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[Portrait] Ed Buchette, figure du cyclisme luxembourgeois, cause toujours


Ed Buchette multiplie les casquettes. Et il aime ça... (Photo Julien Garroy)

Ed Buchette est depuis une trentaine d’années un acteur important du cyclisme luxembourgeois et international où il multiplie les rôles. Jusqu’à en agacer ses détracteurs. Lui a décidé de poursuivre sa route, fidèle à ses idées.

On l’avait laissé dimanche sur le site de Mamer, un lieu merveilleux pour la tenue d’un cyclo-cross, il faut en convenir. Le président du VC Mamerdall avait pris soin de ranger son micro. De plier les dernières banderoles ornant l’arrivée. De démonter le podium protocolaire. Le tout, comme toujours, avec un grand sourire fendant en deux un visage aussi avenant que gourmand.

On le retrouvait lundi au bureau, en face de nous, c’est-à-dire qu’il avait accepté de bonne grâce et sans sourciller de faire le déplacement. Avec le même regard bleu éclairé, il était manifestement prêt à tout, ou presque tout, déballer de sa passion dévorante. «Alors à Mamer, on aurait un beau championnat du monde, non ?», questionna-t-il d’entrée. Il faisait référence à la candidature de Mamer pour des Mondiaux de cyclo-cross, candidature jugée sauvage à l’époque et retoquée avec fracas par la fédération nationale dont il est toujours le secrétaire général. C’est-à-dire un personnage aussi central qu’incontournable. Nous avions à l’époque relayé dans le détail une partie des intrigues de ce projet mort-né… «Mais rassurez-vous, j’ai toujours des projets», tranche-t-il, péremptoire.

Ed Buchette est en forme. L’échange s’annonce serré. On ne sera pas déçu de ce voyage en classe affaires sur 30 années d’activité dirigeante dans le cyclisme, mais pas exclusivement. À ce stade de l’entretien, on confesse hésiter encore entre deux titres possibles. «Cause toujours», d’abord car Ed Buchette est un savoureux bavard qui ne reste pas longtemps sans rien dire. Et sur lui, les critiques ont le don de ruisseler sans jamais paraître l’atteindre. C’est d’ailleurs l’une de ses principales qualités, il n’est pas rancunier. Il finit toujours par avancer et ne se retourne jamais sur le passé. Et puis, sur toutes les épreuves que son club ou le Tour de Luxembourg, dont il est toujours le personnage central, organisent, il ne peut s’empêcher de tenir le micro de speaker, ce qui est quand même cocasse, vu de près.

« Meilleur second rôle »

On pensait aussi à : «Meilleur second rôle». Car depuis toujours, l’intéressé multiplie les casquettes. Les fonctions. Pas forcément les titres. À part sa présidence du VC Mamerdall, comme avant celle de l’ACT Kopstal, des présidences clairement affichées. Ed Buchette est un homme de réseau. Jamais très loin du pouvoir. Cet ancien garde forestier pensionné depuis avril dernier est d’ailleurs unique en son genre. Conseiller municipal de Mamer, proche de Gilles Roth, le bourgmestre (CSV), il préside la commission Développement durable. Son engagement dans le cyclisme, lui, dure depuis 1964, lorsqu’il suivait pas à pas Marcel Goedert, le président de l’ACT Kopstal.

Le vélo se vit par atavisme puisque son grand-père était le mentor d’un certain Edy Schutz dans les années 70. Lui ne monte pas en selle. Dans une longue interview parue dans nos colonnes le 7 janvier 2004, il nous expliquait pourquoi : «Mon grand frère étant décédé tragiquement, ma mère avait peur que je prenne la route…» On lui montre une copie. Il lit le titre d’alors : «Le cyclisme doit rester dans la tradition.» Il sourit. Demande la faveur de repartir avec. Accordée.

On reprend. Sa compétition, Ed Buchette, la fera chez les dirigeants. Il entre à la fédération nationale (FSCL) en 1983. Depuis 1986, il occupe la place stratégique de secrétaire général. Il est aussi commissaire UCI depuis 1991. S’il avait délaissé la fonction depuis quelques années, son statut de pensionné lui a permis d’officier cette année sur le Tour d’Azerbaïdjan, le Tour d’Iran et sur bon nombre d’épreuves asiatiques aux confins du Tibet et de la Chine. «Et sur le Tour de Turquie, j’étais radio tour», complète-t-il sans omettre de préciser qu’il s’est aussi fait fort d’encadrer une formation de commissaires sur les rives du Nil en Égypte…

On a vu la politique. Son club. La fédé où il ne s’est pas fait que des amis comme en témoigne cette longue période d’amour vache avec Jean Regenwetter, le président fraîchement remplacé par François Dahm. «Je ne suis pas toujours le bien-aimé, mais c’est ainsi, je me suis fait une raison et ceux qui ne m’aiment pas sont aussi compréhensifs avec moi. Et lorsque je ne suis pas le bienvenu, alors je reste à la maison. J’estime aussi que quelquefois on peut se montrer fier du travail effectué.»

Pas un grand diplomate

C’est le cas avec le Tour de Luxembourg, qui reste un peu son domaine, mais de moins en moins réservé, bien qu’il n’en soit pas le président : «J’ai encore deux ans de mandat en tant que secrétaire.» Le président Frank Zeimet, qui passera la main prochainement à Andy Schleck, rappelle cette évidence au sujet d’Ed Buchette. «Pour le Skoda Tour, Ed reste la mémoire vivante. Je le dis humblement, rien ne se ferait aussi bien sans lui. Il donne sa vie pour le cyclisme. C’est lorsqu’il ne sera plus présent qu’on appréciera tout ce qu’il a fait et continue de faire pour son sport. Ce n’est pas un homme compliqué, je le côtoie depuis 15 ans et avec lui tu sais où tu vas…»

Fatalement et par ricochet, lui aussi a dû faire face aux critiques. «Avec ses missions différentes, c’est sûr qu’il cumule beaucoup de fonctions. Mais je pense qu’Ed est quelquefois critiqué, car il parle franchement, ce n’est pas toujours un grand diplomate…»

Pas un grand diplomate lorsque en plein congrès UCI couronnant Brian Cookson, l’actuel président (déjà fortement décrié de toutes parts pour divers conflits d’intérêts et une certaine incapacité d’action), il rend hommage à son prédécesseur honni, Pat McQuaid. Pas un grand diplomate lorsque en tant que membre de l’AIOCC (l’association des organisateurs où Christian Prudhomme le patron du Tour, qui en est le président, le tient en haute estime à coups de «mon cher Ed»), il heurte frontalement cette même UCI, où il reste membre de la commission route.

Ou bien au contraire, Ed Buchette est un très grand diplomate. Qui parvient à sauter d’une case à l’autre avec une grande agilité. Il est là partout chez lui et aussi partout où on ne l’attend pas.

Tenez, à quoi travaille-t-il actuellement ? Accrochez-vous bien ! «Au grand départ du Tour 2020 où Copenhague est candidat. Mes amis Alex Pedersen et Joachim Andersen, qui travaillent pour ce projet, m’ont demandé de les rejoindre et figurez-vous que ça me passionne», roucoule cet Européen convaincu qui a longtemps entretenu l’idée et le rêve un peu fou, quoique, d’organiser un Tour du continent.

«Tant que la santé est là, je continue, je fonce…» C’était en 2004 qu’il nous avait dit ça. Évidemment, aujourd’hui, alors que «tout va bien», il n’en retire pas une ligne.

Denis Bastien