À 39 et 37 ans, le Hammois Ronny Souto et l’Hostertois René Peters, doyens des joueurs de champ de la DN, s’affrontent ce week-end. Avec une fougue intacte.
Entre un Souto qui vit d’un corps naturellement fait pour durer et un René Peters qui trime comme un damné pour rester compétitif mais avec le sourire, voilà deux hommes qui ont des visions très différentes du football et de l’âge. Mais se rejoignent sur l’essentiel : ils aiment tellement ça qu’ils refusent d’arrêter. Et le pire, c’est qu’il continuent d’être des éléments essentiels de leurs clubs respectifs.
Comment tient-on aussi longtemps et surtout pourquoi ?
Ronny Souto : Par passion. Depuis tout petit, je joue ou je coache. C’est ce que j’aime faire et je le fais avec encore plus de conviction maintenant que j’approche de la fin. Je profite de chaque séance pour m’amuser. Avec l’âge, on prend un peu plus de temps pour récupérer, mais ça ne me dérange pas.
René Peters : Pourquoi ? Mais par l’envie de faire. Il suffit d’entretenir son corps le mieux possible. Après, tout dépend de moi. Je m’arrêterai quand je verrai que je suis trop souvent sur le banc. Je ne suis pas un gars qui peut s’asseoir sur le banc. Si je commence à rater quatre, cinq, six matches…
Concrètement, que faites-vous au jour le jour pour tenir ?
R. S. : Rien d’autre que les entraînements. Je ne fais rien d’extraordinaire, ma vie est plutôt normale. Elle ressemble à celle de tout le monde. Je vais travailler et quand j’arrive au stade, je débranche de tout. Il n’y a que là, sur le terrain, que je me sens chez moi, dans mon monde.
R. P. : Depuis que je suis revenu au pays, je fais toujours quelque chose à côté de l’entraînement. Je n’ai jamais pris ne serait-ce qu’un ou deux jours consécutifs de pause, en saison. Quand j’étais plus jeune, j’allais courir… jusqu’à un centre de fitness, où je refaisais une heure. Quelque chose comme 7 ou 8 km de course, lentement en décrassage, bien plus intensif passé le mercredi, avec des intervalles.
Depuis deux saisons, je me suis mis au crossfit. Tout ce qui est renforcement du corps, c’est primordial au football. Il faut le faire. Le foot, c’est de plus en plus dynamique et les seuls entraînements donnés dans les clubs luxembourgeois ne suffisent pas. Les meilleurs clubs sont de plus en plus structurés, de plus en plus pros et pour moi, qui évolue dans un petit club, c’est nécessaire. Pour tous les joueurs des petits clubs. En fait, tout le monde devrait faire ça pour accroître le niveau de la DN. Il n’y a que par là que ça passe. Le corps se règle sur ce système en deux ou trois semaines seulement. Il faut juste ralentir un peu quand il fatigue.
Avez-vous peur de vous arrêter ?
R. S. : Non. Mais j’aime trop ça et mon corps me le permet alors pourquoi arrêter ? Bon, ça s’approche quand même. Cela pourrait être à la fin de saison… ou pas. J’ai 40 ans dans quelques semaines mais je n’y pense pas trop parce que j’ai toujours envie de me faire mal.
R. P. : Vraiment pas… même si je pense quand même à la façon dont je vais faire. Mais pour le moment, je n’ai aucun souci à souffrir même si je trouve que c’est moins dur à notre époque que cela ne l’était avant. Cela a changé. Avant, les séances très physiques durant lesquelles vous ne voyiez pas du tout le ballon, il y en avait beaucoup. Ça n’existe presque plus. C’est plus cool, tout est dosé, orienté ballon. Attention, je ne regrette pas, je ne suis pas nostalgique : cela DOIT être comme ça. Mais c’est pour ça qu’il faut aussi bosser physiquement à côté.
Votre corps vous étonne-t-il ?
R. S. : Quelque part oui, un peu. J’ai côtoyé pas mal de joueurs qui ont dû arrêter à 33-34 ans parce qu’ils avaient du mal à tenir. Or moi, je suis toujours à fond.
R. P. : Bah, l’année dernière, je n’ai pas eu de blessure. Pas du tout. Avec l’âge, en fait, on perd en explosivité, c’est normal. Mais bon, moi, je n’ai jamais été trop rapide donc ce n’est pas un changement trop grave. Je n’ai jamais été un de ces gars qui vivait de sa vitesse. Parce que ceux-là, à 32-33 ans…
Et au niveau des tests physiques de début de saison, où vous situez-vous par rapport au reste du groupe et notamment aux jeunes ?
R. S. : Disons que je suis dans les… cinq-six premiers, sauf que moi, j’ai une famille, un travail et qu’il faut encore faire les tests physiques le soir. Je suis au même rythme que les gars de 20-22 ans. Mais quelque part, si je suis encore avec eux, c’est aussi pour leur montrer que quand on a envie, on peut. À eux de voir. Le fait que mes tests soient bons ne doit pas les énerver mais les pousser. Moi, je n’ai plus rien à prouver à personne et pourtant, je le fais. À fond !
R. P. : Je suis encore dans les premiers, si ce n’est le premier. Sauf si on parle de vitesse pure. Mais dès qu’on parle d’endurance, il n’y en a pas beaucoup qui sont devant moi. Après, il faudrait leur demander, aux jeunes, si cela les agace mais je connais le truc. Si l’un veut jouer la même position que le vieux de 37 ans, il doit savoir que ce n’est pas une question d’âge, mais de qualité et de performance. Ça m’énerve les gens qui disent qu’ils n’ont plus rien à prouver! Moi, je veux montrer qu’il faudra qu’ils me passent devant! Mais je pense qu’ils sont contents que je sois là.
En quoi l’expérience vous a-t-elle rendus plus forts ?
R. S. : Dans l’analyse du jeu et du placement. On compense beaucoup grâce à ça, l’intelligence. Avant, je courais partout, je dépensais beaucoup d’énergie inutilement. J’ai appris ça : les courses. Je sais quoi faire et je sais à quel moment le faire. Jusqu’à l’âge de 25 ans, sur un terrain, on est un peu con, mais bon, c’est un peu normal : ton corps te permet de faire des choses qui ne sont absolument pas nécessaires (il rit) !
R. P. : Ben, on sait ce qui va se passer à nos âges ! J’ai toujours été fort pour analyser l’adversaire, mais aujourd’hui, j’ai surtout l’impression d’avoir déjà tout vécu. Les bons matches, les très bons matches, les matches mauvais, les matches très mauvais, les grosses victoires, les grosses défaites. Donc je sais ce qui va se passer et quand ça va se passer. Surtout, je crois que j’ai appris à réagir aux comportements de mes partenaires. Je connais les hommes, la psychologie et je sais les aider à s’en sortir quand la situation devient difficile. C’est un peu devenu ma deuxième tâche, en plus de celle de joueur. Les coaches me le demandent. J’arrive 40 minutes avant l’entraînement et les gars viennent me voir, me raconter leurs problèmes.
On vous a déjà dit que vous étiez trop vieux pour ces bêtises ?
R. S. : Ah ça, pour me chambrer, oui, on m’appelle « le vieux »… et après, on me dit que je peux encore facilement jouer deux ou trois ans, que je ne vais pas m’arrêter comme ça. Mais bon, depuis le temps que les gens me voient sur les terrains de DN, ils en viennent tous à me demander comment je fais pour être encore à fond. Mais parce que je m’investis tiens! Moi, ce qui me dérange, c’est quand les jeunes ne se donnent pas à fond. Ça, ça me donne la rage ! Si tu as 22 ans et rien d’autre à faire à côté, que ton corps te le permet, il y a tant de choses que tu peux faire!
R. P. : Ah, moi, les gens ne me le rappellent pas sur le terrain. Les « t’as quel âge maintenant?» », ça ne m’arrive pas. C’est peut-être dû aussi au fait que dans le temps, j’étais plus agressif et qu’on parlait beaucoup sur le terrain et que c’était méchant. Il y avait toujours deux ou trois joueurs dans l’équipe adverse ave lesquels je me prenais systématiquement la tête, à cause de mon agressivité. Maintenant, je savoure bien plus mes matches, je suis relaxé parce que je connais tous les scénarios possibles, que je sais ce que je dois faire. Et puis je chambre beaucoup plus. Je connais tous les joueurs, tous les coaches, tous les arbitres. Je ne suis plus seul dans mon tunnel (sic)…
À quoi remarquez-vous, aujourd’hui, dans le vestiaire, que vous n’êtes plus raccord avec les plus jeunes de vos coéquipiers ?
R. S. : Oh pour moi c’est simple avec la complicité que j’ai avec les plus jeunes. Je suis cool, je me mélange. Les gamins de 17-18 ans, je ne vais pas les gonfler avec mes titres et le fait que j’aie joué la CAN. Je suis un gars facile à vivre. À eux de voir s’ils ont besoin d’un exemple ou pas.
R. P. : (qui rit) Moi, il y a un truc qui me dépasse, ce sont leurs trucs avec les vêtements, les chaussures. Des fois, j’ai l’impression d’être dans un vestiaire de filles, ne manque plus qu’on discute maquillage. D’ailleurs, dans le temps, on discutait de filles, maintenant, c’est de fringues. Ça me dépasse. Et puis dès qu’ils rentrent dans le vestiaire, la moitié est déjà sur son téléphone…
À partir d’un certain âge, on finit invariablement par dire qu’un joueur pourrait être le père de la moitié de l’effectif. Vous, bientôt quarantenaires, de quel joueur de DN aimeriez-vous être le père ?
R. S. : (il rit) Et bien ma première fille vient d’avoir 12 ans et la deuxième en a 10 mais j’ai côtoyé Stefan Lopes au Fola (NDLR : l’actuel joueur de Mondorf a 20 ans) et il m’appelle papa. Le plus drôle, c’est que je connais bien son père. Stefan, j’aime sa façon de jouer et de fait, je pourrais vraiment être son père. En plus, on écoute la même musique!
R. P. : Aucun ! Vraiment pas ! On me dit ça souvent, que je pourrais être le père de quelques-uns des joueurs. Mais sur le terrain, je ne me sens pas vieux. Ça me fait juste rire de me rendre compte qu’il y en a certains, des jeunes, j’ai joué ou affronté leurs pères ! Mais d’ici à dire que j’aimerais être le père de l’un d’eux… non, aucun n’est assez bon pour ça (il rit).
Recueilli par Julien Mollereau