Seuls dix joueurs dans l’histoire des Roud Léiwen ont connu un tel trou d’air entre deux sélections que ce garçon parti milieu récupérateur en 2016 et revenu latéral gauche en 2021.
On est le 10 octobre 2016, la sélection arrache un nul mérité en infériorité numérique et… Éric Veiga, pourtant catalogué comme espoir en devenir souvent appelé en joueur de complément, ne remettra plus les pieds sur un terrain avec la sélection avant quatre ans, sept mois et vingt-trois jours. Même si personne n’est mieux au courant que lui de cette éternité, le chiffre lui file le vertige : «waouh, ça fait autant de jours ?»
Mais la mise au purgatoire, c’est fini. Veiga, parti en D2 lusitanienne à Vilafranquense avec l’objectif clairement avoué de reconquérir le cœur du sélectionneur, a terminé sa saison en concluant son plan drague sur une jolie réussite. Il aura enfin rejoué quelques minutes, contre la Norvège et Haaland. Si on lui avait dit ça en août dernier… «En fait, je m’attendais déjà à être rappelé en mars, sourit le joueur. Mais je n’avais pas encore assez de temps de jeu. J’ai perdu encore du temps mais finalement, c’était une chance car cela a coïncidé avec un changement de coach au club. Si j’étais parti à ce moment-là, peut-être n’aurais-je pas joué autant en fin de saison.»
Quand on a 24 ans et seulement 3 sélections au compteur réparties sur cinq ans, on a quand même appris quelques trucs. La patience et la résilience en font partie. «Chaque joueur suit son chemin. Moi, je me suis fait à l’idée qu’il serait plus compliqué que d’autres. Mais je ne voulais pas lâcher. Et quand je suis revenu à Lipperscheid, il y a quelques jours, certains m’ont dit « bienvenue de nouveau, content de te revoir ».»
Seuls 10 joueurs sur 550 ont fait pire
Il sait bien qu’il ne devrait pas dire ça, mais ce neveu de l’ancien directeur sportif du Benfica Lisbonne a trop ramé, entre Leverkusen, Braunschweig et Aves, pour ne pas se lâcher un peu : «Je pense que j’ai quand même fait le plus dur : rentrer de nouveau dans ce groupe.» Non, il ne voit pas ces quelques minutes arrachées comme un aboutissement mais comprenez-le… Pas loin de 550 joueurs ont parcouru la longue histoire des Roud Léiwen. Et au-delà de ceux qui ont été mis aux arrêts de rigueur en période de guerre mondiale, seulement dix, depuis le début du siècle dernier, ont connu un tel trou d’air entre deux sélections avec un record pour Paul Rouster, enfant du siècle, né en 1900 et qui sera lui resté onze ans et quatre mois entre deux capes, entre 1924 et 1936. Dans l’histoire récente, ils sont rares, les exemples de joueurs qui ont survécu à une période d’éloignement prolongé. Tom Schnell était resté 1 364 jours loin des Roud Léiwen, Kevin Malget 1 393, Sébastien Thill 1 257. Mais généralement, quand on part aussi longtemps, on ne revient pas. Le lien se distend, la force morale nécessaire aussi. Veiga, aujourd’hui, est surtout héroïque parce qu’il n’a pas lâché.
Il aurait eu des raisons de craquer pourtant. Aucune n’était suffisamment valable. La solitude de l’étranger ? «Oh vous savez, je suis parti depuis que j’ai 15 ans. J’ai l’habitude. Aujourd’hui, je suis à Lisbonne, ma famille au Luxembourg et ma copine… en Allemagne. Je laisse des choses un peu partout.» L’appel de cette DN qui aime bien rapatrier ses jeunes talents bien formés hors des frontières et qui ne parviennent pas à percer? «Non seulement je n’ai jamais été contacté mais, en plus, je ne l’ai moi-même jamais envisagé.»
«Dans ma cambre, j’essaye de le raisonner»
Alors qu’il sort d’une saison à 17 matches disputés en D2 lusitanienne, Éric Veiga espère maintenant avoir la chance avec lui. Ce n’est pas gagné. À deux journées de la fin, il avait frappé un grand coup en expédiant un bijou de coup franc de plus de vingt mètres dans la lucarne, arrachant un nul en fin de match (2-2) ? «J’ai juste empêché Academica de monter sur le coup. Et nous… On a fini par descendre. Mais on a bon espoir de se maintenir car pas mal de clubs ont des soucis financiers au Portugal. La décision tombera le 18 juin. J’espère que ce sera bon parce que j’aimerais bien rester là-bas et faire une saison pleine à 25-26 matches.»
Ce serait une belle façon de fidéliser Luc Holtz. Mardi, le sélectionneur s’était dit très satisfait des séances proposées par Veiga, mais lui avait adressé ce reproche : «Il essaye de trop en faire.» «Il a dit ça?, sourit le joueur. C’est le fait de ne pas avoir été là pendant quatre ans. Je veux montrer tout ce que j’ai appris, ne pas perdre un ballon, être partout. Des fois, dans la chambre, je m’en rends compte et j’essaye de me raisonner, de me calmer.» Pas facile. On a peur que la quatrième sélection ne revienne qu’en 2025 alors, forcément, on en fait des caisses. De là à dépanner dans l’entrejeu, face à l’Écosse, si les forces vives continuent de faire défection ? «S’il faut, oui, mais avant que je ne parte, le sélectionneur me disait déjà qu’il me voyait plus arrière gauche que dans l’entrejeu alors…»
Julien Mollereau
Un trou devant la défense
Luc Holtz est en manque de récupérateurs.
On dira qu’en football, il n’y a pas de hasard : Les Roud Léiwen ont craqué en Norvège dans les arrêts de jeu alors qu’ils n’avaient plus, ni sur le terrain ni sur le banc de touche, le moindre milieu de terrain récupérateur et avec Sinani qui dépannait depuis la sortie du terrain de Christopher Martins. Blessé le patron, qui boitait encore hier à son retour d’Espagne et n’envoie pas des signaux très rassurants. Tout comme Barreiro et Philipps, qu’on espérait encore concrètement de retour pour l’Écosse mais dont l’état de forme n’a pas suscité d’enthousiasme démesuré de la part du sélectionneur. Oh il reste des options, mais elles commencent à s’épuiser. Skenderovic va rentrer de suspension. Une bonne chose.
Suffisant ? Si aucun des autres pions du milieu ne revient, il faudra improviser. Veiga ne joue plus récupérateur, O. Thill semble se plaire nettement plus haut sur le terrain que dans ses jeunes années. Bref, c’est là que se nichera le cœur des problèmes du sélectionneur ces prochaines 48 heures et il n’est pas prévu que Luc Holtz rappelle le moindre espoir. En attendant de solutionner la question, les Roud Léiwen ont eu une mauvaise nouvelle : Lars Gerson, blessé à la cuisse depuis deux bonnes semaines, a passé des examens qui ont prouvé qu’une intervention chirurgicale était nécessaire. Elle s’est bien passée mais avant de pouvoir faire ses débuts avec son nouveau club de Brann Bergen, il lui faudra se reposer… trois mois. Sacrée claque.
J. M.