Le sélectionneur a tenté deux paris en deux matches avec Florian Bohnert et Marvin Martins. Deux petits loupés.
Dans le monde du football, le débat est éternel : un joueur qui n’évolue pas à son poste de prédilection est-il responsable de ses éventuels non-matches ou peut-il légitimement se retourner vers son coach ? Choisissez votre camp.
En ce qui concerne le problème qui nous occupe à l’issue de ces deux rencontres disputées à l’étranger contre deux nations majeures du top 15 mondial, il y a ces choix du sélectionneur de sortir de son chapeau Florian Bohnert, qui n’avait plus été titulaire depuis deux ans avec la sélection et y est surtout utilisé à gauche, pour l’inclure dans une ligne à quatre au milieu, dans un rôle central, contre le Portugal. Puis de propulser Marvin Martins à un boulot de milieu gauche face au Danemark, le côté du redoutable Skov, lui qui joue tout aussi arrière droit à Lviv qu’il l’était à Niederkorn.
Puisqu’un peu plus tôt dans cet article, vous avez théoriquement choisi votre camp en ce qui concerne la responsabilisation des joueurs une fois le plan de jeu préétabli, il faut vous décider : leurs performances, plutôt ratées, sont-elles imputables au sélectionneur ou aux deux garçons ? Voire à tout le monde ?
Holtz, lors de la conférence de presse d’avant-Danemark, avait été assez visionnaire pour anticiper la question. Et puisqu’on est toujours plus intelligent après un match qu’avant, sa pirouette vaut le détour, 24 heures après et une fois que l’on a vu ce qu’avait donné Martins à un poste qui n’est pas le sien. Interrogé sur l’éventualité de mettre quelques kilos supplémentaires dans son milieu en faisant remonter Lars Gerson d’un cran, il avait répondu ceci : «Lars fait de bons matches comme milieu droit à Norrköping. Mais aussi de bons matches avec nous en défense centrale. Si je le mets plus haut et qu’il fait un mauvais match, vous serez les premiers à me demander pourquoi je l’ai mis là.» Magnifique contrepied, géniale anticipation… On ne parlera donc pas de Lars, mais… de Florian et Marvin.
Dans les deux cas, il y avait une idée forte derrière. Le sélectionneur voulait se servir de la vitesse de Bohnert pour contrarier les milieux de terrain lusitaniens et de la puissance de Martins contre les gabarits scandinaves. «Physiquement, Marvin est capable de jouer contre une telle équipe. Et on a vu sur certaines phases qu’il le pouvait. Il fallait juste trouver où l’on pouvait le mettre sur le terrain.»
Apprendre à accepter les échecs
C’est peut-être là que le bât blesse. Car si, effectivement, on ne peut qu’admettre que le déficit athlétique face aux Danois nécessitait de mettre toutes les chances de son côté, l’installer en haut et à gauche, c’est-à-dire aux antipodes de ce qu’il vit en club, est une opération à risques qui a échoué. On veut bien qu’il se montre extrêmement actif offensivement parlant à Lviv, arpentant tout son couloir avec l’envie d’apporter sa contribution, mais là, clairement, l’échec est patent. À la limite, n’aurait-il pas mieux valu… monter Gerson d’un cran, décaler Carlson dans l’axe et offrir un poste d’arrière latéral à Martins, quitte à inverser avec Jans ? Là, dans l’athlétique, on aurait été bons. Mais il aurait fallu désarticuler totalement le bloc défensif, ce qui représente une prise de risques autrement plus considérable. Et si cela avait échoué, Holtz se serait tout autant fait clouer au pilori.
La marge de manœuvre du sélectionneur, à certains égards, est donc encore bien réduite. Surtout en l’absence de garçons qui pèsent comme Kiki Martins, Aurélien Joachim ou Maurice Deville.
Il serait malvenu de lui reprocher ses essais («Si je ne le fais pas sur les matches amicaux, alors quand ?», s’est-il défendu en conférence de presse) puisque ces derniers mois, ils ont permis de fixer Lars Gerson en défense centrale ou Vincent Thill à droite, des options qui, aujourd’hui, sont indiscutables (mais, il est vrai, un peu plus évidentes).
Il va falloir apprendre à accepter les échecs, surtout contre des nations du top niveau mondial. Reconnaître aussi que Luc Holtz arrive désormais plus facilement à corriger ce qui doit l’être en cours de match, un reproche qui lui a été fait par le passé.
Mardi, à Aalborg, casser son système de départ devant la furia danoise pour redensifier l’entrejeu a permis de remettre (un peu) la main sur le ballon et de se donner de l’air. Autant le 4-1-4-1 de Lisbonne a largement enquiquiné les Portugais, autant l’option à deux, devant, au Danemark, n’a pas fonctionné. On ne peut pas faire mouche à tous les coups. Tout n’a pas été mauvais en cette semaine internationale à sept buts encaissés. Sauf pour les malheureux Bohnert et Martins.
Julien Mollereau