Les dix points historiques de la génération 1995 pourraient être effacés en cas de semaine à six points. L’un de ses membres, Jeff Saibene, actuel coach du RFCU, l’espère fort.
Le fameux record des 10 points sur une campagne a désormais plus d’un quart de siècle. Il est l’œuvre d’une équipe emmenée à l’époque, dans ces éliminatoires de l’Euro-1996, par Paul Philipp, au sein d’un groupe à six équipes, et non à cinq comme c’est le cas actuellement. L’exploit serait donc énorme pour Luc Holtz et ses gars, qui devront prendre au moins quatre points contre l’Azerbaïdjan et l’Irlande pour faire aussi bien, mais auront besoin de deux succès pour établir une nouvelle marque. Mais à bien écouter Jeff Saibene, ancien combattant de 1995, là n’est pas la question : l’actuelle génération a déjà creusé un trou gigantesque avec celle de ces glorieux aînés.
Les Roud Léiwen vont-ils rejoindre ou effacer votre record des dix points?
Jeff Saibene : Mais je pense qu’on ne peut pas comparer du tout! Je trouve qu’aujourd’hui, ils sont tellement plus forts qu’on ne l’était à l’époque! Selon moi, pas plus d’un ou deux joueurs de notre génération auraient eu leur place dans la sélection actuelle. J’ai écrit un message en ce sens à Luc Holtz encore tout récemment et il m’a envoyé un smiley qui rigolait. Mais ce n’est pas nouveau, lui et moi en avons souvent parlé et on est d’accord.
Quels sont ces un ou deux joueurs de 1995 qui auraient pu jouer dans la sélection actuelle?
En fait, je crois même qu’il n’y en a qu’un : Roby Langers. À cause de sa vitesse et parce que c’est peut-être le secteur où il y aurait la place. Mais à poste à peu près égal, tous les autres joueurs sont plus forts que nous l’étions, individuellement parlant. Et ce n’est pas parce qu’ils pourraient éventuellement ne pas faire dix points comme nous en 1995 que cela changera quelque chose. Nous, à l’époque, on avait quand même battu Malte deux fois et battu la République tchèque de façon très chanceuse.
Cela a longtemps été un critère de comparaison de dire que la génération actuelle possède des joueurs qui n’évoluent pas dans des clubs aussi bons que ceux qui accueillaient les pros de la génération 1995. Cet argument-là aussi, est mort et enterré, non?
Aussi, oui. Même en club, ils sont meilleurs que nous. Certains jouent même en Ligue des champions maintenant… Nous, on était quelques-uns à évoluer dans des clubs moyens alors qu’aujourd’hui, certains sont titulaires en Bundesliga, en D1 française, belge ou néerlendaise… Et puis surtout, quand ils reviennent en sélection, eux, ils jouent au foot en étant au même niveau que l’adversaire! Nous, on ne faisait que défendre.
On avait encore un libéro cinq mètres derrière la défense, deux gars au marquage des attaquants, c’était le football d’il y a cinquante ans, mais il y a vingt-cinq ans!
Vraiment?
On avait quand même un tout autre style. On avait encore un libéro cinq mètres derrière la défense, deux gars au marquage des attaquants, c’était le football d’il y a cinquante ans, mais il y a vingt-cinq ans! Moi, j’étais jeune, je n’avais pas l’impression qu’on jouait un vieux football mais un jour, après un match en Suisse, le coach adverse m’a dit « c’est fou que vous jouiez toujours comme ça, que ça existe encore« . Moi, je ne comprenais pas ce qu’il voulait dire. Maintenant que je suis entraîneur, si ! (il rit)
En quoi la différence est-elle la plus évidente? Physiquement, techniquement, tactiquement?
Mais… en tout. Ils sont mieux formés que nous, c’est tout. Et en plus, chaque week-end, ils jouent des matches de référence, sous pression. Vous avez vu la qualité de leurs jeunes quand ils arrivent? Moi, je ne crois pas que nous ayons jamais vu arriver, à notre époque, un jeune de la qualité d’un Yvandro Borges par exemple.
Avec quel joueur de la génération actuelle auriez-vous aimé jouer à vos côtés, en 1995?
Je les aime tous beaucoup, mais j’ai un petit faible pour Leandro Barreiro. Il n’a pas un physique extraordinaire mais il est toujours là, dans les seize mètres, avec sa mentalité extraordinaire, son agressivité… Attention, quand je m’écoute parler, j’ai peur de donner l’impression que tout était mauvais en 1995. Mais il fallait quand même des qualités et des personnalités pour inscrire 10 points, hein! Des gars comme Carlo Weis, qui dirigeait la manœuvre.
Et si « vos« 10 pts sont battus?
Alors je dirais qu’il était temps. Ils le mériteraient. À notre époque, tout le monde était déjà bien content quand on arrivait à expédier une frappe dans le match alors quand on voit ce qu’eux ils sont capables de faire… Oui, il est vraiment temps. Après… pour l’instant, c’est toujours nous les meilleurs. À eux de venir nous battre! Mais je dis ça avec le sourire…
Julien Mollereau