Paul Philipp est littéralement martial en cette veille de reprise du football au pays. Pour lui, pas le choix : les clubs doivent être irréprochables et surtout cesser de chicaner.
Le président de la FLF avait été jusqu’ici assez silencieux dans la tempête. Alors que tous les clubs de DN demandaient à la fédération des consignes claires, notamment sur les tests, il est sorti de sa réserve avant que ne s’élance le championnat, pour donner le cap. Et dire ce que ne fera pas la FLF. Justement pour avoir l’assurance que l’on puisse enfin revenir au jeu, dit-il.
Progrès – RFCU, Hamm – F91. Avant ce vendredi, deux matches de la 1re journée de BGL Ligue ont déjà été annulés. Cela vous inquiète-t-il ?
Paul Philipp : Au départ, je vois surtout une question fondamentale à se poser : est-ce qu’on veut reprendre ou pas ? Parce qu’on pourrait aussi attendre que le coronavirus passe, hein ! On attrape une bonne grosse bière, on se met sur sa terrasse et on recommence à discuter jusqu’à Noël. Il faut que tout le monde se rende compte quand même d’une chose : on n’a plus joué au football au pays depuis six mois. Et si on ne fait pas ce qu’il faut, on pourrait attendre encore six mois de plus. Moi, je pense que si on veut encore pouvoir aller à la chapelle, il faudra qu’il y ait encore une religion. Il faut que le foot reprenne !
Avez-vous l’impression que la population luxembourgeoise remette cette idée en cause comme les Allemands ou les Anglais, au plus fort de la pandémie, ont pu le faire quand il a été question de remettre la Bundesliga ou la Premier League sur les rails ?
Je crois que, pour le moment, les gens sont pour. Mais si on ne se tient pas aux règles sanitaires, cela peut vite se retourner contre nous. Je crois qu’il y a, à l’heure actuelle, une volonté de réinstaurer une forme de normalité par le sport. Tout le monde veut que le sport reprenne, mais nous, footballeurs, portons une énorme responsabilité.
Puisqu’on parle de responsabilités, les clubs vous reprochent de ne pas donner de consignes assez claires pour leur permettre de s’organiser.
Je crois surtout qu’il faut arrêter de dire « on ne nous dit pas comment nous devons vendre nos billets » ou « on ne nous dit pas comment distribuer nos bières ». C’est plus compliqué que ça et bien plus important. Je crois que la plupart des gens ne vont pas assez en profondeur pour analyser le problème. On dirait qu’ils pensent juste au prochain match. Et le leur en plus. Nous, à la fédération, on s’occupe de TOUS les matches. Rendez-vous compte, en plein coronavirus, la semaine prochaine, il y aura 30 000 footballeurs qui vont aller jouer des matches !
C’est le moment où l’on doit parler de ce souhait qu’ont exprimé beaucoup de coaches et dirigeants de voir la FLF imposer des tests pour tous les joueurs en Division nationale ?
On ne l’a jamais envisagé une seule seconde, même pour la seule DN. Le foot, ici, ce n’est pas que pour la DN, c’est pour tout le monde. Même si on pouvait le faire, tester tous les joueurs de DN, on ne le ferait pas. C’est trop facile de dire qu’on doit le faire alors qu’en fait, c’est impossible.
Mais vous comprenez les angoisses des clubs face à une possible inégalité de traitement face aux contaminations et surtout à la façon dont elles sont détectées ?
Nous traiterons toujours chaque club à égalité. Tester tout le monde tout le temps, c’est impossible. On ne peut le faire que ponctuellement et on a choisi de le faire pour les clubs opposés aux clubs qualifiés en Coupes d’Europe, par rapport à leurs propres obligations.
Ils sont donc votre priorité ?
Oui, parce qu’ils ont fait beaucoup de tests pour préparer un seul match et que ce serait dommage de voir tomber une contamination après tout ça. Mais on n’a pas obligé les clubs qui les affrontent. On a juste demandé de le faire, par solidarité. Avec le risque que l’un ou l’autre… Mais bon, c’est normal : la France a eu des cas, l’UEFA a vu des cas…
Avez-vous cherché à obtenir une dérogation de la part des ministères pour vous assurer qu’il n’y ait pas trop de reports et que votre calendrier finisse par en souffrir ? Par exemple, avez-vous demandé qu’on puisse jouer au cas où un club n’aurait qu’un ou deux joueurs qui s’avèrent positifs? Car là, on se retrouve déjà avec deux groupes (RFCU et F91) mis en quarantaine pour cinq jours…
On ne fixera pas de seuil de joueurs positifs au-delà duquel on reportera un match
Ça, c’est une autre question. Vous savez comment ça se passe avec le « tracing » »… Le ministère de la Santé vous contacte, vous devez dire de qui vous avez été proche ces dernières 48 heures et tous ces gens sont mis à l’isolement… Dès lors, nous, on a décidé qu’en fonction des informations qu’on reçoit, nous traiterions au cas par cas.
C’est-à-dire que l’on pourrait jouer s’il y a des cas positifs dans un club, mais que tout le groupe n’est pas mis en quarantaine ?
L’UEFA a dit que du moment que vous aviez encore treize joueurs valides, vous deviez jouer ou cela pouvait être considéré comme un forfait. On n’ira peut-être pas jusque-là mais on se basera par contre sur les papiers que le ministère de la Santé nous expédie. On ne fixera pas de seuil de joueurs positifs au-delà duquel on reportera un match. Cela sera vraiment au cas par cas. Malheureusement, pour les deux premiers (NDLR : RFCU puis F91), il n’y a pas eu de discussion puisque tout l’effectif s’est retrouvé à la maison.
On pourrait regarder cette décision comme assez courageuse puisqu’elle vous mettra sous le feu des critiques si votre décision déplaît à un club qui considère, s’il présente des cas positifs, qu’il est privé de trop de forces vives pour aborder un match maintenu ou, à l’inverse, qu’il était tout à fait capable de jouer et qu’on l’en empêche. Fixer un seuil n’aurait-il pas été plus simple et clair, même si cela aurait sans doute contraint à annuler plus de matches ?
(Il s’anime) Mais… J’espère surtout que tous ces clubs veulent avant tout jouer au football! Si l’on commence à élaborer des tactiques liées au virus, si on cherche à en tirer profit, on ne s’en sortira pas. Si l’on commence à manquer de solidarité, ça pourrait aller très loin. Que tout le monde envoie le même signal : on veut jouer au foot et pas commencer à bricoler! J’espère que personne ne pense comme ça, l’enjeu est trop énorme. Que l’on se rende bien compte d’une chose : nous sommes l’une des seules nations qui va pouvoir reprendre avec du public comme nous le souhaitons dans les stades. Alors calculer, ce serait irrespectueux.
C’est quand même une opportunité énorme. Certains s’en rendent compte. J’ai eu le FC Wiltz au téléphone. Ils vont s’arranger pour pouvoir faire entrer plus de 950 personnes au stade pour le derby. Toute la région est fière de ce retour en DN et travaille pour ça. On aurait pu avoir des huis clos, comme pour les matches internationaux et nous, on se retrouve à avoir la chance de pouvoir même créer des places assises pour remplir les stades!
Avec un risque, majeur : que l’on se retrouve confronté à l’incivisme des supporters et que les ministères vous demandent d’arrêter ?
Oui. Ou même que la vox populi nous intime de le faire. C’est pour cela que le football a le devoir d’être exemplaire. C’est une occasion unique pour notre sport. Peu ont notre chance, ne la gâchons pas. Mais j’ai l’impression que même si nous savons tous qu’il peut, oui, y avoir des problèmes, tout le monde veut que le foot revienne. Il faut qu’on force notre destin, sinon, le football ne reviendra pas avant encore des mois. Ne pas forcer le passage, ce serait un abandon.
Au risque de voir les reports, donc, se multiplier.
Et cela risque d’être le cas la semaine prochaine, et dans quinze jours, et dans trois semaines… Eh bien, on jouera aussi longtemps que le temps le permettra cet hiver…
Certains entraîneurs ont milité pour que l’on suive le mouvement de certains championnats en autorisant cinq changements par rencontre, puisque la FIFA l’autorise sur toute la saison. Le Luxembourg en restera-t-il à trois changements ?
Bien sûr. Comme la Belgique et l’Angleterre ou l’UEFA en ce qui concerne le championnat d’Europe 2020/2021.
Les arbitres seront-ils testés ?
Pour ce week-end, comme certains étaient engagés sur des matches européens, la plupart l’ont été. Mais nous ne leur en faisons pas l’obligation. Même si la plupart, dans la société civile, sont de fait testés.
Ils sont pourtant très au contact des joueurs.
Charles Schaack (NDLR : le patron de l’arbitrage au pays) a envoyé une note à la corporation et aux clubs. Il y a des recommandations très précises. Il convient bien évidemment de ne pas monter sur un joueur pour lui infliger un carton jaune.
Entretien avec Julien Mollereau