Alexandre Lisiecki, co-entraîneur de Gilles Muller (n°54), estime abordable ce match du 1er tour face à l’Italien Paolo Lorenzi, même s’il martèle que pour le n°1 luxembourgeois, tout est plus compliqué sur terre battue.
Gilles Muller affronte l’Italien Paolo Lorenzi (n°94) au 1er tour. Que pensez-vous de ce tirage ?
Alexandre Lisiecki : On ne peut pas dire que ce soit un mauvais tirage. Il ne prend pas une tête de série. Il ne prend pas un top 10. C’est toujours mieux de jouer un joueur de 33 ans, n°94 mondial, que de prendre Nadal sur un premier tour. Maintenant, c’est quand même un joueur d’expérience qui est un beau morceau sur terre battue.
A quel type d’opposition peut-on s’attendre ?
C’est une vraie opposition de styles. Gilles va développer son jeu même s’il ne va pas monter autant que sur herbe ou sur dur. Il va quand même être agressif, jouer l’attaque face à un joueur qui va défendre et chercher à le contrer.
Si Gilles Muller n’a atteint le 2e tour de Roland-Garros qu’une seule fois (en 2012), Paolo Lorenzi n’a jamais eu de réussite dans les tournois du Grand-Chelem. Il a attendu l’année dernière pour franchir un tour, à l’US Open, puis cette année à l’Open d’Australie.
Voilà. Gilles peut gagner ce match-là. Il est à sa portée même s’il n’y a pas de match facile pour Gilles sur terre battue, avec la perspective de jouer cinq sets. Ça va être intéressant. Je ne suis ni pessimiste, ni optimiste. Mais content qu’il ait évité de prendre un « gros » d’entrée.
Si cela se passe bien, le « gros » risque d’arriver néanmoins très vite avec Novak Djokovic au 2e tour…
(Il rit) A priori oui, hélas ! Mais bon, je ne pense pas qu’il faille se projeter jusque-là. Il faut se concentrer sur ce premier tour. La suite, on verra… On ne sait pas. Djokovic est quasiment imbattable cette année mais peut-être qu’il sera malade, ou blessé, et peut-être que Nieminen (NDLR : son adversaire au 1er tour) passera quand même. Mais ça, on ne doit pas s’en occuper.
Quand même, en quoi ce match peut-il être différent de celui disputé en huitièmes de finale à l’Open d’Australie ?
Bien sûr, ce n’est pas la même surface. Gilles est moins fort sur terre et « Djoko » a réussi à maintenir un niveau à peu près équivalent sur dur et sur terre. Peut-être qu’il va remporter le tournoi cette année, c’est lui l’ultra-favori.
« Gilles joue d’habitude assez plat. Là, il faut réussir à arrondir ses trajectoires »
Gilles Muller a participé à deux tournois sur terre, à Estoril (ATP 250, quart de finale) et Madrid (Masters 1000, battu au 1er tour par Leonardo Mayer, n°27, 3-6, 3-6). Quel regard portez-vous sur cette période ?
Il est en phase de transition, en fin de pause. Elle a été assez longue car il en avait besoin. C’était important de ne pas aller à Rome pour cette raison-là aussi (NDLR : Muller avait annulé car il avait ressenti une gêne dans le bras gauche). Ce n’est quand même pas sur terre battue qu’il va faire ses meilleurs résultats, on le sait, il le sait.
Comment avez-vous géré ce passage ?
C’est assez délicat de faire une pause sans perdre le rythme. L’équilibre a été à peu près trouvé. On verra sur ce premier match à Roland si la pause lui a fait du bien. Les quatre-cinq semaines à venir vont être plus importantes que celles qui viennent de passer…
Mais même pour le staff, ce n’est pas évident de dire qu’il faut ralentir. Parce qu’on n’est pas comme ça, lui non plus. Personne n’aime aller sur un tournoi en se disant qu’il faut ralentir un peu. Mais il fallait le faire sinon il aurait explosé en vol au mauvais moment, dans sept ou dix semaines. Il n’a pas sacrifié la saison sur terre, il a joué quand même. Mais dans notre calendrier annuel, ce n’était clairement pas une priorité.
Son jeu sur terre peut-il évoluer ou serait-ce au détriment de son jeu sur les autres surfaces ?
On a fait des adaptations. Mais il ne peut pas changer son jeu. Il fait les points avec son service, son coup droit et sa volée. Il ne les fait pas en faisant des gros lifts et en faisant courir son adversaire. Ce sont des adaptations qu’on fait entre le gazon et le dur, aussi. On en a parlé. Mais ce n’est pas une option de rester un peu plus au fond : les joueurs sont trop forts sur cette surface-là. Ça n’a jamais été son style et ça ne le sera jamais.
En quoi consistent ces adaptations sur terre ?
La première chose concerne les zones de jeu. Gilles joue près des lignes, il prend la balle très tôt et essaie d’accélérer le jeu tout le temps. Il peut moins le faire sur terre car les rebonds sont plus irréguliers et qu’il faut garder une intensité de frappe vraiment importante, donc des zones de sécurité par rapport aux lignes.
La deuxième, c’est par rapport à ses trajectoires. Il joue d’habitude assez plat. Là, sur terre, il faut réussir à arrondir un peu ses trajectoires pour que la balle gicle un peu. Il y a plusieurs options. Sur dur, il ne recule jamais. En tout cas, pas sur la deuxième balle. Là, il doit parfois s’adapter, reculer pour prendre plus d’élan et balancer une frappe plus bombée, plus liftée. Il ne fait jamais ça sur dur ou sur gazon. Ses adaptations, il les fait. Mais il reste plus attiré par le jeu au filet.
Peut-on dire, quand même, que Gilles s’est amélioré sur terre ?
C’est sûr car il se pose beaucoup moins de questions qu’avant sur ces notions d’adaptation. Il a essayé de jouer comme un bon joueur de terre, en se retenant de monter au filet. Ça lui a coûté beaucoup de premiers tours. Il est revenu à ce qu’il est vraiment. En 2013, il a fait quart à Bucarest (NDLR : plutôt à Belgrade, ATP 250, en 2012), il avait gagné un tour à Roland (2012) en étant vraiment agressif.
Ce sera un peu pareil face à Lorenzi même s’il va falloir adapter des choses. Ce sont quand même des mecs qui défendent super bien. Il faudra varier beaucoup mais continuer d’être attiré vers l’avant.
Recueilli par notre envoyé spécial à Roland Garros, Raphaël Ferber