À Santiago, théâtre d’une rencontre historique face au Chili dans le groupe I mondial, Louis Van Herck, qui honore sa toute première sélection après une trajectoire atypique, nage en plein bonheur.
Après la Colombie en février 2024, puis la Nouvelle-Zélande en septembre de la même année, le capitaine Gilles Muller et sa joyeuse petite bande ont de nouveau pris un vol long-courrier, à destination du Chili cette fois. C’est là-bas, à des milliers de kilomètres du Grand-Duché, que l’équipe nationale dispute, ce week-end, le premier rendez-vous de son histoire dans le groupe I mondial de la Coupe Davis sur la terre battue de Santiago face au favori chilien (17e au ranking mondial, contre 41e pour le Luxembourg). Sans son fer de lance, Chris Rodesch, ni le vétéran Gilles Kremer, blessés. Mais avec deux nouveaux venus, dont Louis Van Herck (26 ans, 1 293e au classement ATP), qui vit un rêve éveillé. Rencontre.
Vous honorez votre première sélection. Qu’est-ce que cela vous procure ?
Louis Van Herck : Je suis dans une bulle de plaisir. C’est quelque chose de vraiment magnifique ! Si l’on se réfère à mon parcours, il n’aurait pas dû me mener ici. Mais mon aventure a fait que j’en suis là. Et moi, je prends tout ce qui m’arrive de bien avec la volonté de faire au mieux. En fait, c’est une récompense pour le travail et l’investissement que je fournis. C’est peut-être même la plus belle des récompenses.
Vous parlez d’un parcours compliqué. Vous nous racontez ?
De 15 à 17 ans, je n’ai pas touché une raquette à cause de trois grosses opérations. Il s’agit d’une période très importante pour le développement d’un joueur, alors le fait de ne pas pouvoir jouer, ça fait très mal. Quand tu reprends à 17 ans et que tous les garçons de ta génération ont travaillé pendant deux ans tandis que toi, non, c’est compliqué. J’ai rejoué un an avant de partir étudier à Bruxelles pendant six ans. Durant cette période, je ne m’entraînais pas non plus. Disons que sur les dix dernières années, il y a eu huit ans où je n’ai pas joué au tennis, en tout cas pour le plus haut niveau.
Après avoir obtenu mon diplôme, j’ai repris sans me fixer de réels objectifs chiffrés, car cela ne dépend pas de moi, mais en me disant « t’as fait six ans d’études, ta récompense maintenant c’est de te faire plaisir en jouant au tennis », chose que je n’avais pas pu faire pendant des années. Cela fait désormais un an et demi que je me suis lancé à fond avec mes petits moyens : les interclubs que je dispute dans plusieurs pays me permettent de me payer mon aventure sur le circuit sans devoir demander trop d’argent à mes parents. Et à force de travail, me voilà sélectionné en Coupe Davis. Ce n’est pas inespéré, mais au vu de mon parcours, c’est magnifique.
Quelles sont les causes de vos trois opérations évoquées précédemment ?
Elles sont dues à des excroissances osseuses, deux fois à la main et une fois au pied. Si tu n’es pas sportif de haut niveau, tu peux vivre avec. Mais dans mon cas, avec les chocs, la raquette et ma poussée lorsque j’avais 15 ans et que je jouais au tennis à fond, c’était impossible. J’ai dû me faire opérer, d’ailleurs j’ai toujours de petites séquelles sur ma main et je joue avec une broche en métal.
De 15 à 17 ans, je n’ai pas touché une raquette
Cette sélection, c’est la récompense d’un bel été durant lequel vous avez enchaîné de bons résultats…
J’ai fait un très bel été. Et même, globalement, depuis un an, j’ai pris sept points ATP en simple et une soixantaine en double. Dans cet exercice, j’ai gagné trois titres avec mon meilleur ami (NDLR : l’Allemand Marlon Vankan) : un en Floride, un autre en Allemagne et le dernier en Slovénie. Il y a un an et demi, je me disais que je ne décrocherais peut-être jamais un seul point. Et aujourd’hui, être à ce niveau et faire des résultats, en plus avec mon meilleur pote, c’est un rêve. Pour certains, peut-être que ces résultats, ce n’est pas grand-chose, mais si on m’avait dit que j’en serais là il y a un an et demi, j’aurais été le plus heureux du monde. Et aujourd’hui, ce que je ressens, c’est que je peux aller chercher encore beaucoup plus. Je sens que j’ai une marge de progression et c’est ce qui me motive.
Les titres que vous avez remportés l’ont été sur terre battue. Il s’agit de votre surface de prédilection ?
En fait, en Belgique et au Luxembourg, il y a très peu de terrains en dur en extérieur, voire pas du tout, et donc la formation se fait majoritairement sur terre battue. On apprend à jouer sur cette surface dès notre plus jeune âge. Et moi qui ai eu peu de formation après mes 15 ans, je n’ai connu que la terre. Donc, c’est la surface où je me sens le plus confortable, même si mon jeu peut se prêter au dur, surtout en indoor. Mais il faut que je continue de travailler pour davantage m’adapter.
Le double, c’est une discipline que vous appréciez ?
J’adore jouer en double. Je suis un grand fan de sport, notamment de sports collectifs. J’ai fait neuf ans de basket quand j’étais plus jeune. J’aime beaucoup le fait de partager un moment sur le terrain avec quelqu’un. Et en plus de me plaire, je pense que je me débrouille bien dans cet exercice. Et puis, partager cela avec mon meilleur ami, c’est un rêve.
Le partage, c’est pile l’esprit Coupe Davis. Avec un groupe que vous connaissez ?
Avec Aaron (Gil Garcia), Alex (Knaff) et Raphaël (Calzi), on se connaît depuis longtemps. Par exemple, Alex, je pense que l’on se connaît depuis l’époque du mini-tennis, c’est-à-dire depuis nos cinq ans. Cela a facilité mon intégration. Metti (Reiter) est plus jeune, il a toujours été dans le paysage, mais on ne se connaissait pas personnellement. J’apprends à le découvrir ici.
Nous ne sommes pas favoris, mais nous avons des atouts
Sur le papier, vous êtes outsiders. L’idée est de titiller les Chiliens devant leur public ?
On est la petite équipe du Luxembourg. Qui arrive au Chili et qui va se battre seule contre tous, c’est chouette. Nous ne sommes pas favoris, mais nous avons des atouts. Alex est en très grande forme en premier joueur, Raph est top en double, et puis, Aaron est capable de tout, surtout en simple. Et donc, moi je viens me greffer à ça. On n’a rien à perdre. C’est la rencontre au plus haut niveau dans l’histoire du Luxembourg. Pour moi, c’est spécial pour une première sélection (il sourit). Mais on va y aller pour tout laisser sur le terrain, faire de notre mieux, prendre du plaisir ensemble et se battre pour obtenir le meilleur résultat possible.
Cela fait près d’une semaine que vous êtes arrivés sur place. Avez-vous pu prendre vos repères ?
On a eu l’occasion de s’entraîner sur le court central pour prendre nos marques. D’ailleurs, il est magnifique. On alterne avec les Chiliens. Et certaines autres séances se déroulent sur les terrains annexes.
Et au niveau des conditions ?
On ne ressent pas l’altitude, je dirais que ce sont des conditions assez classiques. Autour, il y a la cordillère des Andes, c’est magnifique. J’en ai parlé avec Till Salme (NDLR : l’entraîneur) et je me disais que nous avions énormément de chance. Il faut en profiter.