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[Tour de France] Ben Gastauer : « Oui, on veut y croire… »


Ben Gastauer n'a pas été retenu par son équipe AG2R pour le Tour de France. (photo : julien garroy)

Le seul coureur luxembourgeois de ce Tour de France ne passe pas inaperçu. Pas seulement parce qu’il possède la plus grande taille de son équipe. Mais plus sûrement parce qu’il abat, comme les copains, un sacré boulot pour son leader, Romain Bardet, 3e du général.

Ben Gastauer a pris le temps de revenir sur son vécu et son rôle dans ce Tour de France. Et bien sûr d’évoquer son leader, Romain Bardet, son équipe AG2R La Mondiale, mais aussi Chris Froome, leur principal rival et maillot jaune de cette édition particulièrement indécise.

On vous a vu très actif en deuxième semaine, surtout lors des étapes de montagne. Après deux semaines de course, comment vous sentez-vous ?

Ben Gastauer : Je suis fatigué, très fatigué, même si je me sens également très motivé par ce qui est en train de se passer. La journée de repos est arrivée à point nommé avant d’aborder la dernière semaine.

Question abrupte, Romain Bardet peut-il, selon vous, remporter ce Tour de France ?

Il est très fort, cela se voit. Mais on connaît la problématique, pour que Romain remporte ce Tour de France, il lui faudra reprendre du temps à Chris Froome, lequel justement, fait forte impression malgré son passage à vide l’autre jour à Peyragudes. Nous, on croit en Romain, mais on sait que ce sera compliqué. Le Tour se jouera dans les Alpes. Ce n’est pas fini, tout est possible.

Dimanche, sur la route du Puy-en-Velay, vous avez justement tenté de semer le maillot jaune dans une grande action collective…

Romain connaissait toutes ces routes par cœur et on savait à quel moment on pouvait tenter de déstabiliser Chris Froome. On menait fort depuis un moment lorsque Froome a eu son problème mécanique. On a continué notre action. Logique. La situation était idéale pour nous, mais il est parvenu à revenir. Franchement, il nous a fait forte impression.

Chris Froome est revenu, mais vous avez aussi montré votre force collective, non ?

Oui, ça fait vraiment plaisir de voir de quoi nous sommes capables. Mais le problème reste entier. Froome et son équipe Sky sont pour le moment en tête…

D’ailleurs Sky est en tête du classement par équipes, juste devant la vôtre. Après le classement général pour Romain Bardet, c’est l’un des objectifs d’AG2R La Mondiale ?

On s’est rapprochés des Sky après l’étape de dimanche, mais pour le moment l’équipe Sky reste supérieure. On verra. L’objectif numéro un est forcément la victoire finale. On n’est plus vraiment dans la configuration de 2014 où nous nous étions imposés à Paris, alors que Jean-Christophe (Péraud) avait terminé deuxième du Tour derrière Nibali.

Ce qui a changé également, c’est que vous êtes la seule équipe capable de provoquer l’équipe Sky pour le moment…

Oui, c’est vrai. Fabio Aru est deuxième de ce Tour, mais avec les abandons de Fuglsang et Cataldo, il est isolé en montagne. Donc il suit et reste souvent seul. Sky et nous, on fait la course avec nos armes.

La progression collective de votre équipe, AG2R La Mondiale, répond à une forme de logique, puisque depuis 2014, vous vous bagarrez avec au minimum l’objectif d’un podium. Cette progression, vous la ressentez de l’intérieur ?

Oui, vraiment. On est évidemment contents de constater qu’on parvient à peser et à orienter la course. 2014 était le point de départ, désormais, on se trouve dans une dynamique. Notre niveau a augmenté.

Et votre leader, Romain Bardet, est-il aujourd’hui plus fort qu’il ne l’a jamais été ?

Je le pense et il sait aussi qu’il peut compter sur nous. Qu’on peut mener une action collective comme celle de dimanche. Il y a peu, ce n’était pas possible de faire ça. C’est désormais réalisable et, de son côté, Romain assure le leadership. Il est plus fort, oui, je ne l’ai jamais vu aussi fort qu’aujourd’hui. Et il assume parfaitement son rôle de patron. On espère simplement qu’il parviendra à faire la différence.

Comment est l’ambiance dans votre équipe après deux semaines de course ?

Tout le monde a le moral, je n’avais jamais connu ça avec autant d’intensité. D’habitude, avec la fatigue des deux premières semaines de course, on ressent les premières tensions, inévitables dans un groupe. Pas là. Le staff comme les coureurs, on forme une équipe unie, heureuse. Tout le monde a trouvé sa place et tout le monde est là pour le même but : on est tous là pour Romain.

Il reste cette dernière semaine à aborder avec, pour finaliser les positions du classement général, ces deux grandes étapes de montagne dans les Alpes, demain et jeudi, puis le chrono de Marseille, samedi. Quel est votre regard sur cette dernière semaine ?

Pour moi, en tant que coéquipier, je dirais qu’il reste quatre étapes. Je ne compte pas le chrono où je ne serai pas concerné et la dernière étape qui est un rituel. Même l’étape de ce mardi et de ce vendredi, même si ce ne sont pas des étapes de montagne, peuvent être importantes. Car nous sommes dans le Tour et beaucoup de choses peuvent se passer tous les jours.

De votre côté, vos relais étaient impressionnants lors des dernières étapes? Vous sentez-vous simplement plus fort qu’avant ?

Je le pense, mais mon rôle est aussi un peu différent. Si je reprends le Tour 2014, on se contentait de suivre. Moi je plaçais simplement mes leaders. Là, on cherche à imprimer le rythme. Mais j’avoue que j’ai été surpris de tenir aussi longtemps en haute montagne. Et surtout de sentir que je fais mal aux autres lors de mes relais. Cela m’a d’autant plus surpris que je partais dans ce Tour un peu dans l’inconnu au niveau de ma forme.

C’était délibéré de votre part de vous relever au moment où Chris Froome est revenu sur vous dans le col de Peyra Taillade ?

On avait accéléré pour lui rendre la tâche compliquée, alors lorsque Froome est revenu sur nous avec Landa, je n’en pouvais simplement plus (il rit) ! D’autant plus que nous étions là dans les pentes les plus raides.

C’est sans doute anecdotique pour vous, mais votre 36e place au classement général de ce Tour de France, alors que vous passez le plus clair de votre temps à escorter Romain Bardet, vous inspire quoi ?

Eh bien, ça fait quand même plaisir, d’autant plus que, comme vous le dites, ce n’est pas du tout une préoccupation. Je roule quand il le faut, je fais le boulot. Je vous l’avais dit à Milan, à la fin du Giro (NDLR : il avait fini 31e après avoir travaillé pour le compte de Domenico Pozzovivo, sixième du classement final), avec ça on ne s’achète rien. C’est toujours vrai, mais à titre personnel, ça me fait plaisir.

Si pour Nairo Quintana, il n’est manifestement pas simple de doubler Giro et Tour, pour vous, cela semble vous aller, non ?

Oui, pour le moment, je n’ai pas à me plaindre. C’est même une bonne expérience. Bon, je ne suis pas un leader, je suis coéquipier et on ne peut pas comparer. À partir du moment où je ne suis plus devant avec Romain, je récupère. Je ne peux donc pas en déduire que ça marcherait aussi bien pour moi si j’étais leader.

Si vous deviez rêver à une fin de Tour idéale pour vous ?

Alors, que Romain remporte le Tour ! Il faudra qu’on se batte jusqu’à la fin, c’est passionnant. Et il ne faudra pas avoir de regrets.

Entretien avec Denis Bastien