Depuis une dizaine de jours, nos voisins français ne parlent que de ça : ces joueurs qui ont été interpellés dans le cadre d’une enquête sur des matches arrangés. Et chez nous, cela est-il possible ?
Samedi dernier, la chaîne TF1 parlait tennis dans la grand-messe qu’est son journal de 20 h. Ce dernier, qui est le plus regardé d’Europe, évoquait le scandale dont tout le monde parle de l’autre côté de la frontière : celui des matches truqués. Une problématique qui n’est guère nouvelle, cela fait plus de dix ans qu’il revient de temps en temps à la charge dans les médias. Un peu plus tôt dans la semaine, il avait d’ailleurs été annoncé qu’en Espagne… 83 personnes avaient été arrêtées, dont 28 joueurs professionnels. Et il se chuchotait même que l’un d’eux aurait pris part au dernier US Open. Mais forcément, quand ce sont des joueurs de votre pays qui sont impliqués, la dimension change. Et c’était le cas cette fois en France avec les gardes à vue de quatre Hexagonaux : Mick Lescure, Jules Okala, Yannick Thivant et Jérôme Inzerillo. Et les aveux fournis par le premier joueur cité (si on en croit le journal L’Équipe).
À la base de tout ça se trouve une enquête bien plus vaste sur un réseau de corruption au centre duquel on retrouverait un Belge d’origine arménienne nommé Grigor Sargsyan, surnommé «Maestro» et incarcéré depuis l’été 2018 du côté de Bruges pour divers chefs d’accusation dont corruption, blanchiment d’argent… Ce qui n’empêche pas ce Sargsyan d’être considéré comme le grand maître du «match fixing» (comprenez le trucage de matches). C’est à ses avances que Lescure aurait répondu. Un Lescure qui aurait dépeint la semaine dernière aux enquêteurs un univers gangrené par la corruption.
Les petits tournois objets de spéculations
Pour en revenir à TF1, la chaîne française avait centré son reportage sur Bressuire, du nom de ce petit village des Deux-Sèvres où était organisé cette semaine-là le tournoi Futures (15 000 dollars) où étaient inscrits certains des joueurs mis en garde à vue. Et dans ce reportage, on voyait un autre joueur montrer les messages reçus par sa copine après son élimination dans ce tournoi. On y parlait de lui «casser les jambes et la tête» à cause de sa défaite. Et ce n’était pas vraiment la première fois, des parieurs mécontents se défoulant souvent ainsi. Le joueur en question est le Belge Yannick Mertens, âgé de 31 ans, classé 522e mondial et, accessoirement, affilié chez nous au club de Howald.
D’où cette question : qu’en est-il au Grand-Duché? Vu le nombre de Luxembourgeois(es) évoluant sur les différents circuits pros, il n’y a qu’un nombre minime de joueurs et joueuses susceptibles d’être touchés. Un nombre qui se réduit encore comme une peau de chagrin quand on prend connaissance du fait que c’est avant tout le tennis masculin qui est touché. Mais aussi quand on connaît les profils de ceux qu’on essaie d’influencer pour tronquer un jeu, un set ou un match. À savoir de jeunes garçons plutôt esseulés et assez influençables. Ou des joueurs bien plus aguerris mais qui, à un âge plus avancé, commencent à se rendre compte qu’ils ne parviendront pas à percer et sont encore obligés de prendre part aux compétitions de seconde, voire de troisième zone.
Ugo Nastasi avait été approché en Turquie
À notre connaissance, le seul Luxembourgeois ayant été approché pour fausser une rencontre, c’est Ugo Nastasi. Comme il l’avait déjà raconté dans ces colonnes (et chez nos confrères de L’essentiel la semaine dernière), le natif de Thionville qui a évolué sur le circuit pro de 2012 à 2015 a été approché une fois pour perdre son match. «Sur un Futures disputé en Turquie», se souvient-il. «Un Italien est venu me voir quelque chose comme 15 minutes avant le début de mon match pour me proposer 1 500 euros pour laisser filer le match. J’avais refusé. Mais cet épisode ne m’avait pas aidé. Je m’étais senti offusqué. Et inconsciemment, ça m’avait déstabilisé. J’avais perdu du genre 7-6 au dernier set alors que j’étais favori… C’était la première (et seule) fois que ça m’est arrivé. Et ça m’avait tellement énervé que j’étais parti sur-le-champ. Je n’avais pas eu le réflexe d’en faire part aux personnes adéquates. J’espère qu’il en va différemment aujourd’hui chez les joueurs actifs. Mais on entendait peu parler de ces choses-là à cette époque…» Et celui qui est aujourd’hui âgé de 25 ans d’ajouter : «Je pense avoir arrêté au bon moment. Car j’ai l’impression que tout ça a pris beaucoup plus d’ampleur à partir de 2015…» Avant de conclure : «Pour essayer d’enrayer tout ça, il faut arrêter de laisser parier les gens sur des tournois comme ceux-là.» Effectivement…
Julien Carette
Muller : « quand on voit certains noms… »
Le récent retraité et nouveau capitaine de Coupe Davis (lire en page 28) Gilles Muller glisse «n’avoir jamais été approché. Ni même menacé. À ce dernier niveau, le fait que j’ai été que très peu de temps présent sur les réseaux sociaux a sans doute joué.»
Et concernant cette nouvelle affaire de matches truqués? «C’est le genre de chose dont on parle entre joueurs. On sait que certains sont approchés pour jeter un match ou faire un score bien précis. Si on écoute certaines rumeurs, cela arrive même sur le grand circuit, avec des joueurs ayant évolué dans le top 100. Et parfois, quand tu entends certains noms, tu te dis que ce n’est peut-être pas faux…»