Holtz va-t-il commencer à préparer la relève aux buts, ce soir, contre la Suisse? Jonathan Joubert, qui a connu ce moment, en parle.
Jonathan Joubert, en 2016, a pris la porte de plein fouet. Intouchable depuis dix ans, il a été convoqué dans le bureau du sélectionneur, qui lui a annoncé que désormais Anthony Moris serait numéro 1. À l’époque, il avait préféré refuser de répondre à la convocation, invoquant qu’il ne pourrait pas s’installer dans la peau de la doublure, mais qu’il se tenait à disposition si d’aventure le Luxembourg avait besoin de lui «pour jouer». Cet épisode avait toutefois été marquant, dans le genre passage de témoin traumatisant. Le recordman de matches en DN était ainsi tout indiqué pour parler du futur duel Moris-Pereira pour les buts, qui se dessine de plus en plus nettement.
On ne sait pas encore vraiment ce qu’a voulu dire Luc Holtz en évoquant si ouvertement la fin de carrière d’Anthony Moris et en parlant de la nécessité de préparer l’avenir avec Tiago Pereira, mais cet instantané de conférence de presse a semé le trouble sur la passation des pouvoirs, qu’on attendait plus tard. Vous avez vécu cela et assez mal à l’époque. Vous nous aidez à y voir clair sur la portée de cette sortie ?
Jonathan Joubert : Je ne sais pas si à l’époque ou aujourd’hui, Luc Holtz a bien ou mal fait, mais je sais que ce sont deux cas très différents. Déjà, Antho et moi, on n’a pas été confronté à ça au même âge. Il a 34 ans, j’en avais 36. Je venais du monde amateur alors que lui venait de prendre un poste en D1 belge. Là, ce n’est pas la même chose : Moris reste hyper-performant. C’est bien de penser à l’avenir, mais il n’y a pas débat.
Cela veut-il dire que Tiago Pereira, selon vous, devrait encore patienter ?
Après, lui laisser du temps de jeu sur certains matches amicaux pour préparer la relève… Mais tant qu’il est, comme ça, au top de sa forme… Mais c’est bien de le faire progressivement. Le jeune, il joue quand même en Bundesliga. Ce n’est pas rien.
Dans le monde des gardiens, il ne faut penser qu’à soi. Je n’ai aucun problème avec l’égoïsme
Mais à vous entendre, l’expérience, c’est irremplaçable.
C’est bien beau de parler de l’âge, mais si tu es performant, tu es performant! S’il a 18 ans et qu’il est au-dessus de tout le monde, ben… Et comment peut-il gagner en expérience, si on ne le laisse pas jouer, le jeune? Mais l’expérience, oui… Antho et sa façon de communiquer rassurent la défense. Il est en pleine forme et il n’y a pas de débat. Mais on en revient à ce point : il y a un gamin qui pointe le bout de son nez et il faut lui donner quelques minutes. Mais en voyant comment le numéro 1 est prêt à l’accepter.
C’est dur à annoncer, ça, non ?
Ah, mais pour celui qui joue, il n’y a jamais de bonne façon de l’annoncer ! C’est bien pour ça qu’il faut le faire progressivement. Mais vu le nombre de résultats que nous avons faits grâce à Antho, c’est compliqué. Il n’y a rien à lui reprocher. Et s’il continue à faire des performances XXL comme contre la Suède, il lui est plus facile de justifier qu’il n’ait pas envie de laisser sa place.
C’est difficile à gérer, l’ego d’un gardien ?
Moi, je suis comme Anthony Moris : je préférais jouer chaque minute. Si tu peux ne laisser aucune chance à personne, ne jamais laisser la moindre occasion aux autres et ne penser qu’à toi, fais-le! Dans ce monde-là, il ne faut penser qu’à soi. C’est vrai dans le domaine du foot, mais encore plus chez les gardiens de but. Non, moi, je n’ai aucun problème avec l’égoïsme.