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[Roud Leiwen] Le Qatar ? Rencontre avec une curiosité malsaine


Avant Quatar-Luxembourg ce mercredi en amical à Debrecen (Hongrie), la fédération qatarienne a investi de l'argent dans une campagne de pub qui s'affiche sur de grands panneaux de la ville. Est-ce bien sérieux ? (photo : JM).

Le Qatar s’est incrusté dans le groupe A. Le Luxembourg va avoir l’honneur d’être le tout premier à goûter à l’entreprise de mise à niveau de ce pays tellement décrié, ce mercredi soir.

Cette sombre histoire dure finalement depuis le 2 décembre 2010. Onze ans plus tard, à un peu plus d’un an et demi d’un Mondial qui fait couler beaucoup d’encre et quand même aussi un peu de sang à en croire plusieurs rapports d’organisations internationales peu suspectes de pratiquer du lobbying, le Luxembourg va rencontrer le Qatar. Ce dernier a réussi un tour de force : s’incruster dans le groupe A comme s’il était une nation européenne afin d’aguerrir ses joueurs. C’est la dernière ligne droite pour l’émirat du Golfe et elle commence contre le Grand-Duché.

Mardi, Luc Holtz, pour on ne sait quelle raison qui lui appartient, s’est ouvertement désintéressé de la question. La seule venue du Moyen-Orient, pendant sa conférence de presse, tenait pourtant en une requête simple : que pense-t-il de cette sélection championne d’Asie en titre, un honneur conquis en 2019? «Je n’ai rien à dire sur le sujet», a-t-il froidement répondu. Il ne l’avait jamais fait en onze années de présence à la tête des Roud Léiwen. Une défiance qui ne dit pas son nom. Ce serait son droit de manifester son hostilité sans pouvoir le faire ouvertement, mais on a aussi la certitude que si c’est le cas… les Qatariens s’en foutent.

Mardi, la sélection a pu s’apercevoir dès son arrivée sur le sol hongrois à quel point le Qatar, qui cherchait un point de chute pour accueillir son gentil petit camp d’entraînement, avait pu coloniser Debrecen sans que cela fasse sens. Dans son aéroport quasi mort et qui n’accueillera sans doute pas avant longtemps le moindre voyageur autre que des footballeurs, dans une ville un peu grise où les gens ne s’intéresseront jamais à ce duel obscur même s’ils avaient le droit de venir au stade, la fédération qatarienne a investi de l’argent dans une campagne de pub qui s’affiche sur de grands panneaux et même sur les tramways de la ville. Superficiel ? Le «soft power» qu’est le football ne peut pas s’exempter de ce genre de campagne de légitimation, fut-elle bâtie sur du vide.

Schäfer, Xavi, Blanc…Ils ont recruté… des coaches

Ce soir, le Grand-Duché sera donc le premier à avoir un aperçu de la manière dont le Qatar a utilisé les onze dernières années pour se mettre au niveau international. Il a acheté, ponctuellement, des places pour ses joueurs en Europe. En Belgique, à Eupen, entre 2014 et 2018. En Espagne, au Cultural Leonesa, entre 2015 et 2017. Deux exemples parmi d’autres. Mais sa révolution, il a finalement choisi, devant ces échecs plutôt patents, de la mener en interne, sans même avoir à recourir à trop de naturalisations (comme sa sélection de handball, finaliste du Mondial-2015), même si Karim Boudiaf, formé à Nancy, est une connaissance par exemple de Maxime Chanot.

Outre un sélectionneur espagnol (Félix Sanchez), le Qatar a enrôlé à tour de bras des techniciens capables de faire augmenter le niveau de son championnat sur la seule foi de leur expérience. L’Allemand Winfried Schäfer à Al-Khor, l’Espagnol Xavi à Al-Sadd, l’ancien emblématique sélectionneur islandais Heimir Hallgrimsson à Al-Arabi et celui de la Tunisie Sami Trabelsi à Al-Sailiya, ou encore les anciens internationaux français Sabri Lamouchi et Laurent Blanc à Al-Duhail et Al-Rayyan… Plus de 80 % des coaches de l’émirat sont étrangers. On jugera sur pied, en 2022, de leur apport, indirect ou pas. En attendant, le monde du foot parle d’autres choses. Du fait que la FIFA a fait accepter l’alcool dans les loges VIP des stades pendant le prochain Mondial, de l’autorisation donnée d’arborer des drapeaux LGBT dans les stades, du refus de la société néerlandaise Hendrik Gras d’équiper en pelouse des stades qu’elle juge construits sur la vie de 6 500 travailleurs étrangers morts pour faire sortir ces lieux du désert. Difficile de parler foot dans ces conditions.

De notre envoyé spécial à Debrecen, Julien Mollereau