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Roland Garros – Une nuit pour s’en remettre


Gilles Muller est revenu dans le coup après un début de rencontre très difficile. (Photo : AFP)

Stressant au possible, le match entre Gilles Muller et Paolo Lorenzi a été interrompu après que le Luxembourgeois a réussi à égaliser à deux sets partout, hier soir (4-6, 4-6, 7-6 (1), 7-6 (5)). La suite du match se déroule aujourd’hui (pas avant 12h30), toujours sur le court n°6.

On le sentait venir. En tout cas, on sentait que cette histoire allait durer un moment. Hier, le court n° 6 a été le théâtre d’actes à rallonge durant toute la journée, avant même ce match épique entre Gilles Muller et le valeureux Italien Paolo Lorenzi, dont la dernière scène se jouera aujourd’hui. Ça a commencé avec cette victoire de l’Argentin Leonardo Mayer, qui s’est dépêtré d’une situation compliquée face au Tchèque Jiri Vesely en cinq sets, 3-6, 7-6 (6), 6-3, 5-7, 6-2.

Trois heures cinquante-cinq de jeu. Puis ce duel entre la Chinoise Qiang Wang et l’Italienne Francesca Schiavone, vainqueur de Roland-Garros il y a cinq ans et reléguée à l’ombre des courts Philippe-Chatrier et Suzanne-Lenglen. À 34 ans et un classement WTA qui recule sans cesse (n° 92), celle-ci s’est battue de toutes ses forces pour l’emporter, en trois sets, 3-6, 6-3, 6-4. Deux heures et neuf minutes de jeu. Tiens, 34 ans, c’est l’âge d’un autre Italien, Paolo Lorenzi. Et c’est un euphémisme de dire que celui-ci a joué avec les nerfs de Gilles Muller, hier soir. Il les a même triturés avec une pointe de couteau, les nôtres avec. Le Luxembourgeois, à force d’encaisser des points sur la ligne durant au moins les deux premiers sets, n’a d’ailleurs pas pu s’empêcher d’exploser sa raquette sur son talon.

Pas mal de fautes directes

Maintes fois, il s’est retourné vers son groupe, son staff, son entraîneur, où le président de la fédération, Claude Lamberty, avait trouvé une place, comme pour partager une stupéfaction qu’il n’arrivait plus à contenir.

Ce qu’il s’est réellement passé? D’abord, ce premier set qui est parti en cacahuète lorsque l’Italien est parvenu à faire le break à 3-4. Ça, on ne l’avait pas spécialement vu venir dans la mesure où Muller maîtrisait ses jeux de service, en installant un jeu de lob une fois l’Italien obligé de venir chercher la balle au filet. Un jeu plus tôt, le Luxembourgeois était passé lui-même tout près de prendre le service de l’Italien. La pression était retombée en raison de fautes directes en revers. Des fautes, Muller en a trop fait et c’est ce qui a permis à Lorenzi de le breaker à ce moment-là, de maintenir son avance jusqu’à la fin du set en le concluant par un service à 196 km/h.

Et puis, ça a quasiment été la même histoire dans la deuxième manche. Auteur de 16 aces en tout hier soir, dont 10 à 4-6, 4-3, Muller passait proche du break à deux reprises. Mais ses fautes en coup droit, trop nombreuses, jouaient contre lui et l’Italien sortait un passing qui faisait mal (4-6, 4-5) avant de trouver, encore, la ligne du couloir pour mener 2-0. C’est à ce moment-là que la raquette du Luxembourgeois a pris très cher.

Et puis, alors qu’on humidifiait les courts désertés tout autour, que l’écran géant du Lenglen n’avait plus que ce match à offrir aux plus en plus rares amateurs de tennis dans l’allée centrale, le vent a tourné en même temps que la température baissait avec les nuages. Pas tout de suite certes, Muller manquant des choses faciles, dans son registre, tandis que l’Italien faisait apprécier son toucher de balle. Breaké encore une fois, le Luxembourgeois semblait subir une situation des plus pénibles. Jusqu’à ce premier moment de soulagement, lorsqu’il prenait enfin le service de l’Italien à 3-3 dans le 3e set et s’accrochait au sien coûte que coûte, comme son adversaire. Au jeu décisif, Muller sait être très fort même si on s’est mis à douter un peu à son entame. 7-1 sur un dernier ace, il a alors chassé, un peu, ceux de tout le monde, y compris les siens, pour se lancer dans un quatrième set sous tension.

«Dommage, Gilles avait l’avantage»

Certains y ont vu de la comédie, quoi qu’il en soit, Lorenzi a vite ressenti le besoin de faire appel à une aide médicale après avoir été breaké à l’entame de ce nouveau set. Muller enchaînait les services face à personne, histoire de garder un rythme qu’il avait trouvé depuis pas si longtemps que ça. Les choses se sont gâtées quand l’Italien a égalisé à 5-5 alors que «Mulles» (surnom qui a fait le tour du court hier) était tout proche d’en finir à 6-3 (trois balles de set effacées par Lorenzi). Il a fallu en passer par un nouveau tie-break qui avait vraiment moins bien commencé que le premier. Muller est revenu de 1-3 à 7-5 d’une dernière balle freinée par le filet, surprenant, pour une fois, le joueur d’en face (4-6, 4-6, 7-6 (1), 7-6 (5)).

«C’est un match très stressant, a commenté Claude Lamberty, un téléphone dans la main, alors que Muller venait de quitter le court. Les deux premiers sets étaient très durs, Lorenzi ne commettait aucune faute. Gilles devait être patient, ce n’était vraiment pas évident pour lui. Et puis, sur les balles décisives, l’Italien avait toujours de la réussite. Finalement, au moment où on y croyait moins, les choses ont changé. Gilles s’est mis à dominer les échanges. Le quatrième set s’est joué dans la tête. C’est dommage que le match ait été interrompu car, avec deux tie-breaks remportés, Gilles avait pris l’avantage sur Lorenzi.» La pression sera retombée ce midi, à l’heure où les deux remettront le couvert pour le cinquième et dernier set. On verra dans quelle mesure cela aura joué, ou pas, sur cet avantage qu’a pris Muller dans la soirée d’hier de Roland-Garros.

De notre envoyé spécial à Paris, Raphaël Ferber