Dominic Thiem a déjà dominé Rafael Nadal mais jamais en trois sets gagnants. Le studieux Autrichien tentera ce dimanche en finale (15h) à Roland-Garros de résoudre l’insoluble équation face à l’ogre de l’ocre, tout proche de la « Undécima ».
Prendre un set au maître des lieux, c’est déjà une prouesse. Mais le faire chuter sur le court central Philippe-Chatrier, en finale, c’est jusqu’ici mission impossible. Tout ceux qui sont partis à l’abordage ont fini par couler, mitraillés de coups droits « lasso », de passing « canon » et désemparés devant la défense insubmersible d’un flibustier jamais rassasié qui vogue vers un onzième titre record… treize ans seulement après le premier.
Au jeune corsaire de 19 ans, qui exhibait ses biceps sous un t-shirt sans manches et faisait voler son pantacourt d’un bout à l’autre du court, a succédé un capitaine à l’arsenal encore plus étoffé. Son service n’a plus rien à voir avec celui de ses débuts. Il frappe « plus fort » et trouve « davantage d’angles » comme le disait avant le tournoi à l’AFP Sébastien Grosjean, ancien N.4 mondial. Le Suédois Robin Söderling, l’un des deux seuls joueurs, avec Novak Djokovic, à l’avoir battu à Paris (2009), est lui « impressionné par ses progrès en revers ». « Si ses adversaires visent de ce côté, il arrive à contrer super bien. » « Il l’a énormément amélioré. C’est pour cela qu’il est de nouveau N.1 mondial et bat tout le monde », a renchéri l’Argentin Juan Martin Del Potro, en panne de solutions vendredi en demi-finale (6-4, 6-1, 6-2).
Nadal moins mobile sur la terre battue ?
Certes, Nadal « ne se déplace peut-être pas aussi bien qu’il y a cinq, six ou dix ans » mais ce qu’il fait à 32 ans est « incroyable », poursuit Söderling. « Rien ne dit, s’il ne se blesse pas, qu’il ne gagnera pas le tournoi encore deux ou trois fois. » La réalité des chiffres est implacable pour l’Espagnol. Sur dix finales disputées jusqu’ici, il n’en a perdu aucune (2005-2008, 2010-2014 puis 2017). Plus bluffant encore: ses adversaires n’ont pas inscrit, en cumulé, plus de six sets.
Il n’a jamais été poussé non plus jusqu’à la cinquième manche dans l’épilogue parisien. Même la constance du jardinier Roger Federer a été rompue à Wimbledon. En onze finales à Londres, l’homme aux vingt titres majeurs a été vaincu à trois reprises, une fois par Nadal (2008) et deux autres fois par Djokovic (2014, 2015). C’est dire l’ampleur de la tâche de Thiem qui ne rêve que d’une chose: succéder à son modèle, Thomas Muster, seul Autrichien à avoir soulevé la Coupe des Mousquetaires (1995).
Jeune loup…
C’est tout sauf un hasard si le jeune loup de 24 ans dispute sa première finale en Grand Chelem à Roland-Garros. L’ocre, c’est son terrain préféré. Il n’a d’ailleurs affronté Nadal que sur cette surface (6-3 en faveur de l’Espagnol). A Roland-Garros, il n’en garde pas de bons souvenirs. Deux fois, il a plié sèchement en trois sets, encaissant même un 6-0 en demi-finale l’an dernier (6-3, 6-4, 6-0). Mais depuis 2017, cet élève appliqué est le seul à avoir enrayé la mécanique majorquine bien huilée.
Si Nadal était fatigué l’an passé à Rome (6-4, 6-3 en quarts de finale), après son triptyque Monte-Carlo/Barcelone/Madrid, il semblait en revanche en pleine possession de ses moyens le mois dernier dans la capitale espagnole. En l’agressant sans arrêt, avec des coups profonds et sa surpuissance caractéristique, « Domi » avait abattu la muraille avec une réussite phénoménale (7-5, 6-3 en quarts). « C’est beaucoup plus agréable de l’affronter en sachant que vous l’avez battu sur cette surface.
Mais cela reste le défi ultime », a affirmé le puncheur à la personnalité policée. Il ne faut peut-être pas se fier aux apparences. Le protégé de Günther Bresnik a un caractère bien trempé aussi en dehors des courts, comme sa diatribe sur le service militaire (« c’est casse-couilles ») l’a montré vendredi. Et, jusqu’à preuve du contraire, il n’a pas peur. « J’ai un plan contre Nadal« , a-t-il assuré. Parviendra-t-il à le mettre en place ce dimanche ?
AFP