Jeff Henckels n’a rien pu faire face au Turc Mete Gazoz. Il quitte à nouveau les JO dès le premier tour.
Trois Jeux olympiques. Trois éliminations au premier tour. L’histoire d’amour entre Jeff Henckels et le plus grand évènement sportif planétaire est un peu compliquée. Qualifié grâce à son classement mondial (30e) après une saison exceptionnelle, l’archer luxembourgeois était déjà très heureux d’avoir décroché sa place lui qui aurait raté les JO s’ils n’avaient pas été reportés. En effet, une très grave chute à vélo lui avait laissé le coude en vrac et l’avait empêché de tout simplement s’entraîner pendant de longs mois.
Alors qu’il avait remisé au placard son rêve de troisièmes – et derniers – Jeux, il a appris avec bonheur de report de Tokyo-2020 en raison de la pandémie. À 35 ans passés, il a progressivement réappris son sport. D’abord avec des arcs pour débutant, puis au fil des semaines il est monté en puissance pour s’arrêter sur une solution intermédiaire : pour éviter de trop solliciter son coude, il a opté pour une tension bien plus faible qu’avant son accident : «six livres de moins», soit environ trois kilos tout de même.
Et après une compétition de réglage à Porec, en Croatie, Jeff Henckels a prouvé qu’il était de retour en prenant la troisième place au Grand Prix d’Antalya, en Turquie. Une performance qui lui donne confiance à quelques semaines du tournoi européen de qualification olympique, au même endroit. Là, il échoue de très peu pour obtenir son billet directement, il s’en faut d’un point. Quelques semaines plus tard, à Paris, lors du tournoi mondial de qualification, Jeff Henckels réalise un véritable exploit en prenant la tête de la compétition avec un fantastique 682 en qualifications, synonyme de nouveau record national (le précédent, 671 par lui-même, datait de 20 ans en arrière). Malheureusement, exempté de deux tours, il manque de rythme et échoue dès le premier tour éliminatoire. Malgré tout, il apprend quelques semaines plus tard qu’il récupère une place d’un archer des Fidji, qui se retire. Ce qui lui vaut de dire : «Je fais une pause entre chaque olympiade.»
Gazoz trop fort
Jeff Henckels, complètement détaché, n’a aucune pression même s’il aimerait bien franchir un tour, chose qu’il n’a jamais réalisée aux Jeux olympiques. Malheureusement, peut-être handicapé par le fait de tirer au milieu du terrain, il se rate complètement lors des qualifications avec un vilain 646, synonyme de 55e rang. Mal classé, il savait que son premier tour serait compliqué. Et effectivement, il pouvait difficilement plus mal tomber : «Je peux dire que c’est un des premiers que je n’aurais pas choisi !», confie-t-il en voyant son adversaire. En effet, il doit effectuer son match face à une petite merveille de la discipline, le Turc Mete Gazoz, actuel numéro 4 mondial à 22 ans.
Les deux hommes se sont déjà retrouvés une fois l’un contre l’autre. C’était au Grand Prix d’Antalya, où le vétéran luxembourgeois avait surpris la pépite turque 6-2. Autrement dit, il y avait de la revanche dans l’air, hier à l’occasion de ces 32es de finale : «Je n’ai rien à perdre. Si je gagne, c’est génial, sinon je me suis incliné face au numéro 4 mondial», résumait Jeff Henckels avant de pénétrer sur le terrain du stade de Yumenoshima. Mais l’archer grand-ducal savait qu’il aurait besoin de réaliser un véritable exploit pour enfin passer le premier tour. Malgré une bonne prestation d’ensemble et pas grand-chose à se reprocher, Jeff Henckels s’incline 0-6 face à un adversaire qui ne lui a pas laissé la moindre chance. Mais le Luxembourgeois se montre globalement satisfait de sa prestation (voir ci-dessous).
Romain Haas
«Je n’ai pas fait beaucoup d’erreurs»
Comment analysez-vous cette défaite ?
Jeff Henckels : Pour moi, c’est O. K. Je voulais tirer de bonnes flèches et ne pas commettre beaucoup de fautes. Je n’ai pas fait beaucoup d’erreurs. J’ai bien tiré. Toutes les flèches étaient bien tirées à l’exception d’une qui était poussée un peu dehors mais sinon, c’était toujours des 9.
Malgré le score de 6-0, il ne manquait pas grand-chose ?
C’est vrai. Je n’étais pas super loin. Lui commence par un 8, moi aussi. Ensuite, il fait un 10 et un 9 et moi 8 et 9. La deuxième manche, on était assez proche (NDLR : 26-28) et sur la troisième, il gagne d’un point (28-29). Dans le match d’avant, on voit le champion olympique de Londres se faire sortir avec des 5-6-7. Dans notre match, il n’y a eu que des 8 et plus. On a super bien tiré. Mais face à lui, la porte n’était jamais vraiment ouverte.
On vous sent satisfait ?
Bien sûr. Je n’ai rien à me reprocher. Je suis content avec mon tir, c’est ce que je voulais faire. Après mon accident, je ne savais même pas si je pourrais encore une fois participer aux Jeux. Je ne vais pas commencer à me plaindre d’un niveau qui n’est pas si mauvais que cela. Et puis je suis tombé contre un mec très fort, qui est en feu.
Vous aviez annoncé que ce serait votre dernière apparition aux JO. Vous maintenez ?
Je vais normalement participer aux championnats du monde en septembre aux États-Unis. Après, on va se calmer un peu. J’ai besoin de prendre un peu de distance. De reprendre un peu ma vie en main. Plein de personnes me demandent si j’irais jusqu’à Paris. Pour l’instant, c’est non ! Je vais peut-être faire de l’arc à poulies, on verra bien!
Recueilli par Romain Haas