqu’à présent? Une vraie arrivée en montagne. Sur Arcalis, le final n’était pas super dur. Il y a quelques années de cela, Alberto (Contador) nous avait attaqués en mettant la grande plaque. Il avait fait le dernier kilomètre sur le grand plateau. Quand je vois que je ne finis pas loin des leaders. L’étape dure, c’était celle du Lioran.

Entretien avec notre envoyé spécial à Andorre, Denis Bastien