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Tour de France 2016 : le regard de Kim Kirchen


Kim Kirchen : "Frank Schleck ne roule plus aujourd'hui avec les meilleurs et sera loin au classement général. C'est parfait pour tenter de rafler une étape." (photo Hervé Monatigu)

Kim Kirchen (37 ans) est consultant pour RTL Télévision sur le Tour de France qui démarre samedi. Il nous raconte ce que cette édition 2016 lui inspire. L’ancien maillot jaune luxembourgeois pense que les deux premières étapes peuvent déjà donner lieu à des rebondissements. Il prédit toutefois un Tour ennuyeux dans son entame.

Le Quotidien : Que vous inspire le parcours du Tour 2016? Kim Kirchen  : Globalement, je pense qu’il s’agit d’un Tour de France assez classique. Bien sûr, les favoris devront être attentifs tous les jours, notamment les deux premiers jours, qui me paraissent compliqués. Les sprinteurs devraient remporter la première étape qui arrive à Utah Beach. Et sur le final, je vois des cassures. Et les petites bosses dans la deuxième étape sont également propices à créer la panique.

Cette année est pluvieuse et venteuse. Souvent imprévisible au niveau de la météo. J’ai l’impression que Chris Froome a beaucoup à perdre dans ces deux premières étapes. Il ne lui faudra faire aucune faute. Sinon, il sera vite pénalisé. S’il passe, alors il sera tranquille jusqu’aux Pyrénées, une semaine plus tard. Et son équipe pourra laisser le boulot aux autres équipes. Mais attention, ça va frotter terriblement dans les deux premières étapes et il n’aime pas ça.

Par contre, dans le même ordre d’idées, celui qui prendra le maillot le gardera longtemps et je vois bien Peter Sagan dans cette couleur. On risque bien de s’ennuyer en première semaine. Et pour les échappés, ce sera dur de viser des étapes.

Ce Tour de France, selon vous, se jouera où?

En dernière semaine dans les Alpes. Même si l’étape du mont Ventoux (NDLR : la 12 e étape qui part de Montpellier) sera déterminante pour le classement final. Je ne vois pas de gros écarts à Arcalis, ni dans les Pyrénées. Les chronos feront le reste. Celui de la 13 e étape, long de 37,5 kilomètres, et le second, entre Sallanches et Megève, qui est très dur également. Les Alpes seront dures en dernière semaine, mais ces étapes ne me semblent pas insurmontables.

Votre grand favori, c’est Chris Froome?

Oui, s’il passe les deux premiers jours. Je le répète, ce n’est pas gagné. Par contre, pour la suite, son équipe est très forte.

Qui sera son principal rival?

Nairo Quintana, évidemment. Je l’ai trouvé très impressionnant sur la Route du Sud, qu’il a remportée. S’il marche comme ça, ce sera un vrai rival pour Froome. Et si un jour, le coureur de la Sky se trouve en difficulté, je suis sûr qu’il peut l’inquiéter. Avec un coureur comme Valverde à ses côtés, il devrait en profiter pour durcir la course et attendre que Froome fléchisse, s’il fléchit un jour.

Et Contador?

Non, je ne le vois pas. On voit bien cette saison qu’il est un ton en dessous des autres. Ce n’est plus tout à fait le même coureur qu’il y a quatre, cinq ans. Il ne marche plus comme avant.

Des surprises sont-elles à attendre?

Comme tous les ans, il y en aura. Ça pourrait venir des coureurs français puisque (Romain) Bardet, (Thibaut) Pinot marchent très bien. Ils attaquent, ils risquent. Ils sont jeunes, ont beaucoup de tempérament et ont beaucoup progressé. Mais pas pour inquiéter Froome. S’il est en position, c’est clair que la Sky prendra la course en main.

Elle vous impressionne l’équipe britannique?

Forcément, oui. Surtout en montagne. Mais je remarque que pour les étapes plates, elle ne dispose pas de beaucoup de possibilités. Et dans un final d’une étape banal, on peut facilement perdre plusieurs minutes.

Vous n’avez pas évoqué les Italiens d’Astana, Fabio Aru et Vincenzo Nibali…

Aru, je ne sais pas, mais je n’y crois p as. Nibali, lui, a donc remporté un Tour d’Italie avec beaucoup de chance. C’est toute la différence avec le Tour. C’est impossible sur la Grande Boucle. Si on n’est pas tous les jours au top, on passe à la caisse. Nibali peut être fort s’il résiste à la pression et, normalement, il ne devrait pas en souffrir car il a déjà le Giro en poche.

Passons aux Luxembourgeois…

Ben Gastauer sera là pour Bardet. Il faut se souvenir de son excellent Tour 2014. Après, il faudra voir la tactique de cette équipe AG2R La Mondiale. Visera-t-elle le général ou aussi des étapes, ce qui me semble raisonnable, car c’est quand même aléatoire de tout miser sur le classement final? Je les vois souffrir dans les premières étapes. C’est plutôt une équipe pour la montagne. Ben (Gastauer) est fort et j’ai l’impression qu’il lui faudra être encore plus fort la saison prochaine car, d’année en année, cette équipe AG2R la Mondiale devient de plus en plus performante.

Frank Schleck ne vise plus le général mais une étape. C’est jouable selon vous?

Oui, je le pense. Il ne roule plus aujourd’hui avec les meilleurs et il sera loin au classement général. C’est parfait pour tenter de rafler une étape. À la limite, il pourrait viser le classement de la montagne, mais je pense qu’il manque un peu de punch pour ça, car on remarque souvent qu’il faut sprinter en haut des sommets pour rafler des points.

Bon, je vois que l’équipe Trek ne dispose pas non plus d’un grand leader avec (Bauke) Mollema, qui a ses limites. Il pourrait accrocher un top 10, mais sans doute pas mieux. Frank, lui, devrait bien sortir du Tour et je le vois, s’il est sélectionné, faire de bons JO de Rio car le parcours lui convient. Pour ce Tour, il faut voir ce qu’il va proposer. Mais l’équipe Trek manque de personnalités, même si Cancellara sera pour la dernière fois de sa carrière au départ.

Il ne faut donc pas attendre un Tour fracassant de la part des Luxembourgeois?

Sans doute pas, mais c’est déjà bien qu’ils soient deux au départ. Ben (Gastauer) sera dans son registre d’équipier. Frank sera un peu plus libre, mais ses meilleures années sont passées, ce n’est pas un secret. On remarque toutefois qu’il a gardé son envie de bien faire, même si ça doit être plus dur aujourd’hui pour lui de s’éloigner de sa famille.

Denis Bastien