Trois jours après sa première victoire en tournoi à Sydney, Gilles Muller a remporté un 1er tour qui avait tout du match piège face à la jeune promesse américaine de 19 ans, Taylor Fritz (ATP 93). Mais il n’est apparemment pas simple de se concentrer sur son tennis quand tout le monde vous félicite pour votre premier succès sur le circuit.
Comme l’expliquait après coup son entraîneur, Alex Lisiecki, la rencontre qui opposait «Mulles» au jeune Ricain était «le match piège par excellence. En raison de la décompression plutôt logique après la victoire de Gilles à Sydney samedi, mais aussi du style de jeu de Fritz (qui sert bien, reste calme et frappe très fort)». Le succès du Leudelangeois en 3 sets 7-6 (8-6), 7-6 (7-5), 6-3 n’en est donc que plus beau.
On s’attendait à une bataille de serveurs entre Taylor Fritz et vous et on n’a pas été déçu sur ce plan-là…
Gilles Muller : Oui, je m’y attendais aussi. Mon adversaire sert bien et frappe fort du fond du court. Avec la chaleur qu’il faisait (NDLR : 38°C dans l’air, soit plus de 40°C sur le terrain en béton), les balles avaient tendance à « voler » un peu partout. Dans l’ensemble, il faut avouer que le niveau de jeu n’était pas très élevé.
Qu’est-ce qui a fait la différence au final ? La confiance que vous avez emmagasinée ces derniers jours et la bonne dose d’expérience que vous possédez en plus par rapport à Taylor Fritz ?
Peut-être bien, oui. Dans les tie-breaks notamment, où j’ai réussi quelques beaux points à la volée. En début de partie, je me suis un peu inquiété lorsque j’ai vu que je n’arrivais pas à remettre la balle dans le terrain. Comme je l’ai déjà dit, celle-ci « volait » littéralement. C’est dangereux comme situation car si cela vous prend la tête, vous pouvez vite perdre le rythme. Cela n’a pas été mon cas ici. J’ai décidé de continuer à frapper, même si cela sortait. C’est comme ça que j’ai réussi le break dans le troisième set.
Vous remportez les deux premières manches au jeu décisif. Vous avez remporté tous les tiebreak que vous avez joués depuis l’entame de la saison, soit cinq tout de même. Cela montre la confiance qui vous anime en ce moment…
Je ne connaissais pas cette stat. J’ai toujours été plutôt bon dans ces moments-là, mais c’est vrai qu’à l’heure actuelle, je parviens à rester calme et à effectuer les bons choix.
Physiquement, comme allez-vous ?
J’ai souffert ce mardi, avec la chaleur. Ce n’était pas très agréable. Heureusement, il n’y a pas eu beaucoup d’échanges, de rallyes, durant cette partie. Cela a aidé. Là, je vous avoue que je suis très fatigué et que je n’ai qu’une envie : aller dormir !
Vous ressentez fort les effets de votre longue semaine à Sydney ou bien le fait de l’avoir emporté là-bas fait qu’on se sent un peu moins éprouvé ?
On va dire que cela me donne peut-être un peu plus de jus. Mais il ne faut pas oublier que pour remporter ce tournoi, j’ai enchaîné cinq matches en cinq jours… Cela se paie quand même. Et si je n’ai rien fait dimanche, j’ai tout de même dû voyager pour rejoindre Melbourne. Mon corps n’a donc guère pu se reposer. Enfin, on est en Grand Chelem, les rendez-vous que tout tennisman veut disputer. Il faut donc bien faire. Et je sais qu’après je pourrai prendre quelques jours pour me reposer.
Cela n’a pas été trop compliqué de se replonger dans le tennis en ce début de semaine ?
Cela n’a pas été simple. Surtout mentalement. J’essaie d’oublier les événements du week-end dernier pour me concentrer sur le présent et l’Open d’Australie. Mais ce n’est pas si évident quand on reçoit de nombreux messages de félicitations. J’ai pu voir que j’avais touché beaucoup de monde en remportant ce premier tournoi. Ici, comme au Luxembourg.
Avez-vous été félicité par les grands noms du circuit ?
Je n’ai pas trop envie de parler de tout ça pour le moment. Mais je peux tout de même vous dire que Boris Becker m’a pris dans ses bras pour me dire qu’il était content pour moi. J’avoue que je ne m’y attendais pas. Pour le reste, il y a 128 joueurs de simples cette semaine à Sydney (NDLR : et autant de joueuses), plus ceux qui sont là pour les doubles. Cela fait beaucoup de gens qui peuvent m’en parler. D’un côté, c’est très sympa forcément de voir tous ces gestes de sympathie. De l’autre, comme je vous l’ai dit, de mon côté, j’essaie de ne plus trop y penser pour garder mon attention sur ce Grand Chelem. Mais dans ces conditions, c’est compliqué…
Et vous avez reçu beaucoup de messages du Luxembourg ?
De la part de proches et de copains, oui. Je n’ai pas eu le temps de répondre à tout le monde. D’ailleurs, j’en profite pour m’excuser auprès d’eux par voie de presse (il sourit). Si je peux, je prendrai du temps après Melbourne pour le faire.
Parlons de votre deuxième tour face à Milos Raonic, le 3e joueur mondial. Vous menez 2-0 face à lui dans vos confrontations directes. Mais elles datent de 2011 et 2012. Et ce n’est plus le même joueur aujourd’hui…
C’est exactement ça. Il a beaucoup progressé comme tout le monde a pu le voir. En plus, la première fois qu’on s’est croisés (Wimbledon 2011), il a dû abandonner sur blessure. Aujourd’hui, c’est un garçon qui va régulièrement en quarts, demies ou finale de Grand Chelem. Mais cela me fait plaisir de croiser un tel joueur dès le début de cette saison. Cela va me permettre de me jauger.
On peut s’attendre à une nouvelle bataille de serveurs…
Cela risque d’aller vite, effectivement. Sans doute pas aussi vite que ce mardi, car on annonce une chute des températures. Mais il devrait tout de même faire un bon 20°C.
Entretien avec Julien Carette