Classé 20e à sa première participation en 2014, Jempy Drucker le suppose, «dès les premiers secteurs, ce sera un chantier…».
C’est une veillée d’armes particulière pour Jempy Drucker (35 ans). D’un côté, il y a cet impératif de son équipe Cofidis de briller sur les pavés du Nord, là où se trouve le siège de la firme. Et puis le propre impératif de Jempy Drucker, qui n’a jamais caché sa passion (naturelle pour un ancien cyclo-crossman !) pour l’Enfer du Nord. D’ailleurs à sa première participation, il signe en 2014 une 20e place, ce qui n’est pas rien sur la reine des classiques, ce sera sa meilleure place jusqu’ici, puisque ensuite, chez BMC, il roulera pour son leader, Greg Van Avermaet. Le coureur belge le remercia d’ailleurs personnellement pour son succès, en 2017, tout de suite après son succès sur le vélodrome. «Sans Jempy, je ne gagnais pas. Juste avant la tranchée d’Arenberg, c’est lui qui m’a ramené après une crevaison…», dira-t-il.
Ce dimanche, Jempy Drucker cherchera à retrouver la flamme au terme d’une saison plus difficile que prévu. Une très belle course lui permettrait sans doute d’obtenir un nouveau contrat pour 2022. Un contrat qu’il n’a toujours pas en main pour le moment. «J’ai l’habitude, ce n’est pas la première fois que ça m’arrive. Je me bats comme ça depuis longtemps en fait», nous dit-il d’ailleurs ici…
Vous avez reconnu le parcours, qu’en avez-vous retenu ?
On a fait 100 kilomètres de Troisvilles à Orchies. C’était une belle sortie après l’Eurométropole Tour.
D’ailleurs, comment vous vous êtes senti sur cette course où on vous a vu travailler en tête de peloton ?
Pas si mal, ça allait. Oui, j’ai un peu travaillé pour Pit (Allegaert).
Revenons à la reconnaissance. C’est la première fois que vous voyiez les pavés si gras ?
Je les ai trouvés assez secs en fait. Sur le côté, il y avait parfois des flaques mais avec le vent, cela sèche vite. Il faudra voir comment la météo sera effectivement dimanche. Pour que ce soit gras, il faudrait qu’il pleuve beaucoup, c’est ce qui est annoncé. On verra bien.
Quand tu connais le chaos qu’il y a par temps sec, on n’ose pas imaginer ce que ça peut être avec la pluie et la boue !
Ce Paris-Roubaix humide, comment l’appréhendez-vous ?
C’est un mélange, d’un côté, c’est top de se dire qu’on va disputer un Paris-Roubaix dans ces conditions, mais de l’autre, quand tu connais le chaos qu’il y a par temps sec, on n’ose pas imaginer ce que ça peut être avec la pluie et la boue ! Ça va être hyper dangereux, tu n’as plus de marge d’erreur. Si le mec à côté de toi ou devant toi, tombe, tu tombes avec lui.
Dans ces circonstances pour vous, cela ne vaudrait-il pas le coup de faire partie de l’échappée matinale ?
Je ne crois pas qu’il y ait une échappée matinale avec suffisamment d’avance. Tout le monde se dit ça. Pendant les cent premiers kilomètres, ça risque de flinguer et avec le vent dans le dos, le peloton sera vite là dans les premiers secteurs pavés. On l’a vu par temps sec, lors des dernières éditions, il n’y avait quasiment plus d’échappées. Je pense que dans toutes les équipes, au meeting, les directeurs sportifs diront la même chose : toutes les équipes voudront avoir des coureurs devant. Moi, je ne vois pas le sens de perdre des forces alors que ça risque d’arriver groupé au premier secteur.
Physiquement et par rapport aux années passées, vous vous sentez comment pour aborder la course ?
Je me sens moins bien, toute l’année, j’ai eu des hauts et des bas et honnêtement, il y a eu plus de bas que de hauts. Avec le changement d’équipe, j’ai eu des difficultés à me trouver, même avec l’entraînement. Je n’ai pas la même condition que l’an passé à la même époque, je dois l’avouer. Mais voilà, Roubaix, reste Roubaix, je vais essayer de donner le maximum.
Cela reste une opportunité pour vous d’agripper un nouveau contrat pour que vous n’avez toujours pas pour 2022 ?
Oui, que ce soit l’Eurométropole, mercredi dernier ou Roubaix, à chaque course, cela reste une opportunité (NDLR : Jempy Drucker va ensuite courir Paris-Bourges et Paris-Tours).
Personne n’est à l’abri de la malchance, et alors tout peut partir du mauvais côté
Cela vous stresse ou cela vous motive-t-il ?
Oui, forcément un peu les deux. Mais j’ai l’habitude, ce n’est pas la première fois que ça m’arrive. Je me bats comme ça depuis longtemps en fait. J’ai eu la blessure, il m’a fallu me battre pour revenir. Et l’an passé, retrouver un contrat après mon passage chez Bora, n’a pas été facile C’est certain, ça prend de l’énergie, je connais cette situation, mais comme je vous l’ai déjà dit, ça peut partir dans tous les sens.
Pour ce Paris-Roubaix, Christophe Laporte sera leader dans votre équipe…
Oui, c’est bien normal après tout ce qu’il a montré cette année et ces dernières semaines. Mais bon, on sait que sur Paris-Roubaix, tout peut très vite arrivé. C’est toujours bien d’avoir plusieurs possibilités. Dès les premiers secteurs, ce sera un chantier.
Dans ce monument, une sorte de déclic peut-il se produire pour vous, comme pour d’autres coureurs ?
Oui, tout à fait, c’est le seul monument où il peut y avoir des surprises. Ce ne sont jamais des mauvais coureurs qui gagnent. Par exemple, (Mathew) Hayman (NDLR : vainqueur en 2016) n’était pas un mauvais coureur, mais on ne l’imaginait pas forcément vainqueur à Roubaix. C’est le seul monument où c’est possible. Dans les circonstances qu’on aura dimanche, c’est encore plus possible que jamais. Bien sûr, au niveau des favoris, (Wout) Van Aert, (Mathieu) Van der Poel et le bloc Quick Step sont les grands favoris. Van Aert et Van der Poel ont la technique du cross, cela va leur servir et ils seront devant. Mais personne n’est à l’abri de la malchance, et alors tout peut partir du mauvais côté.
Entretien avec Denis Bastien