Romain Schumacher, président du F91, nous a expliqué les raisons du limogeage de Sébastien Grandjean après son interview dans nos colonnes. En cause : ses critiques envers les bénévoles du club. Le bénévolat, au F91 comme dans n’importe quel club au Grand-Duché, c’est une valeur à laquelle on ne touche pas. Les ressources humaines sont assez sacrées en tout cas pour que le F91 ait choisi de se priver d’une occasion d’enfin conserver une ligne directrice en matière de politique sportive.
Le Quotidien : Pour quelle(s) phrase(s) Sébastien Grandjean a-t-il été remercié ?
Romain Schumacher : Le plus important pour moi, c’est de dire que s’il y a un problème dans un club, on le règle en famille. On se met à table, on en discute, mais on ne va pas dans la presse.
Quelle(s) phrase(s), donc?
Ce que je n’ai pas accepté, c’est qu’on critique mes bénévoles en public.
Donc la charge sur l’amateurisme des responsables du remplissage de la feuille de match?
Sur le fond, il a raison. Il a même raison à 200 %. Mais sur la forme, il a tort. En plus, son interview est quand même dure et donnée sous le coup de la déception d’une saison qui n’est pas brillante. J’ai énormément de respect pour lui et même, je l’aime bien en tant que personne. Mais je n’ai pas pu accepter ces critiques à destination de l’extérieur du club, car mes bénévoles auraient fini, eux, par partir. Il a choisi le mauvais canal pour s’exprimer.
Ils vous l’ont dit? C’était Grandjean ou eux?
Non, ils ne me l’ont pas dit, mais je l’ai senti. Mais je le répète : je ne fais pas un reproche définitif à Sébastien Grandjean car il a raison. Un de vos confrères journalistes est même venu me parler d’amateurisme concernant le problème survenu au Fola avec notre feuille de match. Mais nous SOMMES des amateurs! Alors qu’après, on vienne me demander comment font les petits clubs de divisions inférieures qui, eux, remplissent bien leurs feuilles de match, je veux bien, mais moi, je gère une société, une PMI avec un budget de 2 ou 3 millions. Les autres sont tout autant amateurs, mais ne gèrent pas la même chose.
Vous avez donc opté pour la défense de la matière première du club : les bénévoles, les amateurs, sans qui les clubs luxembourgeois n’existent pas.
J’étais en face d’un mur et j’ai choisi de protéger mes collaborateurs. Nos bénévoles, je vois combien ils s’investissent, combien ils travaillent. Je vois les fans qui respectent ça même si, d’accord, quand on voit les erreurs récentes, le contexte, l’amateurisme, ce n’est plus tout a fait indiqué. Mais j’ai ma responsabilité. Nous devons aussi sécuriser leur travail, éviter les fautes, les maladresses. Et la situation est particulière : nos joueurs touchent un salaire et leur entourage, pas un sou. Ces soucis, un club pro ne les a pas, puisqu’il compte des employés à temps plein. Peut-être devrions-nous aussi y venir. Il y a 17 000 chômeurs au Luxembourg, peut-être avons-nous des carrières attrayantes à offrir dans les clubs. Peut-être qu’à la place de 30 joueurs, je peux me contenter de 28 pour libérer deux postes et former des employés. Le salaire minimum qualifié, dans notre pays, est bien en dessous de ce que touchent les joueurs au F91 ou même dans certains autres clubs. Là, on touche à nos limites.
L’importance de trouver enfin une stabilité dans la gestion de l’équipe ne vous a pas réfléchir et envisager un simple rappel à l’ordre pour Sébastien Grandjean?
Même si le sponsor, chez nous, est très fort, ces décisions sont prises au conseil d’administration. Et avant cette interview, nous étions partis du principe de le reconduire car le sponsor aimait la rigueur de Sébastien Grandjean. Mais j’ai dû l’avertir que je ne pouvais plus cautionner.
Le reconduire? Mais quand les rumeurs autour d’un éventuel remaniement sont arrivées autour du club, la semaine passée, vous nous avez rappelé qu’il jouissait d’un contrat de deux ans. Il y avait donc discussion?
Il était surtout question de le conforter, car justement, cela fusait de tous les côtés. Là, aujourd’hui, je suis malheureux parce que justement, la suite des événements, ce devait être de repartir sur une saison et d’enfin s’inscrire dans la continuité.
En même temps, vous avez raté beaucoup d’occasions de le faire ces dernières saisons, non? Et à chaque fois, il n’y a pas eu une interview pour légitimer le départ d’un coach…
Le problème, c’est que Grandjean est extrêmement compétent. Plus que nous tous au club. Tous ces coaches qui atterrissent au Grand-Duché en provenance de France ou de Belgique pensent qu’ils vont trouver la même chose que chez eux, or non : nous sommes amateurs et tant qu’on continuera à gérer nos clubs comme ça, nous aurons des problèmes.
Sébastien Grandjean explique, dans cette interview, ne pas avoir senti énormément de soutien dans le club.
Il cite même Flavio Becca comme son seul soutien. C’est opportuniste : moi aussi je le prendrais comme ami, Flavio, dans ces conditions. Ceci mis à part, vu son degré de professionnalisme, je comprends qu’il ne se soit pas senti soutenu.
Et ceux qu’il accuse de lui avoir savonné la planche?
Je pense que ça venait d’un ou deux endroits…
Franchement, le F91 n’est-il pas coupable de n’avoir pas été clair quant à Pascal Carzaniga, votre coach de la saison passée, encore sous contrat et trop souvent en tribunes ou proche du vestiaire au goût de Grandjean?
Moi, personnellement, je n’ai pas trop aimé non plus. Très tôt, je suis intervenu pour lui dire que je préférerais ne pas trop le voir…
Mais l’ambiguïté est restée.
Il n’était plus employé du club. Il avait seulement un contrat qui continuait à courir. Il recevait ses émoluments. Pascal a peut-être mal compris quelles étaient ses obligations à cet égard, mais sa présence était parfois d’une élégance toute relative. Je le lui ai dit, mais il a peut-être compris différemment. Sur ce point, je comprends Sébastien Grandjean. Mais ça reste un fait divers.
En attendant, Guy Hellers va finir la saison au poste de coach. Il est hors de question qu’il devienne plus qu’un simple intérim? Son travail à l’académie reste d’un intérêt supérieur?
En tout cas, il n’a pas crié : « Moi, moi, moi! » quand on a dû remplacer Sébastien Grandjean. Il a juste remarqué que la situation était problématique et il a simplement voulu aider son club. Il a son autre travail et il est plus important. D’ailleurs, il n’est pas demandeur.
Qui l’est encore vu le turnover au poste depuis six ans?
Les coaches internationaux, eux, sont habitués à un tel va-et-vient. Et je vais vous avouer que même ceux du Luxembourg font la queue pour nous rejoindre parce qu’ils partent du principe que ce sera moins pire qu’ailleurs. Mais je n’ai pas envie d’en parler. Je reste très affecté par ce qui vient de se passer. On est 24 heures après un événement que je ne m’imaginais pas vivre et j’étais serein. Plus maintenant.
Julien Mollereau
Grandjean viré, Hellers en intérim
Cette semaine aura été particulièrement agitée pour le F91. Après avoir perdu son titre contre le Fola, dimanche, le club dudelangeois a été confronté à une crise impensable : alors qu’il venait de confirmer son entraîneur, Sébastien Grandjean, pour la saison prochaine, une interview de ce dernier dans nos colonnes a provoqué une réunion du conseil d’administration du club qui a décidé de s’en séparer avec effet immédiat, mercredi. En cause : des propos qui rendaient la suite de la collaboration impossible, dixit le communiqué du club. Guy Hellers, en charge de l’académie, a accepté de prendre l’intérim jusqu’en fin de saison.