Ce soir (18h), au 1er tour du Luxembourg Open, l’Eschoise défie Varvara Gracheva. Sa dernière apparition à Kockelscheuer? Ses proches veulent y croire.
Quand Mandy Minella fera-t-elle définitivement ses adieux à Kockelscheuer? Personne ne le sait avec certitude. Bien sûr, dans l’absolu, le plus tard possible serait le mieux. Dimanche donc. Tombeuse de Belinda Bencic (12e mondiale), tête de série n° 1 et championne olympique, en demi-finale, elle écarterait de sa route Elise Bertens (16e) pour s’emparer de son deuxième titre sur le circuit WTA après celui de Bol (2016). Elle poserait fièrement avec ses filles, Emma et Maya, embrasserait Tim Sommer, son entraîneur de mari, puis quitterait le court sous un tonnerre d’applaudissements et un torrent de larmes. Idyllique, ce scénario est tout de même peu probable. Mais, ce soir, face à Varvara Gracheva (81e WTA), l’Eschoise a, non seulement le droit, mais le devoir de croire en l’impossible. De continuer encore à rêver. Comme en 2001, où elle fit ici même ses premiers pas sur le circuit professionnel lors des qualifications d’un tournoi appelé alors Seat Open. C’était il y a tout juste 20 ans. Du haut de ses quinze ans, elle s’était vue renvoyer à ses études, avec en poche une «bourse» de 200 dollars, par Tatiana Pisnik (6-2, 6-1), de cinq ans son aînée mais alors déjà 82e mondiale. Soit, à en croire la hiérarchie WTA qui ne va pas au-delà du dix millième rang, 9 917 places de mieux…
Depuis, Mandy Minella en a gravi des échelons. Déterminée, elle a pu compter sur l’indéfectible soutien de ses proches. Et notamment de ses parents, Mario et Anna. La petite Maya dans les bras, la maman ouvre la boîte à souvenirs : «On a vécu de très bons moments, mais tout n’a pas toujours été rose.» Chez les Minella, le ciel s’est d’abord gorgée de perles de pluie. «À 14 ans, elle nous dit « je veux devenir professionnelle ». Sur le moment, j’ai cru que je tombais de ma chaise… Mon mari et moi, nous sommes des travailleurs, pour le tennis c’était quand même un peu réservé aux riches. Et puis, Fabien Verougstraete, son entraîneur de l’époque, n’arrête pas de nous dire et répéter : « Mandy a quelque chose… Elle peut aller loin! » Nous, qu’est-ce qu’on y connaissait au tennis? Rien. Alors, on lui a fait confiance. On a consenti aux efforts financiers nécessaires et elle est partie rejoindre l’académie Bob Brett, à Paris. Pour moi, la voir partir à 14 ans et demi, c’était la fin du monde…» Un monde qui faillit s’écrouler dès le premier jour. «Elle est tombée dans une famille d’accueil où, comment dire? C’était une catastrophe… Elle n’y est restée qu’un jour! Puis, elle a rejoint des Néo-Zélandais dont les deux filles étaient aussi à l’académie. Avec Audrey Bergot, elles étaient quatre. Mandy y est restée trois ou quatre ans…»
Nous, qu’est-ce qu’on y connaissait au tennis? Rien
Très vite, l’Eschoise est appelée à bourlinguer. Dans ses valises, elle fait alors très souvent une petite place pour papa et maman. Rarement les deux en même temps. «On n’avait pas les moyens, et puis on avait aussi notre travail», rappelle cette ancienne gérante de magasin de prêt-à-porter. Le monde, Mandy Minella l’a sillonné au gré des tournois. «Sans elle, je n’aurais jamais eu l’occasion de partir deux fois en Australie. C’est quand même extraordinaire», confie celle qui, au-delà de ses pérégrinations, souligne des rencontres assez fortes : «J’étais très copine avec la maman de Kim Clijsters et de Kirsten Flipkens. Elles étaient adorables. À chaque fois qu’on se voyait à Kockelscheuer, on prenait le temps d’aller se boire un petit café. De papoter un peu…» Quant à ce que lui inspire le parcours de sa fille, Anna Minella a cette formule : «Tout le monde ne peut pas être n° 1 ou 2 mondiale. Ni même top 50. Mais tout le monde ne peut pas se vanter d’avoir eu sa carrière…»
Une carrière bâtie sur une «vraie force de caractère». De quoi se remémorer cette confidence faite par «Minoulle» en 2012, au moment même où Claudine Schaul décidait de raccrocher : «Tennistiquement, Claudine était plus douée que moi.» Sur le moment, l’Eschoise paraissait presque gênée. Gênée de voir sa copine raccrocher à seulement 29 ans. «Peut-être que Claudine était un peu au-dessus, mais le talent, seul, ne suffit pas à réussir. Et puis, du talent, Mandy en a aussi», rappelle son amie et capitaine de Fed Cup, Anne Kremer.
Kremer loue «sa persévérance et sa ténacité»
Du haut de ses 46 ans, dont vingt-deux sur le circuit WTA, l’ex-18e joueuse mondiale (2002) loue «sa persévérance et sa ténacité». De sa part, le compliment prend une tout autre dimension. «Mandy a fait une belle carrière. Et ses meilleurs résultats, elle les a obtenus en seconde partie de carrière.» Ainsi, elle attendra dix ans avant d’intégrer le top 100 mondial et d’atteindre le sommet de sa carrière dans la hiérarchie mondiale. Le 17 septembre 2012, elle s’installe à la 66e place mondiale, après son superbe parcours du côté de Flushing Meadows où elle se hissa en 32e de finale de l’US Open. Un stade où, deux ans plus tôt, elle se hissa déjà après s’être extirpée des qualifications : «Jusque-là, avec son père, on n’avait pas regardé ses matches. On était tellement stressés qu’on partait marcher au Galgenbierg. Mais ce 3e tour, on ne pouvait pas ne pas le regarder. En face, c’était quand même Venus Williams…»
Ce soir, Anna ne sera pas à Kockelscheuer. «Je reste à la maison, je garde la petite», confie cette grand-mère au cœur tendre. «Ce sera dur (NDLR : contre Gracheva) mais il faut y croire.» Parviendra-t-elle enfin à franchir ce premier obstacle d’un tournoi qui ne lui aura jamais souri? Ni à elle ni à aucune de ses compatriotes? «Je l’espère, déclare Danielle Maas. Elle sera peut-être moins crispée. Si c’est le cas, si elle parvient à lâcher ses coups, elle peut faire de très belles choses.» Jeudi, sur le coup de 17 h 30, une «petite surprise» est d’ores et déjà prévue en l’honneur de Mandy Minella. «Enfin, si elle gagne ce mardi, on la reportera. À quand? Je ne sais pas…» Le plus tard possible serait le mieux. Tant pour le symbole que pour l’atmosphère. «C’est toujours avec un grand plaisir que je lui donne des billets gratuits, car ses supporters savent mettre l’ambiance!» Rendez-vous à 18h…
Kremer toujours capitaine de Fed Cup?
Dans l’interview parue dans notre édition de lundi, Mandy Minella évoquait la possibilité d’étendre encore un peu sa carrière sur le circuit professionnel. Jusqu’en avril, voire, si son classement le lui permet, jusqu’à Roland-Garros. Dès lors, serait-elle disposée à disputer la Fed Cup au printemps prochain? Mystère. Tout comme la présence dans le rôle de capitaine d’Anne Kremer. «Je ne sais pas… Pour l’instant, je réfléchis. On en discutera avec la fédération en octobre.»
Charles Michel