Le Luxembourgeois Tim Hall, cloué chez lui, au Portugal, pendant des semaines, a enfin pu rejouer au football, dimanche.
Tim Hall n’avait plus joué le moindre match en club depuis le 14 mars dernier avec le Karpaty Lviv. Soit neuf mois interrompus par plusieurs drames qui lui ont plombé le moral avant qu’un invraisemblable retournement de situation ne lui offre, dimanche soir, ses premiers pas en Liga Nos contre le grand Benfica. Cela méritait bien une interview…
Ce retour au jeu, avec une seule apparition en sélection contre le Liechtenstein en 281 jours de vide intersidéral, est-il la fin d’un long cauchemar ?
Tim Hall : Il s’est passé énormément de choses entre mon dernier match de club, en Ukraine, et mon retour de ce dimanche. (Il hésite) Oui, il s’est passé beaucoup, beaucoup, beaucoup de choses… Je ne sais pas si je suis passé de l’enfer au paradis, mais si tu racontes mon histoire des neuf derniers mois à quelqu’un, c’est un truc de malade.
Si vous devez tenir le listing de tous les soucis que vous avez rencontrés, vous commenceriez par où ?
Bah, comme vous le savez, par les nombreux salaires impayés au On se disait tous « mais c’est de la rigolade, faut arrêter avec le coronavirus! » (NDLR : qui l’ont amené, lui et Marvin Martins, à résilier leur contrat) et je suis encore en train d’essayer de récupérer au moins une partie de ce qu’on me doit. Et puis une fois que j’ai signé ici, à Gil Vicente, c’est le coronavirus qui a commencé à m’embêter. Je reviens de sélection et je suis testé positif. Je reprends deux semaines, je repars en sélection et quand je reviens, je suis de nouveau positif. Au moment où je reprends… on change de coach (NDLR : Rui Almeida a effectivement quitté le club) et j’apprends que le directeur sportif, qui m’appréciait énormément, est… décédé ! C’était un grand pote de notre entraîneur des gardiens en sélection, Rui Duarte, à qui il remontait de bonnes informations à mon sujet. Il croyait en moi. Inutile de vous dire que j’ai passé par des heures très difficiles et que je suis content d’avoir continué à croire en mes capacités, sans jamais baisser les bras. Je suis fier de moi.
Comment cela se passe-t-il avec Ricardo Soares, le nouvel entraîneur du club, qui est arrivé alors que vous galériez afin de remettre votre corps en ordre de bataille ?
Forcément, le staff m’a dit qu’on comptait sur moi, mais les joueurs étrangers et moi, on a vite remarqué qu’il ne parlait pas forcément le français ou l’anglais, que la communication était compliquée. J’étais souvent félicité, je captais souvent des mots d’encouragement en portugais à l’entraînement, mais je n’étais toujours pas dans le groupe. Alors j’ai continué à bosser, et là, tout récemment, le capitaine s’est retrouvé à son tour touché par le coronavirus. Pour recevoir Benfica, on n’était plus qu’à trois défenseurs centraux.
Et là, scénario parfait, pour vous en tout cas : le Brésilien Ygor Nogueira est expulsé.
Ygor, il aime bien les duels. Quand je l’ai vu prendre son premier carton jaune (NDLR : à la 39e minute), j’ai commencé à me dire « mets-toi déjà dans le match ». Et cinq minutes plus tard, il se fait expulser. Le coach m’a dit « Tim, c’est à toi », sans même attendre la pause alors qu’on jouait les arrêts de jeu.
Comment jugez-vous les conditions de ce retour ? Merveilleuses ou terribles ?
Je crois que je ne me suis jamais retrouvé devant un défi aussi compliqué. Pour mon premier match depuis neuf mois, je me retrouve dans une équipe qui joue à dix contre l’équipe la plus forte du Portugal, alors que tu sais que tu ne vas faire que défendre et que le coach, jusqu’à présent, ne t’a pas fait vraiment confiance. Pourtant, nous avons sorti une super deuxième mi-temps. C’est nous qui méritions de gagner. On fait deux barres, moi-même, je mets une tête pas loin du poteau en fin de match et eux ne produisent rien que leurs deux buts. Et encore, l’un d’eux, c’est un but contre son camp…
On se disait tous « mais c’est de la rigolade, faut arrêter avec le coronavirus ! »
Vous nous racontez votre « période coronavirus » ?
La première fois, aucun symptôme. La première fois, je crois que comme chacun de mes douze autres coéquipiers testés positifs, c’était un faux. On se disait tous « mais c’est de la rigolade, faut arrêter avec le coronavirus! ». Et puis on se disait aussi que c’était impossible d’être testé positif deux fois. Et voilà que je repars en sélection, que j’y subis plein de tests qui sont, comme la première fois, tous négatifs et dès que je reviens… positif ! Une histoire incroyable. Sauf que là, cette fois, j’ai été bien malade et ça a duré cinq jours. Et après deux semaines seul à la maison, j’étais toujours positif ! Quand au bout d’un mois, on vous dit enfin que vous êtes redevenu négatif, c’est un sacré soulagement : sur les deux périodes, je venais de passer un mois et demi seul à la maison, avec des coéquipiers qui, de temps en temps, venaient m’apporter à manger et même certains membres du club qui faisaient les courses pour moi. C’était à devenir dingue.
Comment votre corps a-t-il réagi ?
La première fois que j’ai fait du vélo, j’ai dû m’arrêter au bout d’un quart d’heure. J’étais mort, je n’avais plus de souffle. J’ai dû appeler le préparateur physique pour m’excuser. Et on y est allé progressivement.
L’avantage, c’est que maintenant, avec un coéquipier qui revient de maladie et un autre suspendu, vous allez pouvoir enchaîner, non ?
Eh bien là, mercredi (NDLR : demain), on jouera en Coupe (NDLR : contre Leiria), donc je pense qu’Ygor pourra jouer. Le week-end prochain (NDLR : à Famalicao) pas, par contre. Mais notre capitaine revient. Donc on devrait de nouveau être quatre pour deux places en semaine et trois pour deux places le week-end. Tout dépend du coach, c’est entre ses mains. Après, contre Benfica, je n’ai pas vraiment pu jouer sur mes qualités de relance. On a fait beaucoup d’alignement, de surveillance sur les ballons longs et des appels. Même si ce que j’ai fait a été correct, les fois où on avait le ballon, on devait surtout jouer vite vers les ailiers.
Votre staff va de toute façon devoir entrer dans une forme de gestion : vous ne coupez pas pendant les fêtes, vous jouez encore le 27 décembre et le 3 janvier…
Effectivement : on n’aura pas de jours de congé. Et le programme est assez costaud. C’est compliqué. Tous les joueurs, surtout les étrangers, aimeraient rentrer passer les fêtes avec leur famille, mais c’est notre métier, on l’a choisi. Mais bon, déjà que toute l’année on est seuls… Ma copine arrive demain (NDLR : aujourd’hui). On va passer les fêtes ensemble, mais on ne va pas faire beaucoup de choses : les restaurants ferment à 23 h en semaine et tout est bouclé dès 13 h les week-ends, alors…
Après cette année 2020 quasiment vierge, que faut-il vous souhaiter ?
Que cette pandémie s’arrête et que je parvienne à enchaîner parce que je suis venu pour jouer. On ne sait pas encore si on sera vaccinés, mais en même temps, moi, je dois être immunisé au moins trois mois non? Si j’attrape le Covid une troisième fois, ce sera vraiment une blague !
Entretien avec Julien Mollereau