Lièvre réputé dans le milieu de l’athlé, le coureur belge du Celtic Diekirch évoque le #ZeroHungerRun Challenge, une course virtuelle caritative de 30 à 60 minutes qui se déroulera à travers le monde du 5 au 9 mai. Et invite par la même un maximum de Luxembourgeois, résidents, frontaliers à y participer !
En temps normal, à pareille époque, Roger Königs peaufine les derniers détails relatifs à l’arrivée du plateau élite (Kényans, Éthiopiens) de l’ING Night Marathon. Mais depuis deux ans, le Covid est passé par là… et l’évènement sportif phare du Grand-Duché a été contraint de se mettre en sommeil.
Pour autant, à 43 ans, et même s’il se dit moins compétitif qu’avant, sa passion pour la course à pied, elle, demeure intacte. «Le sport fait partie de mon ADN, glisse-t-il. C’est une école de vie, ça t’ouvre des horizons. La course m’a permis de me dépasser, de voyager, de côtoyer de chouettes personnes.»
Un matin, au volant de sa voiture, sur le trajet entre son domicile de Burg-Reuland (province de Liège) et l’Institut national des sports à Luxembourg (INS) – où il travaille – Roger Königs a pris le temps de nous parler de la ZeroHungerRun, une course caritative qui se déroulera de mercredi à dimanche et qui lui tient particulièrement à cœur.
Déjà, pour commencer, la ZeroHungerRun, qu’est-ce que c’est ?
Roger Königs : Au départ, la ZeroHungerRun, c’est une course caritative ‘‘physique’’ organisée depuis 2016 dans plusieurs villes allemandes (Bonn, Cologne, Düsseldorf…) par l’ONG Welthungerhilfe et qui vise à lutter contre la faim et la pauvreté dans le monde. C’est une belle action, une cause noble qui mérite d’être soutenue. Depuis l’année dernière et l’apparition du Covid-19, la course est passée en format virtuel (#ZeroHungerRun Challenge) mais a connu un engouement énorme.
C’est-à dire…
En juin 2020, le premier #ZeroHungerRun Challenge a enregistré 3 500 participants en Allemagne. Et bien plus si on compte les coureurs du monde entier, notamment américains, qui y ont pris part. Une communauté de runners engagés pour un monde sans faim ni pauvreté est particulièrement active sur Instagram avec les hashtags #ZeroHungerRun ou #ZHR, ou ils identifient l’ONG (@welthungerhilfe) et un ‘‘Wall of Fame’’ est également disponible sur le site.
Cette course virtuelle, ça consiste en quoi ?
Même s’il existe plusieurs classements (seul par catégorie d’âge, par équipes mixtes de 3 athlètes ou plus, par ville…) pour les fous du chrono, il faut bien comprendre que l’aspect compétitif est ici secondaire. Il s’agit plutôt de collectionner, entre les 5 et 9 mai, un maximum de mètres en courant (ou marchant) durant 30 ou 60 minutes… et évidemment de faire un don à la Welthungerhilfe.
Si l’on s’inscrit à la ZeroHungerRun, on reçoit quelque chose ?
En contrepartie, le participant se voit déjà remettre un dossard. Et après avoir couru et partagé sa distance via sa montre GPS ou une appli de course (Strava, Garmin, Polar, etc.), il reçoit un diplôme digital, une médaille, voire un tour de cou et un t-shirt. L’an dernier, 100 % des dons (NDLR : soit environ 80 000 euros) sont allés à des projets d’aide en Afrique ou en Asie. Cela me semble important de le préciser, car cela signifie qu’il n’y a pas de ‘‘pertes’’ dans votre don.
Et, pour la première fois, cette semaine, le Luxembourg participe donc à l’opération…
Oui, exactement ! Comme dans certaines villes allemandes (NDLR : Düsseldorf, Siegen, Bonn/Rhein-Sieg, Cologne, Dortmund et Hambourg), il y a la possibilité à Luxembourg de gagner le championnat de la ville du #ZeroHungerRun Challenge pour devenir un ‘‘local hero’’. Nico Peters, propriétaire des magasins Peters Sports, sponsorise gentiment la manifestation en faisant gagner des bons d’achat (NDLR : respectivement de 80, 60 et 40 euros). Mais tous ceux qui participent à l’opération sont à mes yeux des héros car ils contribuent, à leur niveau, à sauver des vies !
Selon vous, le Covid-19 est-il un accélérateur de faim ou de pauvreté ?
Incontestablement. Dans la famille de mon épouse, Ferahiwat ‘‘Mimi’’ Gamachu Tulu, qui est éthiopienne, ils n’ont parfois qu’un repas dans la journée. Alors que pour nous, Européens, c’est totalement inimaginable de ne manger qu’une fois par jour ! Avec le confinement, en Éthiopie, le prix des matières premières telles que la farine et l’huile a flambé. Sur le bord des routes, pas mal de petites échoppes ont dû fermer, plongeant de nombreuses personnes dans le désarroi. J’ai même entendu des gens dire : « Avant de mourir de faim, nous ferions mieux de mourir du corona. » Je pense que cela résume bien le côté dramatique de la situation.
Je vous livre aussi ici une petite anecdote : Mersha Asrat, le coach de Kenenisa Bekele (NDLR : qui devrait participer au marathon des JO de Tokyo, si l’on en croit une information ce lundi du Comité olympique éthiopien, relayée par Aman Ahmed), m’a raconté qu’un jour lors d’un footing de Bekele à Addis-Abeba, il a été interpellé dans la forêt par des gens qui n’avaient plus à manger. Quelques heures plus tard, des membres de son staff sont revenus en pick-up amener de la nourriture, distribuer des sacs de maïs et de riz. Et ça, bien sûr, Bekele ne l’a pas ébruité dans les médias, il l’a fait avec le cœur. Idem lorsqu’il a mis à disposition plusieurs de ses hôtels à ‘‘Addis’’, Sululta ou Assella pour les personnes atteintes du Covid et qui devaient être placées à l’isolement, en quarantaine.
Dans votre voix, on sent que vous avez été profondément marqué, bouleversé par vos expériences en Afrique (Kenya, Éthiopie, Angola, etc.)…
Nous, en Europe, on souffre des restrictions, là-bas dans le tiers-monde – au Kenya ou en Éthiopie par exemple – ils vivent dans la misère, et il faut le dire, ils crèvent parfois de faim. Pour autant, la simplicité de leur vie se traduit dans leur comportement. Ils n’ont pas grand-chose, mais ce qu’ils ont, ils le partagent. Le collectif prime sur l’individu. Quand on a vécu ça, je vous garantis, ça vous sensibilise, ça vous ouvre des horizons. Résultat, quand on revient après sur le Vieux Continent, on est plus humble, moins nombriliste, on a un autre regard sur la vie, nos petits problèmes du quotidien. Avec la ZeroHungerRun, j’ai envie de vous dire, sortons de notre déprime du Covid et faisons quelque chose pour les autres !
Et vous, du coup, quel est précisément votre rôle dans la ZeroHungerRun ?
Avec Bob Bertemes et sa compagne Vera Hoffmann (NDLR : demi-fondeurs luxembourgeois du Celtic Diekirch, présents sur la vidéo ci-dessus), c’est un honneur que nous soyons, mon épouse Ferahiwat et moi-même, des ambassadeurs de cette belle action. Notre but est de promouvoir, faire connaître la ZeroHungerRun par-delà les frontières et de convaincre quelques motivés au Luxembourg de participer à l’opération (NDLR : lundi, il y avait déjà près de 4 300 inscrits). Après, qu’on soit d’accord, je ne veux surtout pas voler la vedette à Bob et Vera, hein (il sourit) ! Ils sont jeunes, dans la fleur de l’âge, et maintenant plus connus que moi au Grand-Duché. Me concernant, j’ai eu mon heure de gloire ici il y a 10-15 ans.
Rafraîchissez-nous la mémoire.
J’ai un record personnel approchant les 2h20 sur marathon (NDLR : 2h21’13’’). Mais j’ai surtout réussi à faire moins de 9 minutes sur 3 000 m steeple (NDLR : précisément 8’52’’79). On est 3 ou 4 athlètes à avoir réalisé ça au Grand-Duché. Francis Hoeser, Pascal Groben et moi. Ce qui m’a d’ailleurs permis de participer aux Jeux des petits États d’Europe, en 2007 à Monaco, sous la bannière luxembourgeoise, alors que je suis belge (il se marre). J’avais même glané ce jour-là la médaille de bronze ! Mais à l’époque, j’habitais depuis un certain temps déjà à Diekirch, ceci doit donc expliquer cela. Mon dernier défi sera de recevoir la belle médaille avec les 6 étoiles de la série World Marathon Majors (Six Star Finisher). J’ai déjà fait les marathons de Berlin (33e), Londres (50e), New York (38e), Boston (50e), il me reste Chicago, peut-être en fin d’année, et Tokyo. La boucle sera alors bouclée.
À part ça, vous êtes surtout connu dans le milieu de l’athlé pour être un bon lièvre…
C’est exact. Je suis moins actif maintenant, mais j’avais effectivement la réputation d’être un bon lièvre, notamment sur les courses féminines. Pour cela, il faut être un métronome, adopter un rythme régulier, ne pas mettre d’à-coups. Être capable de lire leur foulée, presque sentir leur souffle et s’adapter en fonction. Quand j’ai vu à la mi-avril l’Allemande Katharina Steinruck (Heinig) courir et remporter le NN Mission Marathon à Enschede (Pays-Bas), c’est sûr que ça m’a rappelé des souvenirs… (NDLR : il l’avait ‘‘pacée’’ en 2016 jusqu’au 39e kilomètre lors du marathon de Berlin, course durant laquelle elle a réalisé les minima pour les Mondiaux).
Haile Gebrselassie @HaileGebr set a total of 26 world records and is a former olympic and world champion. Now he supports Welthungerhilfe’s #ZeroHungerRun Challenge.
Join him & run for a good cause. 30 or 60 min between 5 and 9 May. Anywhere.
? Details https://t.co/EmA7r5qalF pic.twitter.com/w2YRd2Kkge
— Welthungerhilfe (@Welthungerhilfe) April 8, 2021
Début avril, la légende éthiopienne de la course à pied Haile Gebrselassie (NDLR : double champion olympique du 10 000 m en 1996 à Atlanta et 2000 à Sydney, également quadruple champion du monde sur la distance entre 1993 et 1999, 27 records du monde, dont ceux des 5 000 m et 10 000 m) a rejoint les rangs de la ZeroHungerRun de la Welthungerhilfe comme ambassadeur. Comment cela a-t-il été rendu possible ?
Moi-même, au début, je dois vous avouer que je n’y croyais pas mes yeux ! C’était inattendu ! C’est un joli coup qu’a réalisé là mon ami speaker Jochen Baumhof. Il a dû passer par la course de Trèves et l’agence Global Sports Communications de Jos Hermens (NDLR : célèbre manager néerlandais, l’un des plus connus du circuit mondial). En tout cas, cette nouvelle a réjoui mon épouse Ferahiwat, qui a grandi dans la même ville que ‘‘Gebre’’ en Éthiopie (NDLR : Assella, dans la région Arsi) et qui l’encourageait sur le bord de la route alors qu’il préparait les JO d’Atlanta. Pour l’ONG, c’est super qu’il ait accepté. Ça apporte un rayonnement, une visibilité, une crédibilité supplémentaires à notre action même si d’autres athlètes ou personnalités du show-business nous soutiennent (Dieter Baumann, Susanne Hahn, Sabrina Mockenhaupt, Carsten Ramelow, Eckart von Hirschhausen, Tanja Lanäus, etc.). Mais désormais, on peut dire aux gens : “Faites comme “Gebre”, courez 30 à 60 minutes pour lutter contre la faim dans le monde !”
Pour finir, votre ZeroHungerRun à vous, cette année, elle ressemblera à quoi ?
Bonne question ! (Il sourit) Disons que je n’ai encore pas arrêté mon choix. Vu que je traîne une sale blessure au mollet, soit j’irai courir 1 heure à ‘‘allure libre’’, soit j’irai faire un footing de 30 minutes, un truc ludique avec mon ‘‘grand’’ qui me suivra à vélo. Une chose est sûre, je ferai mon don, je recevrai mon t-shirt de la Welthungerhilfe. Je suis très pris en ce moment, entre mes 3 petits garçons (NDLR : Matthaüs 10 ans, Nehemia 7 ans et David 2 ans) et leur mère qui est enceinte du 4e et qui doit accoucher dans a priori deux semaines. Actuellement, c’est comme si le bébé est sur le pas de la porte (il rigole). Si c’est un garçon, pour blaguer, je lui ai dit qu’on pourra concurrencer les frères Borlée sur le 4*400 m ! (Il éclate de rire).
Entretien avec Ismaël Bouchafra-Hennequin
#ZeroHungerRun Challenge 2021, courez 30 ou 60 minutes pour la bonne cause. Opération qui se tient de ce mercredi 5 mai (18 h) au dimanche 9 mai (23 h 59). Inscriptions, à partir de 12 euros, possibles en ligne sur le site web de l’ONG Welthungerhilfe.
- Aujourd’hui, dans le monde, 1 personne sur 9 souffre de la faim, soit 854 millions de personnes sous-alimentées.
- Chaque jour, 25 000 personnes, dont plus de 10 000 enfants, meurent de la faim et des causes associées. Ce qui représente environ 9,1 millions de morts par an, dont 6 millions d’enfants de moins de cinq ans qui meurent prématurément des suites directes ou indirectes de la faim.
- La faim tue 1 personne toutes les 4 secondes dans le monde.
En 2015, la communauté internationale, via l’Objectif n° 2 de développement durable adopté par les États membres des Nations unies, avait pourtant pris la décision, d’ici 2030, d’éradiquer la faim (Faim Zéro ou #ZeroHunger), assurer la sécurité alimentaire, améliorer la nutrition et promouvoir une agriculture durable.
«Alors que la faim augmente et que la malnutrition persiste, la réalisation de l’Objectif Faim Zéro d’ici à 2030 est compromise», notait lucidement l’ONU, dans son rapport, en juillet 2020.