Le responsable du service des sports de RTL, revient sur une année marquée par la pandémie.
Tom Flammang (42 ans) est clairement en manque de compétition. Chaque hiver est pour cet ancien cycliste professionnel l’occasion de replonger dans son sport de prédilection, le cyclo-cross, où il reste d’ailleurs le champion national sortant chez les masters. Mais c’est bien sûr pour rembobiner le film d’une drôle d’année 2020 que nous l’avons joint!
Que retiendrez-vous de l’année sportive 2020 qui est en train de se refermer ?
Tom Flammang : Nous sommes justement en train de travailler sur les résumés de la saison sportive et notamment ce que nous avons montré à la télévision. On a comparé ce qui était prévu et ce qui était montré. J’ai repris les images, en ce qui concerne le cyclisme, des championnats du monde de cyclo-cross, puis du début de saison belge (Het Nieuwsblad et Kuurne-Bruxelles-Kuurne), puis de Paris-Nice où la dernière étape a été annulée. C’était limite et beaucoup de monde indiquait qu’il aurait mieux valu arrêter encore plus tôt la course. Puis s’est installé un assez grand vide. L’attente a été longue, mais cela nous a permis de suivre différemment les sportifs, jusque dans le confinement. Mais on a tous bien compris que la préoccupation des gens n’était pas sportive, mais concernait le monde de la santé et du travail. Puis des compétitions ont repris. Mais en ce moment, il n’y a qu’un petit planning en ce qui concerne les dates à venir. On reste en attente de l’évolution de l’épidémie.
Concernant le football, quelle impression vous laisse le huis clos ?
Avec le huis clos, il n’y a plus d’ambiance dans les tribunes. On entend distinctement les consignes des entraîneurs et les paroles des joueurs. Au niveau sportif, c’est presque plus intéressant. Au Bayern, par exemple, c’est impressionnant de voir Thomas Müller motiver et conseiller sans arrêt ses coéquipiers. Par contre, on a eu des temps de réflexion du corps arbitral, des temps extrêmement longs à cause des technologies. Sans la pression du public, le temps s’allonge. La reprise des compétitions a eu cette conséquence qu’on observe également aujourd’hui des blessures en hausse.
Nous avons décidé de ne pas ajouter d’ambiance artificielle de stade
L’ambiance devenue quasiment inexistante dans les stades est-elle problématique pour les retransmissions des grands matches internationaux ?
À un moment, on avait le choix d’ajouter artificiellement de l’ambiance, une ambiance qui était livrée par la réalisation, choix que nous n’avons pas effectué, puisque nous avons décidé de ne rien ajouter et de rester fidèle à la réalité. Mais c’est vrai qu’on ne ressent plus ce qui faisait parfois la magie de certains matches.
Comme la situation va perdurer encore, est-ce compliqué pour vous ?
Je ne vais pas dire que c’est compliqué. Si on est passionné de foot, il y a plein d’autres choses avec lesquelles on va pouvoir s’accommoder, comme les belles réalisations des rencontres. Je pense que, par contre, les joueurs attendent avec impatience de retrouver le public qui les aide à repousser leurs limites. Un match de Liverpool devant son public à domicile ne sera pas le même que dans un stade vide. Certaines équipes ont vraiment besoin de leur public.
Malgré ce sport dans une ambiance feutrée, les audiences restent-elles les mêmes ?
Oui, les grandes affiches attirent toujours autant. Je pense même que lorsque le sport est reparti, les gens étaient contents de pouvoir à nouveau suivre du sport à la télévision. J’ai eu l’impression que tout le monde était soulagé de pouvoir se changer les idées. On pouvait s’intéresser à autre chose qu’au Covid-19.
On retiendra également qu’en cette année 2020 les Jeux olympiques ont été reportés à l’année suivante. Qu’est-ce que cela a impliqué pour vous ?
On avait planifié d’envoyer deux journalistes et une petite équipe à Tokyo. Passé le moment de stupeur, on s’est dit que le report était plus raisonnable. Et lorsque nous avons reçu tous les calendriers retravaillés, on s’est dit qu’à partir de la mi-août, nous aurions un programme très chargé avec les phases finales de la Champions League, le Tour de France et le Tour de Luxembourg qui s’est déroulé en même temps,. Sans parler des classiques qui se sont disputées à la suite. Puis enfin, il y a eu la reprise de la Champions League. À ce moment-là, on s’est dit que nous avions quand même beaucoup de boulot! Mais nous étions contents de reprendre.
On assiste à un changement au niveau mondial, notamment sur les courses par étapes
Quelle image forte garderez-vous de cette année sportive ?
En tant que commentateur du Tour de France, c’est clairement le contre-la-montre de la Planche des Belles Filles à la veille de l’arrivée à Paris, un chrono où le jeune (Tadej) Pogacar renverse son compatriote (Primoz) Roglic. Dans cette étape, on a quand même halluciné. On s’est demandé si ce que nous étions en train de vivre correspondait bien à la réalité ou s’il y avait un problème. C’était irréel. Et puis, toujours en cyclisme, que je commente à l’antenne, les performances des jeunes coureurs m’ont marqué. Est-ce dû au fait que lorsqu’on est jeune, on a besoin de moins de courses pour performer ? Je m’interroge. On assiste à un changement au niveau mondial, notamment sur les courses par étapes. Et puis, les classiques, le match entre Mathieu Van der Poel et Wout Van Aert a tenu ses promesses sur le Tour des Flandres.
Et cela avait commencé bien avant le Covid avec l’émergence du prodige belge Remco Evenepoel…
Tout à fait. C’est du jamais vu dans l’histoire du cyclisme. Mais beaucoup de choses ont changé ces dernières années. L’exemple d’Evenepoel est parlant. Il est passé du foot au cyclisme et était professionnel à la sortie des juniors. Un nouveau monde s’est ouvert avec des entraînements de plus en plus pointus.
Vous pensez que ce phénomène va perdurer ?
Je ne sais pas, car cela demande beaucoup de sacrifices et ce n’est pas simple à gérer mentalement. Mais cela ne veut pas dire que les coureurs plus âgés, comme par exemple Philippe Gilbert, n’aient plus de cartes à jouer.
En tant qu’ancien coureur professionnel, quel est votre regard sur les Luxembourgeois ?
On a eu beaucoup d’attente et on était bien parti en début de saison. Si la saison ne s’était pas interrompue, je pense que Bob (Jungels) aurait réussi à bien faire sur le Tour des Flandres et Paris-Roubaix. Après le confinement, ils étaient bien, mais la concurrence était plus importante. Ils se sont bien débrouillés, mais n’ont pas fait d’étincelles non plus.
Finalement, le cyclisme n’a pas trop souffert durant cette saison ?
Le cyclisme a eu la chance de tenir un nouveau calendrier international bien structuré.
Vous pensez qu’en 2021 les calendriers seront de nouveau bouleversés ?
Toutes les fédérations internationales ont fixé des dates. Moi, j’ai apprécié de voir le Tour des Flandres déplacé du printemps à l’automne. Cela peut devenir une solution. Mais c’est trop tôt pour se prononcer. On attend le fameux vaccin. Impossible de prédire quoi que ce soit, même si on ressent par exemple l’envie des organisateurs des JO de Tokyo de voir l’évènement se dérouler. Ce sera sans doute compliqué pour les médias, mais on verra. De toute façon, partout, c’est devenu plus compliqué. On réfléchit toujours beaucoup avant d’envoyer une équipe quelque part. On prend toujours la solution la plus raisonnable. On a vu cette année qu’on pouvait travailler d’une façon différente que par le passé, mais avec l’aide des sportifs, on parvient à réaliser de beaux sujets.
Le gala de la presse sportive ne s’est pas tenu cette année, mais selon vous quels sont les sportifs qui se sont le plus distingués ?
Je dirais d’abord Dylan Pereira. Il a fait une très belle saison. On a diffusé ses courses de la Porsche Cup et il s’est très bien débrouillé. L’équipe nationale de foot a fait également de très belles choses.
Revenons à vous en tant que sportif amateur. Êtes-vous frustré de ne pas pouvoir vous aligner en cyclo-cross cet hiver ?
Oui, c’est sûr. La saison avait très bien commencé et les clubs étaient parvenus à mettre en place un protocole qui marchait bien pour un sport en plein air. Je pense que c’est possible d’organiser quelque chose dans les règles. C’est donc un peu frustrant. Mais on voit bien sur le plan international que seul le sport professionnel continue. Je cours chez les masters, c’est donc du pur loisir, la compétition n’est là que pour me motiver à faire du sport et tenir une bonne hygiène de vie. Tout le monde est frustré, mais après, il faut être raisonnable.
Pour finir, vous avez dû être ravi de voir Jempy Drucker signer chez Cofidis, votre ancienne équipe…
Effectivement, et pour la petite histoire, j’ai adressé un SMS à Cédric Vasseur, le manager de Cofidis (Tom Flammang et Cédric Vasseur ont été coéquipiers chez Cofidis en 2002 et 2003) au soir de la cinquième place de Jempy dans Bruges-La Panne, la dernière classique de la saison. Je lui ai demandé s’il venait de voir que Jempy Drucker était toujours sans contrat pour 2021. Il m’a renvoyé ce message : « Oui, Tom, merci, je suis sur le dossier“… Cela s’est fait. Cela me fait plaisir. Un coureur comme lui va faire du bien à cette équipe qui cherche à performer sur le plan mondial, notamment par rapport à Elia Viviani qui doit améliorer son train. Cofidis manque aussi de coureurs capables de signer des classements dans les classiques de pavés. Jempy a dépassé la trentaine, mais il a montré qu’il est capable de se préparer pour être performant dans les grandes courses d’un jour.
Entretien avec Denis Bastien